Submerged - Tortured At The Depths
Chronique
Submerged Tortured At The Depths
Si certains choix du label New Standard Elite s’avèrent parfois discutables (Gorepoflesh, Gutting, Limbless, Trichomoniasis...), on s’accordera tout de même à dire que la petite structure originaire de Dayton dans l’Ohio est à ce jour l’une des plus sûres en matière de Brutal Death (Technique). Une aura qu’elle entend bien conserver grâce à des sorties de choix dans un registre qui pour plusieurs raisons déjà maintes fois évoquées ici même n’a de nos jours plus autant le vent en poupe qu’à une certaine époque.
Formé en 2023 à San Diego, Californie, Submerged est un groupe encore très jeune au sein duquel on va retrouver des membres de Necrotic Infibulation, Regurgitated Entrails et Virologist. Une formation menée par des gamins hyper-actifs âgés d’une petite vingtaine d’années qui, s’ils ne se sont probablement pas fixés pour objectifs de redorer le blason d’un genre en décrépitude, sont pourtant bien partis pour y contribuer à l’aide de leurs différents projets. Après une première démo promotionnelle parue l’année dernière sur Eminent Sounds et un léger remaniement d’effectif (exit Eston Browne), le groupe alors composé d’Erick Rincon au chant, Sam Little à la guitare et Andy Vincent à la batterie se décide à passer rapidement à la suite avec la sortie en avril dernier de ce premier album intitulé Tortured At The Depths. Un disque produit là encore par Michael Foster des excellents Necropsy Odor (c’est à lui que l’on doit également la production du premier album de Regurgitated Entrails) et dont l’illustration - dans un souci évident du détail et comme pour mieux souligner son affiliation - a été confiée à nul autre que Jon Zig avec qui Erick et Sam ont également collaboré afin d’illustrer le très bon Sickening Indulgence Of Flesh dont on a justement parlé il y a quelques semaines de cela.
Composé de huit titres dont trois sont issus de la première démo de Submerged ("Submerged in Sewage Water", "Vulture Vivisection" et "Disenchanting The Ancient Ents"), Tortured At The Depths est ce que l’on peut appeler un modèle de concision puisque celui-ci culmine à un tout petit vingt-et-une minutes seulement. Un brin frustrant, ce n’est pas avec ça que l’on risque de s’étouffer même si on appréciera tout de même, notamment pour la beauté du geste. D’ailleurs à leur défense, cette durée pour le moins contenue n’est peut-être pas un mal compte-tenu de cette production qui risque bien de tenir quelques auditeurs éloignés de ce projet pourtant assez intéressant pour qui goûte à ce genre de douceurs.
Caisse-claire Tefal, guitares denses et opaques, basse diffuse et indescriptible, growl et pig squeals parfois à la limite de la bienséance... les jeunes américains y vont ici relativement franco quittent à frôler parfois l’excès de zèle. Un enthousiasme au service d’un Brutal Death qui doit beaucoup à celui de groupes tels que Brodequin, Disgorge (la version américaine), Liturgy et toutes ces formations à l‘approche pour le moins radicale. En effet, si Tortured At The Depths ne dure qu’une petite vingtaine de minutes c’est parce que les huit titres qui le composent ne s’embarrassent que de très peu de fioritures (quelques samples servis en guise d’introduction ou de conclusion sur "Submerged In Sewage Water", "Habitual Degeneration Of A Contaminated Species" et "Vulture Vivisection", pas davantage) et sont pour la plupart expédiés en moins de trois minutes. Caractérisé par une caisse-claire particulièrement sonore qui très vite va prendre le pas sur les autres instruments, ce premier album donne l’impression de se faire défoncer le crâne à coups de blasts quasiment ininterrompus. Si derrière ses fûts Andy Vincent s’amuse ainsi à pilonner sa caisse claire sans jamais faiblir (ou alors en de rares occasions seulement), Sam Little n’est lui non plus pas en reste et nous offre un riffing particulièrement dense et tarabiscoté fait de notes et de séquences épileptiques qui rendent l’immersion et l’assimilation de ces huit compositions peu aisées faute d’immédiateté. En effet, même si Tortured At The Depths s’impose rapidement comme un album de choix en matière de Brutal Death, plusieurs écoutes seront nécessaires pour en saisir tous les tenants et les aboutissants et ainsi tomber pleinement sous le charme de ce premier "longue-durée". Une forme d’hystérie collective (même si on a déjà entendu plus frénétique comme chez Nithing l’année dernière) qui aux premières écoutes peut ainsi donner mal au crâne mais qui se révèle avec le temps particulièrement jouissive. D’ailleurs, dans cette débauche de blasts et de riffs alambiqués et tordus, on appréciera de pouvoir se régaler de quelques ralentissements bien troussés qui avec eux vont amener une pointe de groove des plus réjouissantes qui ne manquera pas de nous faire chalouper ("Infested With Barnacles" à 0:50, 1:20 et surtout 1:46, "Submerged In Sewage Water" à 0:45, 1:49 et 2:09, "Habitual Degeneration Of A Contaminated Species" à 2:29, "Colony Of Spores" à 1:12, "Embedded Within The Hive" à 1:43, "Vulture Vivisection" à 0:43 et 1:33…).
Plus intense mais aussi un petit peu moins facile d’accès qu’un Regurgitating Entrails dans lequel on retrouve justement Erick Rinson et Sam Little, Submerged n’en possède pas moins les atouts pour convaincre les amateurs de Brutal Death américain de la fin des années 90 et du début des années 2000 grâce à des compositions nerveuses et efficaces, un sens du rythme relativement affûté, une concision peut-être un brin frustrante mais qui ne leur porte pas préjudice (même si à titre personnel, je n’aurai pas craché sur cinq / dix minutes supplémentaires) et une production idéalement taillée pour le job. Comme bien d’autres, Submerged ne révolutionnera pas le petit monde du Brutal Death avec sa musique mais sa formule balisée et surtout naturelle (pas de trace d’artifices numériques ici) font de ces vingt-et-une minutes un véritable plaisir avec en sus un petit goût de reviens-y. Bref, le genre de défouloir qu’on aimerait voir plus souvent dans le genre et une preuve supplémentaire que la valeur n’attend pas le nombre des années.
| AxGxB 13 Novembre 2024 - 360 lectures |
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