Ascend The Helix - Spiral Of Reflection
Chronique
Ascend The Helix Spiral Of Reflection
L'exploitation des données personnelles par les rapaces des internets a parfois du bon. Plongé dans une intense séance de scrolling, voilà qu'une publicité anodine pour le nouvel opus d'Ascend The Helix, Spiral Of Reflection – sorti le 14 juillet 2023 sans que je m'en rende compte le moins du monde – a dropé sans prévenir dans le navigateur de l'un de mes réseaux sociaux. Passées les premières impressions intuitives : « mais qu'est-ce que ce groupe encore ? Et allez, encore une pochette mystique! » ou encore « tiens donc, c'est pas mal cette affaire, mais ça ressemble vachement à Meshuggah quand même », je décidais alors d'offrir à ce nouveau groupe dont pas grand monde n'a entendu parler – puisqu'ils n'ont pas (encore) de page Encyclopaedia Metallum – quelques écoutes approfondies de leur premier-né. Quelle chance avaient ces Californiens d'atterrir entre mes oreilles, alors que l'industrie musicale – et moi-même – sommes noyés dans une infinité de projets ? Rien que dans mon rayon, il faudrait une ou deux vies entières pour écouter correctement l'ensemble de ce qui sort. C'est donc l'histoire d'une rencontre improbable que vont conter ces quelques mots. Force est de reconnaître que ce collectif conduit par Adam Smiarowski (guitare, basse, batterie, claviers) et composé de Mike Semesky, Mike Maksim (voix), Marco Tobas, Jacob Umansky (basse) ainsi que Josh Cuadra (batterie) a su immédiatement capter mon attention volage, jusqu'à me motiver à écrire cette chronique sur votre webzine préféré, qui partira des impressions annoncées plus haut pour les développer davantage.
« Ça ressemble vachement à Meshuggah quand même » est la première réflexion que tout être humain doté d'oreilles se fera à l'écoute de ce Spiral Of Reflection, pour peu qu'il les ai préalablement posées sur l'oeuvre fondatrice des Suédois et les débuts d'Ascend The Helix. Rien que la pochette évoque sans beaucoup de subtilité les colosses inquiétants des Scandinaves... celui d'obZen (2008) semble avoir ici été trempé dans un pot de peinture turquoise. Musicalement, on frôle à plusieurs reprises le plagiat. Notamment dans les soli dissonants qui parsèment l'oeuvre, quasiment impersonnels. Mais est-ce que c'est si grave que ça, docteur ? Pas du tout, surtout quand c'est bien fait. Après tout, Meshuggah est bon pour la santé. C'est qu'il faut avoir les moyens de plagier ce groupe mythique! Cette ambition nécessite non seulement un bagage musical certain ainsi qu'une vraie aisance technique pour reproduire à la perfection ces rythmiques saccadées et alambiquées si atypiques. Le chef d'orchestre Adam Smiarowski s'y entend parfaitement. Il est comme son modèle Jonas Haake d'une précision reptilienne, dans son jeu virtuose sur la double pédale notamment : « The Callous Soul Within » atteint un tel niveau de raffinement à ce niveau qu'il pourrait donner des sueurs froides. Cet excellent batteur participe donc pleinement à cette fureur milimétrée qui règne sur ces contretemps sculptés à merveille par ce guitariste, bassiste et producteur qui a abattu un travail de dingue. Ses guitares sous-accordées libèrent un maelstrom de puissance impressionant, même si la basse, reléguée au rang de relief technique, s'y noie un peu. L'illusion est quasiment parfaite, tant et si bien qu'il y a presque un « effet Meshuggah » dans le début d'album : l'auditeur rompu à ces mécaniques complexes ne peut qu'être happé dans cette nouvelle déflagration. La première moitié d'album, d'un « Wake » qui annonce clairement les intentions d'Ascend The Helix à « Cocytus » ou encore « The Callous Soul Within », hommage rendu rubis sur l'ongle aux idoles suédoises (presque jusque dans le nom et les thématiques abordées!), est exemplaire. D'autant que la production est à la hauteur : clinique au possible, elle diffuse une impression de froideur nihiliste très cohérente. Bien sûr, cet ensemble, trop marqué par Meshuggah (j'espère que vous aurez compris), manque encore de personnalité. En outre, passé cet halo initial, la fin d'album (à partir d'un « The Undoing » poussif) s'essouffle un peu.
Alors, Ascend The Helix, simple médicament générique ? Pas tout à fait. Ce serait injuste de ma part. La palette vocale de Mike Semesky sort judicieusement Spiral Of Reflection de cette étiquette peu flatteuse. L'effet « tiens donc c'est pas mal cette affaire » persiste sur la durée grâce aux différents registres adoptés par le vocaliste, tantôt hurleur impitoyable (qui pour le coup ne se contente pas de singer Jens Kidman), tantôt plus mélodique et éthéré lorsqu'il parsème les coups de boutoir de ses deux collègues de lignes vocales envoûtantes. Dans un morceau comme « Cocytus », secondé par Mike Maksim, il montre la richesse de son organe, optant pour des hurlements robotiques de très bon effet. S'il a régulièrement recours à l'autotune, c'est pour dépeindre une atmosphère futuriste très réussie. Capable d'exprimer une rage fondamentale qui colle parfaitement à ces rythmiques ciselées, il surprend également par la richesse et la beauté de certains de ses refrains en chant clair (« Born Of The Light », « The Callous Soul Within », très entraînant) parfaitement adaptés à ce riffing si particulier. Il surplombe le paysage à plusieurs reprises dans quelques passages touchés par la grâce : cette envolée mystique dans « Herald Of Deceit » (vers 4'12'') hisse le morceau vers les cîmes.
« Fallacies...
Exploited their
Ignorance a
Commodity... »
« Mais qu'est-ce que ce groupe encore ? » Avec ce premier-né prometteur, Ascend The Helix a le potentiel pour se faire un nom et sortir des limbes de l'underground. Auront-ils les moyens de porter cette sortie réussie sur les planches ? C'est tout le mal que je leur souhaite, surtout dans ce contexte si compliqué pour les jeunes groupes. Malgré son manque de personnalité, le collectif annonce clairement et franchement ses intentions, comme un élève très scolaire qui voudrait montrer à son professeur sa volonté de bien faire. Meshuggah pourra donc lui valider quelques compétences, d'autant que ce premier de la classe va aussi chercher quelques idées du côté de Devin Townsend et Gojira, notamment dans certaines idées vocales très réussies. Pas des références à la portée du premier venu, donc! En définitive, Spiral Of Reflection est très loin du simple plagiat : s'il joue sur des mécaniques familières, il regorge de bonnes idées dans un registre extrêmement difficile à pratiquer avec crédibilité. La rencontre entre votre serviteur et ce groupe prometteur va donc au-delà du simple algorithme : il ne me reste plus qu'à scruter la suite avec attention, maintenant.
| Voay 20 Septembre 2023 - 600 lectures |
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