Lykathea Aflame - Elvenefris
Chronique
Lykathea Aflame Elvenefris
Au fond qu'est-ce qu'un album culte ? Un album qui a révolutionné l'histoire du métal (Un Reign In Blood ?) Un album qui a révolutionné sa propre découverte du métal ? Ou un album au dessus de tout jugement, tellement proche de la perfection qu'il mérite ce statut tant convoité ? Il appartient à chacun selon ses critères d'y associer la définition la plus à même de convenir, pour ma part je me rangerais pour cette chronique dans la 3e catégorie : « Elvenefris » est un album exceptionnel dont j'ai envie de partager avec vous, amis lecteurs, tout le bien que j'en pense. Je met très rarement un 10/10 sur Thrashocore, essayant de manier avec précaution cette notation qui si l'on en abuse perd toute sa valeur. Et pourtant, du premier jour où j'ai associé mes écoutes d' « Elvenefris » à l'idée de le chroniquer pour Thrasho, je savais qu'il ferait parti des 7 albums à ce jour sur plus de 650 chroniqués qui aurait, sans un instant d'hésitation, droit à la notation ultime.
« Elvenefris » est un album sorti en l'an 2000 sur un obscur label Tchèque et issu de l'imagination fertile d'un groupe Tchèque underground, Lykathea Aflame. Ne cherchez pas sur métal archives d'illustres références chez ses musiciens, aucun n'a joué dans un quelconque groupe « connu » jusqu'alors (ni après d'ailleurs). Mais vous conviendrez avec moi que cela n'a aucune incidence sur la possible qualité de cet album, qui justifie d'autant plus son statut d'exception que Lykathea Aflame est le groupe d'un seul album. Pas de discographie à rallonge, de second album un peu moins inspiré, rien de tout ça : Lykathea Aflame, c'est uniquement « Elvenefris », et malgré quelques nouvelles courant 2006 n'ayant jamais été suivis de faits, le groupe a visiblement explosé en vol pour ne plus jamais refaire surface.
Comment décrire précisément de quoi est composé « Elvenefris » ? Disons que c'est le compromis parfait entre la violence sans limites du brutal death, et de l'émotion, de la beauté musicale et des mélodies à tomber par terre, le tout saupoudré d'une ambiance orientale du meilleur effet. Je vois d'ici vos regards étonnés : il nous parle de brutal death et d'émotion ? Oui, « Elvenefris » est à 75% un album de brutal death, avec un nombre improbable de blasts, et même quelques passages qui sonnent plus grind que death. Les vocaux de Ptoe, le chanteur / guitariste, sont ultra gutturaux, et proche du yaourt volontairement incompréhensible des pires groupes de Grind si l'on a pas le livret entre les mains pour comprendre les paroles. Et pourtant, malgré cette prédominance de puissance et d'agression musicale, et ce même pour le plus aguerri des mélomanes, les 6 minutes en moyenne de chaque titre sont un vrai ravissement, du début à la fin. Vous allez me dire : y'a un truc. Le truc en question, c'est que l'agressivité n'est pas non stop, full in your face sans discontinuer comme beaucoup d'autres groupes ; elle est en fait diluée au milieu de passages, les fameux 25% restants qui font d'ailleurs toute l'originalité et le génie de cet album, qui utilisent eux à contrario chant clair, guitares acoustiques, arpèges et nappes de claviers, pour apporter un contraste bienvenue à la brutalité ambiante. Et que dire, sinon que l'ensemble est cohérent d'un bout à l'autre, et ultra jouissif du premier au dernier morceau
Que l'on soit fan de Gorgasm ou d'Orphaned Land, voire des deux (ça existe), on ne peut qu'accrocher à l'excellence de cette mixité entre 2 ambiances diamétralement opposés, que tout confronte et qui pourtant trouvent ici une alchimie et une osmose à ma connaissance sans précédent. Parfois, ce sera pour quelques secondes seulement, comme une succession d'arpèges cachée entre deux accélérations sur fond de growls yaourt ; sinon c'est souvent une minute entière où guitare en son clair, chant, et claviers reprennent le dessus ; quand ce n'est pas carrément toutes les 5 dernières minutes d'un titre, comme la splendide « A Step Closer », où l'excellence ne fait que monter en puissance tandis que les minutes passent. Pourtant, tous ces efforts pour mêler avec harmonie deux univers complètement différents seraient vains, si ce n'était l'excellence de 99% de la texture musicale qui nous y est proposé. Quand j'utilise les termes d'excellence, de sublime voire de magique, ce n'est pas pour rien : sur cet album, les riffs, les mélodies accrocheuses sont légion, et c'est aussi et surtout cela qui en fait un album exceptionnel. Au-delà des mots, que dire de la magie qui habite l'ensemble de titres comme « Bringer of Elvenefris Flame », « To Become Shelter and Salvation », ou « On The Way Home » ? Le clavier apporte vraiment une dimension supplémentaire aux passages dit « calme », et ne déborde pour autant jamais de son rôle d'accompagnement : ce sont toujours les guitares qui mènent la danse. N'oublions pas les influences orientales, qui surgissent ici et là par le biais de riffs arabisants, sans pour autant surcharger l'album et en faire un clone de Nile ou une version brutal death de Melechesh ; disons plutôt qu'elles apportent un peu d'air frais et une originalité supplémentaire à l'album. Une écoute valant des milliers de mots, je vous conjure en parallèle de ma chronique d'écouter les 4 titres dispos ci-contre, qui même si ce ne sont pas tous mes préférés, vous éclaireront en grande partie sur ce qui m'a conquis sur cet album. Les 4 premiers titres de l'album sont des classiques absolus, et ne pouvaient pas mieux faire entamer l'écoute de l'album ; cependant, tout l'album est du même acabit, et de la divine fin (dans tous les sens du terme) de « Flowering Entities » jusqu'à la toute dernière minute de « An Old Man and a Child », aucun titre n'est en reste et je pourrais passer encore un paragraphe entier à vous citer ici et là des passages qui m'ont laissés pantois de plaisir auditif.
Ne croyez pas que j'en ai fini avec les superlatifs !! Maintenant que je l'espère, vous êtes convaincu des qualités musicales d' « Elvenefris » (vous aurez remarqués le lavage de cerveau, à force de vous répéter le nom de l'album vous finirez bien par l'acheter !!), il me faut vous parler des maîtres d'œuvres d'un tel chantier : bien que méconnus, chacun des zicos de Lykathea Aflame a un niveau technique absolument démentiel, et ce chacun dans son domaine propre. Parlons déjà des changement de tempos complètement fou du batteur, comme sur « To Become Shelter and Salvation », où sur un riff de guitare il va aligner de micros séquences de blasts, tantôt à une vitesse tantôt à une autre, en gardant en ligne directrice le tempo principal. Autant le dire, la référence qui vient vite en tête est Flo Mounier de Cryptopsy, tant ces périodes courtes de blasts ultra rapides sont une réminiscence des meilleurs morceaux des Canadiens. Aucun fill n'est absolument identique à un autre, et certains passages prennent une toute autre dimension grâce à la richesse de son jeu ; vraiment quelle perte pour notre microcosme musical qu'il n'officie plus à ma connaissance dans un autre groupe avec un minimum de reconnaissance. Les guitaristes quand à eux ne sont visiblement pas friands de solis, l'album n'en comprenant aucun : cependant, les lignes mélodiques sont innombrables, et le groupe a préféré miser sur une science des riffs imparable plutot que sur un déluge de notes aux alentours de Mach 5. La vraie technicité ici, tient à la fois au coté ultra catchy de nombreux riffs, et également à la multitude de registres dans lesquels ces orfèvres de la 6 cordes opèrent : qu'ils souhaitent sonner brutal, oriental, mélodique ou mystique, soulignant une discrète note de clavier lors d'un des innombrables monumentaux breaks de l'album, chacun des riffs joué ici est inspiré et un appel au voyage pour qui l'écoute. Quel gâchis, vraiment quel gâchis de ne plus avoir de trace de ces musiciens depuis le split du groupe…
Vous pensiez peut être que j'allais, sous couvert de n'utiliser que des superlatifs, en oublier de parler de ces points de détails qui nous rappellent que, excellence ou pas, ce sont des humains comme vous et moi qui ont crées « Elvenefris » ? Mon absence d'objectivité et mon admiration pour cet album ne me freineront pourtant pas à vous parler dans un premier temps de la production, qui bien que très correcte et équilibrée entre les instruments (la basse à part, mais c'est un album de Death donc pourquoi espérer le contraire ?), a doté la caisse claire d'un son… « perfectible » on va dire. Ce n'est pas un problème majeur, et nettement moins accentué que sur pas mal d'autres albums décriés pour cela (pas de noms, pas de noms) ; mais autant l'évoquer vu que cela saute aux yeux. L'autre bémol concerne le titre fleuve « Walking in the Garden of Ma'at » : c'est LONG. 11 minutes, je sais que c'est censé être une outro destinée à redescendre en douceur de cette heure de fortes sensations auditives, mais quand même avec 5 minutes de moins, surtout que ce ne sont au final que des nappes de claviers sur fond de gazouillis d'oiseaux (hum…mais le reste de l'album est brutal promis), j'aurais probablement moins eu le réflexe d'arrêter systématiquement l'album à la fin de « An Old Man and a Child ».
Unique en son genre, intemporel, riche et porteur d'émotions étranges qui me font me sentir tout bizarre dans mon petit corps (c'est ça ou la récente découverte que Yaourt avait aimé du Lofofora), « Elvenefris » a tout pour mériter son statut de perle, méconnue qui plus est, et j'espère avoir réparé en partie cet affront avec ces quelques paragraphes. Plus qu'un long discours, je vous conjure une nouvelle fois d'aller jeter une oreille aux morceaux en écoute, et ne zappez pas avant la fin, chaque titre ayant son lot de surprises pour ceux qui persévèrent. RIP Lykathea Aflame, et qu' « Elvenefris » reste longtemps encore dans nos mémoires.
| Chri$ 8 Novembre 2009 - 4220 lectures |
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