Près de cinq longues années se sont déjà écoulées depuis la sortie du très bon
Keep An Eye Out paru en octobre 2019. Alors je sais que j’ai parfois tendance à radoter mais qu’est-ce que le temps passe vite... Un laps de temps relativement long durant lequel les Californiens auront effectué quelques petits changements à commencer par un petit coup de balais dans ses effectifs avec les départs de Ruben Benavides (guitare) et Joe Rodriguez (batterie) remplacés depuis par Ricky Garcia et Mitch Reitman. Take Offense en a également profité pour prendre ses cliques et ses claques, quittant ainsi Pure Noise Records pour s’en aller grossir les rangs du label MNRK Heavy (ex-eOne) sur lequel se trouve quelques sérieux clients tels que Crowbar, Creeping Death, High On Fire, Rhythm Of Fear ou bien encore Darkest Hour.
De cette récente collaboration est né
T.O.tality, un quatrième album paru en mai dernier qui malheureusement est quelque peu plombé par une illustration peu engageante pourtant signée des mains de Gera Vega (on lui doit précédemment celles de
Keep An Eye Out et du EP
Tensions On High). Côté production, les Californiens ont fait appel à quelques têtes connues (dont certaines avec qui Take Offense avait déjà collaboré par le passé) puisque ce sont Nick Jett (enregistrement), Matt Hyde (mixage) et Nick Townsend (mastering) qui ont été sollicités pour l’occasion. Ces derniers livrent une production idéale pour ce genre de Thrash / Crossover puisqu’avec ce son de guitare froid, métallique et tranchant on se croirait effectivement revenu dans la première moitié des années 90 du côté de Venice Beach...
Sans grande surprise, Suicidal Tendencies et Excel restent effectivement les principales influences des Californiens qui poursuivent avec
T.O.tality leurs pérégrinations en terre Thrash / Crossover sans rien changer à leur formule d’il y a cinq ans. Bien davantage porté sur les mid-tempo plutôt que sur les accélérations musclées typiques d’une grande majorité des formations évoluant dans le même registre, Take Offense prend une fois de plus le parti de ne pas jouer les gros bras à grands coups de cavalcades haletantes et autres séquences menées le couteau entre les dents mais plutôt en misant sur des tempos plus modérés et cela sans pour autant manquer de nerf. Si j’aime naturellement mon Thrash / Crossover lorsqu’il me donne envie de tout dézinguer autour de moi à grand renfort de toupa-toupa endiablés et autres breaks à devenir complètement zinzin, il faut bien reconnaitre que cette inclinaison à contre-courant à laquelle les Californiens s’accrochent depuis maintenant quelques années n’est pas sans insuffler un soupçon de fraicheur à un genre pour qui la vitesse et l’intensité son clairement deux éléments phares et généralement indissociables. Personne n’ira évidemment crier au génie à l’écoute de ces quatorze nouvelles compositions (eh oui, les Californiens se sont montrés ici généreux) mais il faut bien reconnaître à Take Offense que se faisant il réussit clairement à se distinguer de la cohorte de formations directement influencées elles aussi par la scène de Venice Beach.
Mais si quelques titres sont effectivement assez tranquilles d’un point de vue rythmique (je pense par exemple à "T.O.tality", "Assassination", "Until Then" ou "Give 'Em Chaos"), d’autres ne manquent clairement pas d’allant. Certes, ça ne cravache pas comme chez certains plus enclin à la bagarre mais cela n’empêche pas les Californiens d’enchaîner les moments forts tout au long de l’album (cette ouverture sur l’excellent "Greetings From Below" ne devrait pas manquer de mettre rapidement tout le monde d’accord). Il faut dire aussi que la paire de guitaristes constituée de Greg Cerwonka (nouveau riffeur d’Excel depuis cette année) et Ricky Garcia (qui quant à lui a rejoint les excellents Dead Heat récemment) a fait ici un excellent travail de composition. De ces riffs particulièrement affûtés et nerveux qui ne manquent clairement pas d’efficacité ("Greetings From Below", "S.W.O.", "T.O.tality", "If I’m Damned, So Be It", "Uncivilized Animals", "Stolen Land", "The Prayer") à ces leads et autres solos mélodiques d’excellente facture ("Greetings From Below" à 0:13, 0:52, 1:47 et 3:00, "T.O.tality" à 2:33, "Assassination" à 2:16, "Now Or Never" à 2:25, "Deep Inside (The House Of Shadows)" à 2:37, "Stolen Land" à 1:59, "Until Then" à 2:15, "Beyond Flesh & Bone" à 2:36 et j’en passe…) en passant par ces nombreux changements de tons (Si Excel et Suicidal Tendencies sont effectivement les principales influences de Take Offense, l’auditeur averti pourra tout de même y entendre un peu de Mindfunk, de Scat Opera, de Mordred ou de Scatterbrain tout au long de ces quarante-deux minutes qui ont donc bien plus à offrir qu’un simple Thrash / Crossover), il ne fait aucun doute que les deux guitaristes s’en donnent ici à coeur joie.
Alors c’est vrai,
T.O.tality n’est peut-être pas l’album de Thrash / Crossover le plus intense et le plus impressionnant qu’il vous sera donné d’entendre mais il faudrait quand même être de sacrée mauvaise foi pour ne pas y déceler tout le potentiel qui, une fois de plus, en émane. De ce parti-pris relativement audacieux consistant à la jouer plus modéré que la moyenne en passant par ces riffs incroyablement ciselés, nerveux et mélodiques sans oublier ces accointances Heavy / Funk / Fusion qui pointent régulièrement le bout de leurs nez et même ce chant hargneux mais néanmoins un brin désabusé qui d’une certaine manière évoque celui de Mike Muir, la musique de Take Offense a largement de quoi séduire et convaincre. Certes, un album de cette trempe fera probablement moins de bruit qu’un disque bien plus frontal mais ce serait à mon avis une erreur de sous-estimer le potentiel de cet excellent
T.O.tality bien plus riche et intéressant qu’il n’y parait de prime abord.
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