Loch Vostok - Opus Ferox - The Great Escape
Chronique
Loch Vostok Opus Ferox - The Great Escape
« Cure... for the disease... has come! »
C'est avec ce genre de refrain diablement accrocheur, intercepté dans le morceau « The Glorious Clusterfuck », que Loch Vostok a su capter mon attention. Vieux briscard né en l'an 2000, ce combo formé par Teddy Möller dans les limbes de l'underground suédois a été longtemps écartelé entre le metal extrême de ses guitares agressives et la manière progressive de ses claviers éthérés. Il se définit lui-même comme l'enfant illégitime qu'auraient conçu Emperor et Tears For Fears. Je ne pourrai guère faire mieux pour introduire sur votre webzine préféré ce quintet qui n'a néanmoins connu ni le succès du premier, ni celui du second. Pourtant, Teddy Möller, avec ses lieutenants Niklas Kupper (guitare), Lawrence Dinamarca (batterie) et Patrik Janson (basse) s'y emploient depuis de nombreuses années en proposant des sorties de bonne qualité, en progression régulière depuis leur premier album Dark Logic (2003). Cependant, après un Strife (2017) en demi-teinte, le leader a décidé de changer les choses, lâchant la majorité de la partie vocale pour se consacrer à la guitare et recrutant Jonas Radehorn pour assurer des vocalises résolument progressives, faisant résolument pencher la balance du côté du metal progressif pour leur huitième full-length, Opus Ferox - The Great Escape (2021).
C'est précisément la raison pour laquelle votre serviteur s'est intéressé de plus près à Loch Vostok. Une idée aussi improbable que lumineuse puisque dès « The Freedom Paradox », me voilà propulsé in media res dans un riffing cosmique qui garde dans un coin de sa tête l'héritage extrême de ses musiciens, tout en proposant des idées fort pertinentes dans mon registre de prédilection. Dès cette écrasante salve de « palm mutes » ravageurs, sublimée par une valse d'orgue contemplative, les Suédois ont tout à fait compris ce que j'attendais du metal progressif. Non seulement, ils démarrent sur les chapeaux de roue et confirment dans la suite de Opus Ferox - The Great Escape, parsemé d'un souffle épique percutant qui émerge lors de plusieurs moments touchés par la grâce. La cavalcade qui rythme le refrain de « Galacticide », surplombé par une mélodie obsédante à la guitare lead en fait clairement partie. Tout comme la rythmique syncopée qui interrompt prestement pour transcender l'excellent « The Great Escape », vers 1'25''. Évoquant le Ark période Burn The Sun (2001) ou encore le légendaire « This Dying Soul » de Dream Theater (2003), ce passage est d'une efficacité chronique. Lorsque le frontman y dépose une délicieuse litanie cosmique...
« Leaving a secret life...
A path right through a door
I hear an escaper's sound
Somewhere behold the fairytails than you've been told
A natural passage !
The Great Escape
I'm running low... »
… Opus Ferox - The Great Escape s'élève vers les cimes : c'est à ce moment précis que j'ai compris que j'avais affaire à un grand album de metal progressif. C'est que Teddy Möller a eu lui aussi une sacrée bonne idée en se cantonnant aux choeurs « growlés » pour offrir toute la lumière à Jonas Radehorn, qui s'empare avec brio du défi qui lui est proposé. En effet, sa tessiture plutôt grave, chaude et éraillée parvient systématiquement à faire briller les morceaux qu'il porte. Le petit côté Ray Adler (Fates Warning) de sa voix fait toute la différence, accentuant la mélancolie dans les moments dramatiques tout en tractant les assauts du groupe lors des moments plus épiques. L'homme est toujours juste dans ses intentions, parvenant toujours à doser habilement les envolées lyriques ou encore les punchlines efficaces. D'autant plus lorsque le combo déploie à plusieurs reprises cette science du refrain accrocheur, que j'ai eu grand plaisir à retrouver dans les bombes « The Freedom Paradox » ou encore « The Great Escape ». Les moments plus calmes permettent quant à eux au vocaliste d'exprimer l'étendue de son registre, comme le début de « Save You » sur lequel il distille quelques tremoli bien sentis, jamais maniérés. « Enter The Resistance » et « Seize The Night », deux morceaux évolutifs subtils, lui laissent le champ libre pour démontrer son aisance dans les passages intimistes ou doucereux (parfois aidé d'un « autotune » pertinent) comme dans les refrains fédérateurs qui empruntent opportunément au style power metal. Les quelques growls qui émergent des profondeurs à la manière d'un Enslaved donnent du relief à cette partition très réussie.
En effet, les Suédois ont aussi gardé le meilleur de leur héritage metal extrême, à commencer par le jeu de batterie de Lawrence Dinamarca. L'homme balaie un large spectre de patterns avec une production qui lui offre une lourdeur et une amplitude très metal, mais aussi un côté clinique impitoyable qui a tout de même tendance à oublier le feeling. Dans les deux cas, il offre aux riffs du combo une puissance détonnante, que ce soit lorsqu'il assène son rouleau compresseur de double pédale (« The Freedom Paradox », « The Glorious Clusterfuck ») ou ses blast beats ravageurs dans plusieurs passages très réussis (« Enter The Resistance », « Black Neon Manifesto »). L'homme excelle également dans le cahier des charges propre au metal progressif, avec ses contretemps très fluides. En tout cas, grâce à sa frappe brutale, Opus Ferox - The Great Escape s'impose comme une gradation dans la violence que sublime le morceau « Save You », qu'on pourrait naïvement prendre pour une « power ballad » dans ses premières minutes. Il s'avère être le morceau le plus ambitieux de l'album, puisqu'il adopte plusieurs signatures rythmiques ainsi qu'un déferlement mélodique d'une excellente teneur. Lorsque les Suédois cèdent à leur instinct de violence en interrompant abruptement le passage expérimental barré par un black metal ravageur, ils remettent l'église au centre du village. Tout comme « Black Neon Manifesto », conclusion fleuve dans la longue tradition du metal progressif, qui vient ajouter un supplément de méchanceté massive et d'expérimentations barrées à un ensemble qui en regorge par tous les pores. À tel point qu'on jurerait entendre Dimmu Borgir sur certains passages! Associé à un ultime refrain ravageur, cette ultime salve s'impose comme la meilleure manière possible de conclure cette fournée réussie.
Opus Ferox - The Great Escape est bien le bel échappatoire que nous promettait Loch Vostok, qui distille donc sur son huitième album un contenu de grande qualité. Aussi solide qu'ambitieux, leur metal progressif qui dose avec parcimonie ses tendances extrêmes s'impose comme l'une des belles surprises de cette année 2021. Espérons que l'artwork ainsi que la manière un brin vieillotte avec lesquelles les Suédois tracent leur bonhomme de chemin depuis l'an 2000 ne freinent pas leur ascension méritée.
| Voay 4 Juillet 2021 - 1165 lectures |
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