« I am the ghost inside your mind
I'm the phantom
You've been seeking for years
So I'm here the evidence
You've tried so hard to find »
Après leur diptyque couronné de succès
Chronicles of the Immortals, dont les deux parties parurent coup sur coup en 2014 et 2015 et furent travaillées en collaboration avec le maître de la fantasy Wolfgang Hohlbein et de son œuvre
Die Chronik der Unsterblichen,
Vanden Plas revient, quatre ans plus tard, proposer un nouveau diptyque tout aussi chargé d'ambitions.
The Ghost Xperiment - Awakening, objet de la présente chronique, est le premier épisode qui introduit ce nouveau concept façonné par l'excellent Andy Kuntz. Ce vocaliste accompli, homme de théâtre et de projets démesurés, avait appris entre temps l'existence de l' « expérience Philip », sinistre tentative de parapsychologie réalisée en 1972 à Toronto au Canada par un obscur savant fou, George Owen et supervisée par le psychologue Joel Whitton. Leur objectif ? Communiquer avec des fantômes. Pour donner un supplément de crédibilité à leur expérience, ils inventent un personnage nommé Philip Aylesford, né en 1624, enrôlé par l'armée anglaise à 16 ans. Malheureux en amour, il se suicide en 1654. Nos deux timbrelots convoquent une assemblée de crédules autour d'une table et, à grands coups de lumières tamisées et de formules de Ouija, appellent Philip de leurs vœux. Quelques participants entendent de mystérieux échos, des vibrations inexpliquées qui pourraient faire penser que ce Philip a entendu leur appel et qu'un phénomène paranormal se déroule sous leurs yeux ébahis. Certains d'entre eux ressortent durablement traumatisés par cette « Philip experiment », qui inspirera plusieurs films d'horreur de seconde zone quelques années plus tard, mais surtout un nouveau concept très intéressant au talentueux frontman de
Vanden Plas. Épaulé par ses comparses de toujours, Torsten Reichert (basse), Andreas Lill (batterie), Günter Werno (claviers) et Stephan Lill (guitares), Andy Kuntz (voix) crée à son tour un personnage fascinant et l'introduit dès le premier morceau, « Cold December Night », avec les mots suivants :
« My name is Gideon Grace and by a mysterious wonder
I came back to life under skies burned like amber
Life is calling my name
Pouring impure daylight in my eyes »
Ils lui donneront également un visage angélique dans le clip de « When the World is Falling Down » sur
The Ghost Xperiment - Illumination, paru un an plus tard. Après être décédé dans des circonstances mystérieuses à 11 ans, quelque-part dans une ruelle de Saint-Malo un premier décembre, Gideon Grace est revenu à la vie après un « mystérieux miracle » pour être placé dans un orphelinat. 11 ans plus tard, il sauve et rencontre son âme-soeur, Ivy, qui meure peu après dans des circonstances tragiques. Dès lors, le « we » des paroles du morceau « Cold December Night » devient « I » et indique que le héros traînera la douleur infinie de la perte de l'amour de sa vie. De fait, cet album est habité par une mélancolie très pure : « The Phantoms of Prends-Toi-Garde » et ses accords de guitares éthérés me fusillent toujours le palpitant. Les ponts dynamiques au piano, aussi éphémères que fulgurants ou encore les lignes de chant lyriques ajoutent un supplément de tristesse à l'atmosphère globale. Ce qui n'empêche pas notre héros de poursuivre sa route, hanté par les fantômes de la bourgade de Prends-Toi-Garde qui grattent à la porte de ses rêves pour lui rappeler avec malice ce déchirant épisode. Alors qu'il s'arme de connaissances pour les affronter, le protagoniste traverse les morceaux de
The Ghost Xperiment - Awakening à la faveur de vers poétiques d'une beauté incroyable, couchés sur le papier avec un talent d'orfèvre par son créateur. On sent clairement le théâtreux, l'homme de lettres derrières ces paroles : elles s'imposent d'elles-mêmes comme un point fort du groupe, parvenant non seulement à être suffisamment captivantes pour m'immerger totalement dans ce concept, mais aussi à faire systématiquement mouche dans les refrains terriblement efficaces avec lesquels les Allemands les soutiennent. Tant et si bien qu'on en vient à partager le chemin de croix de Gideon Grace et ressentir ses émotions, notamment lorsqu'il pleure la perte de sa bien-aimée Ivy... tout comme on angoisse avec lui lorsqu'il tente de la ramener à la vie dans l'épique « Fall From The Skies », tentant une expérience de nécromancie risquée, introduite par ces quelques vers sur quelques accords de piano célestes :
« I lay my body down - get lost and be never found
I'm ready here to die - to bring you back to life
Yes I hope you come alive ...
I hope you come back... Ivy »
Ce faisant, il ouvre la boîte de Pandore et fait entrer dans notre monde de nombreux fantômes, comme s'ils tombaient du ciel. Ce morceau fleuve enchaîne les riffs ultimes qui mettent en relief cette sinistre cérémonie avec une tension palpable, marquée par les « power chords » gravitationnels de Stephan Lill. Cet album propose une belle galerie de spectres : « Breather », « Life-Eater » et « The Fright » viennent tour à tour tourmenter un héros confronté à une profonde dépression. En effet, dans
The Ghost Xperiment - Awakening, Gideon Grace est autant hanté par ses démons intérieurs que par la manifestation spectrale de ceux-ci. Les transformations de son corps et les rencontres terrifiantes qu'il fait sont décrites avec une incroyable acuité. Quelques mots de français classieux viennent rappeler ses origines bretonnes, tout comme l'attachement de
Vanden Plas à notre pays (« The Phantoms of Prends-Toi-Garde »). Il faut dire que la voix chaude et habitée d'Andy Kuntz et le charisme surpuissant qu'il apporte en permanence à ses lignes de chant aident grandement à plonger dans ce concept. Soutenue par cette science du riff accrocheur que les Caseloutrins travaillent depuis leur première sortie aux relents hard FM,
Colour Temple en 1994, elle fait des ravages. Ils ont hérité de cette époque lointaine des sonorités un brin vieillottes, certes, mais surtout des idées de composition décapantes, des rythmiques et des motifs emblématiques à en crever qui atteignent leur cible sans tortiller. « Three Ghosts » et son refrain totalement obsédant avec l'anaphore en « one by one »...
« One by one, like from a distant sun
From an outer wasteland
One by one, they speak a different tongue
The three lunatic spacemen »
… est là pour le prouver. L'ascension grandiose de ce refrain tire l'album vers les sommets. D'autant plus que le combo recentre davantage le débat en allégeant les claviers sur
The Ghost Xperiment - Awakening avec un mot d'ordre clair : moins de nappes symphoniques, plus de pugnacité mélodique. Rassurez-vous, Günter Werno et ses ravageuses notes de piano ou d'orgue hammond sont toujours là pour apporter ce supplément de majesté incroyable aux atmosphères du combo. Ses sonorités de claviers délicieusement rétro m'enchantent les oreilles dans « Devil's Poetry ». Ses accords ternaires qui guident une mélodie nerveuse en contretemps en font un titre épique diablement réussi, avant le mid-tempo et le passage expérimental pugnace qui précède sa sublime conclusion atmosphérique en duo piano/voix. Le titre permet à Torsten Reichert d'impulser un groove démentiel: ses lignes de basse subtiles sont d'ailleurs très bien mises en valeur par une production d'une propreté irréprochable. Le quintet a toujours été extrêmement solide techniquement, mais leur virtuosité est mise au service d'une efficacité chronique qui transpire en permanence ici. Le contretemps nerveux avec lequel Andreas Lill rythme d'une main de maître le premier assaut de ce disque, « Cold December Night » remettait déjà le combo sur des rails ravageurs : pas de doute, les Allemands gagnent en percussion et en agressivité ce qu'ils perdent en emphase. Ses parties batterie ont l'apparence de la simplicité : son jeu sur la caisse claire et la double pédale, toujours d'une précision effarante, sonne toujours comme une évidence absolue, sans avoir besoin d'en tartiner dans tous les coins. Il en résulte des morceaux brefs qui vont à l'essentiel, qui percutent l'inconscient sans faire de détour. Les riffs de guitare emblématiques de Stephan Lill s'enchaînent avec une fluidité chronique : « The Phantoms of Prends-Toi-Garde » et son riff central atomique qui retentit la troisième minute résume à lui seul ce côté immédiatement séduisant chez
Vanden Plas. Lorsqu'un solo contemplatif ravageur vient planer sur cet assaut anthologique, je suis tout à fait conquis.
Le moins que l'on puisse dire est que ce premier acte passe tout seul. Toutefois, il se heurte à quelques limites : si cette « origin story » a un côté direct, extrêmement efficace et intense, avec ses moments épiques remplis de classe, c'est aussi un album trop court, qui file comme un pet sur une tringle à rideaux. L'écoute de ses quarante-six minutes passe aussi vite que l'éclair qui introduit « Cold December Night » : on a à peine le temps d'en profiter que retentissent déjà les paroles qui ouvrent cette chronique, annonciatrices du dernier morceau, « The Ghost Xperiment », extrêmement réussi par ailleurs avec son introduction orchestrale, son motif prog complexe que les accords de piano de Günter Werno font briller de mille feux et son refrain céleste envoyé par un Andy Kuntz déchaîné. Il ne fait pas exception aux premiers chapitres de cette histoire qui s'avèrent compacts et un peu trop raisonnables pour un album d'une telle ambition. Le disque s'achève sur un « cliffhanger », comme si
Vanden Plas retenait ses coups, réservant de plus belles cartouches pour la suite. Vu à quel point celle-ci tient ses promesses, le procédé était louable : les Allemands devaient souhaiter, en rapprochant leurs deux sorties dans le temps (
The Ghost Xperiment - Awakening en 2019 et
The Ghost Xperiment - Illumination en 2020) que leurs auditeurs enchaînent goulûment ces deux œuvres qui n'en forment qu'une. Cette affaire tombe extrêmement bien : c'est exactement le projet que j'avais en tête.
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