TesseracT - Polaris
Chronique
TesseracT Polaris
« Au commencement était l’émotion »
(Louis-Ferdinand Céline)
Dans la vague djent, TesseracT s’est rapidement distingué de ses compères par son groove catchy porté par une musicalité délicate et à fleur de peau. La technicité, ciment de ce style « meshuggien », n’est pas le propos fondamental du groupe qui préfère exposer et s’exposer à un vaste camaïeu d’émotions. Si le premier album One – plus agressif – posait les bases de leur « son », c’est le suivant, Altered State, qui transcendait ce trait de caractère. Le changement de line-up n’y était d’ailleurs peut être pas pour rien puisque Daniel Tompkins – dit « Dan » – y a laissé sa place pour la voix cristalline et vulnérable de Ashe O'Hara permettant à ce dernier de nous proposer des lignes de chant d’une grande sensibilité. Appuyé par des parties instrumentales très inspirées, ce deuxième opus se révèlera alors d’une profondeur immense et d’une rare émotivité. Vous aurez senti mon affection particulière pour Altered State... Malgré cet attachement pour la voix de Ashe, j’attendais beaucoup de ce Polaris, curieux d’entendre comment le groupe allait gérer le retour de Dan au chant et proposer une suite à son incroyable prédécesseur…
Pour faire court, Polaris est un excellent album. Inégal, certes, mais recelant des purs instants de grâce à vous faire frissonner l’échine. A la première écoute, l’album s’annonce immédiatement comme plus accessible : plus chaleureux qu’Altered State – comme le montre d’ailleurs sa pochette colorée – mais également plus efficace. L’album passe à grande vitesse et on s’étonnerait presque d’arriver si vite à la fin. Et s’il peut sembler plus disparate dans sa structure, en étant uniquement constitué de chansons individuelles (tranchant avec le « partitionnement » de Altered State ou l’épopée Concealing Fate pilier de One), il reste une œuvre cohérente et intime, se construisant autour de mélodies percutantes. En cela, TesseracT reste intègre en conservant ce qui faisait le sel de ses premiers opus mais le rend plus abordable : moins subtil et moins osé, Polaris vous demandera beaucoup moins de temps d’adaptation que ne le requérait Altered State. Pourtant, il ne vous empêchera pas de vous faire voyager, et éventuellement, de vous éblouir avec des passages littéralement incandescents. Là dessus, il est nécessaire de souligner un point fondamental : le travail de Dan à la voix est tout simplement remarquable. Si le bonhomme est capable de proposer de superbes et puissants refrains comme Hexes ou Seven Names – qui s’enracineront littéralement dans votre tête – ou des passages d’une incroyable délicatesse sur Tourniquet – peut être la plus touchante de l’album – il nous gratifie de quelques envolées vocales à couper le souffle sur Phoenix ou Messenger.
D’ailleurs, je ne pense pas trop m’avancer en disant que c’est la voix qui tient l’album. Tout simplement. Première source d’émotion, elle reste la seule à vraiment nous marquer tout le long des 46 minutes et 30 secondes de Polaris (oui, je vous l’ai dit, l’album est plutôt court). Les parties instrumentales, un peu en manque d’inspiration, sont beaucoup moins marquantes que pour Altered State ou One. Peinant à se distinguer de la voix, elles n’en restent finalement que le support et tapissent l’album d’un accompagnement – pas forcement désagréable – mais aux allures de déjà vu. Plus fort encore, les parties de guitares du début de Utopia semblent si proche de certaines parties de Singularity de Altered State (vers la fin du morceau) que l’on pourrait presque aller jusqu’à s’imaginer qu’elles ont été récupérées ! Au final, les deux morceaux s’axant le plus sur la rythmique et l’instrumentation – Dystopia et Utopia – se révèlent les plus faibles de l’album, se manifestant comme des sortes de caricatures paresseuses d’elles mêmes. Et si le talent ou la qualité des musiciens n’est en aucun cas remis en cause, leurs précieux et savoureux antécédents discographiques nous laissaient le droit d’en attendre plus !
Mais on ne va pas tergiverser. Polaris fournit sa dose de sublime, et c’est ce que l’on attendait. Prendre des risques pour proposer quelque chose de nouveau ou de différent, cela peut être un acte justifiant la création, mais en aucun cas je la considère comme nécessaire lorsque le contrat est respecté. Ici, TesseracT remplit le sien et nous transporte une fois de plus avec son metal progressif mélancolique. Avec Ashe et Altered State, la place de la voix a pris une nouvelle envergure. Ici, Dan transforme l’essai et lui donne un nouvel élan. Et si l’on peut reprocher quelques nonchalances instrumentales à Polaris, cela n’est aucunement un frein à l’appréciation de l’album. La suite de l’histoire, maintenant, c’est à TesseracT de la composer.
| Rapha3l 22 Septembre 2015 - 1626 lectures |
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