Anthropophagus Depravity - Demonic Paradise
Chronique
Anthropophagus Depravity Demonic Paradise
J’évoquais au début de ma chronique du dernier album du duo Perveration le vivier intarissable qu’est la scène brutale indonésienne et le nombre interminable de formations dans lesquelles certains membres se retrouvent. En voici une nouvelle illustration encore aujourd’hui avec Anthropophagus Depravity, qui est un des autres projets du batteur/bassiste/guitariste (de Perveration) Rama Maulana aka Sahrul Ramadhan. Ce dernier ne s’occupe ici que des fûts et est entouré cette fois-ci de trois autres lascars aux profils pour le coup assez variés puisque leur pédigrée s’étend du brutal death au death prog symphonique, et parmi lesquels on notera notamment le gratteux Eko Aryo Widodo de Death Prophecy et des excellents Restlessly dont l’album Unforessen Consequences sorti en mars dernier est belle petite mandale BDM, tout comme l’album qui nous intéresse aujourd’hui.
Sorti fin juin chez Comatose Music, « Demonic Paradise » est le second opus des natifs de Yogyakarta après un déjà très solide « Apocalypto » paru en 2021 sur le même label américain. Et si le terme ‘’symphonique’’ apparaît dans le paragraphe ci-dessus, vous pouvez tout de suite l’oublier car Anthropophagus Depravity c’est plutôt du lourd, du très lourd, du très très lourd même, du qui vous enfonce la tête dans la boue et qui ne cesse d’accentuer son emprise jusqu’à ce que mort s’en suive, pendant trente-et-une minutes asphyxiantes. Certes vous ne vous étoufferez pas de surprise mais vous vous en doutiez de toutes façons, on joue ici dans la cour brutal death US assez classique dans le fond, quand bien même la forme, elle, se révélera plus moderne, et même si le péquin qui a rédigé la fiche promo (et certainement abusé de je-ne-sais-quoi nous cite Immolation et Incantation (allez à la limite pour les passages pachydermiques) parmi les FFO… à côté de Devangelic et Cryptopsy, qui ont déjà plus leur place ici). Bref aucun intérêt de tomber dans le name dropping inutile, Anthropophagus Depravity ça défonce, avec une prod ultra puissante qui fera vibrer les fondations (plus moderne que celle de Perveration pour comparer). Et attention au départ en trombe avec « The Obscure Realm » car c’est une véritable déflagration sonore qui risque de faire voler en éclat la moindre chose un peu fragile alentours : fenêtre, verre, tympan… quand bien même ce titre d’introduction est loin d’être le plus brutal de la galette, c’est dire ! La piste suivante « Dogma Weakened Souls » devrait sans peine vous en convaincre. L’attaque est d’une violence inouïe et l’assaut de blasts et de double pédale ne se calmera qu’en de rares instants où le quatuor fera parler ses penchants les plus lourds avec ces breaks ultra massifs mais qui garderont toujours ce petit côté accrocheur. Et c’est là la grande force de la formation, savoir harponner l’auditeur et ne jamais plus le lâcher, aussi intenses soient les neuf titres balancés ici (on zappera l’interlude « When The Darkthrone Reigns », je me demande comment on trouve un tel titre pour illustrer trois minutes de bruit...). En effet l’extrême brutalité développée par Anthropophagus Depravity se pare toujours d’une forme de groove ou au minimum d’une lisibilité (merci la prod) qui permet d’éviter l’écueil du bloc sonore inaudible et incompréhensible.
Finalement il faut peu de choses (façon de parler) pour qu’un album passe de quelconque à intéressant voire plus, surtout dans un style aussi saturé et sclérosé que le brutal death, et nos quatre indonésiens ont su mettre ici tous les voyants au vert : des compos solides, brutales mais toujours accrocheuses et restant lisibles grâce à une prod moderne sans donner dans le trop synthétique et sans jamais tomber dans le bourrinage stérile ou le slam neuneu malgré certains passages bien bien heavy. Ajoutez-y un growl bien gras et caverneux qui n’est certes pas l’atout principal du groupe mais qui colle parfaitement au propos (on aurait difficilement imaginé autre chose ici…).
Avec sa chouette pochette signée Bvllmetalart (à qui l’on doit de jolies covers pour Asphyxiate, Fecundation, Jasad, Jig-Aï, Monstrosity, Nocturnus AD, Perverted Dexterity… et également guitariste/chanteur chez Epitaph – les Indonésiens évidemment) « Demonic Paradise » est un bon gros parpaing de brutal death intense et sans pitié. Neuf titres d’une violence qui jamais ne faiblit et encore une belle sortie pour Comatose Music. Bien sûr Anthropophagus Depravity ne réinvente absolument rien (on est quelque part entre Disgorge et Organectomy) mais fait le job avec la manière. Je radote un peu en ce moment (surtout sur le forum), et ce n’est pas fini, l’Indonésie possède vraiment une scène incroyable et dont la qualité ne cesse de grimper en flèche. Avec cet album Anthropophagus Depravity fait désormais incontestablement partie de ses fers de lance.
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