Il y a des choses qui vont de soi. Un beau jour de l'année 1986, une petite assemblée de chevelus cuirassés, fans de
Van Halen, de foot et de belles voitures se réunit pour répéter chez les frères Lill, quelque-part dans un garage de Kaiserslautern, en Allemagne. Stephan (guitare) et Andreas (batterie) raffinent leur style aux côtés d'un théâtreux au charisme électrisant, Andy Kuntz (voix), cousin de Stefan Kuntz, qui évoluera quelques années plus tard au poste d'attaquant dans leur club local, le 1. FC Kaiserslautern, qui joue, à l'heure de la formation du groupe, le ventre mou en Bundesliga. Ce trio est vite rejoint par Torsten Reichert à la basse et Günter Werno aux claviers en 1990, après avoir congédié leurs premiers bassiste et claviériste qui ne correspondaient plus aux ambitions du groupe naissant. Lors d'une virée de ces joyeux drilles à Francfort, pour suivre un déplacement de leur équipe au Waldstadion, patrie de l'Eintracht et flâner dans un Salon de l'Auto, le nom de ce qui deviendra leur groupe pendant plus de trente ans leur saute au visage, alors qu'ils passent devant le stand du designer automobile du même nom :
Vanden Plas. Outre l'hommage à
Van Halen, ce nom sonne comme une évidence: il est aussitôt adopté et bardera l'ensemble de leurs sorties jusqu'à nos jours. Tout comme leur line-up, resté inchangé depuis ces débuts tonitruants. Ils sortent un premier « Maxi 45 tours » aux prétentions tubesques, avec la turbo ballade « Raining in My Heart » qui donne dans le hard FM formaté, tout comme le morceau « Days of Thunder », qui figure sur leur seconde démo et le single
Fire au début des années 90. Inspirés par les succès du 1. FC Kaiserslautern, qui remporte la Bundesliga en 1991 après avoir raflé la coupe d'Allemagne un an auparavant, ils composent un premier hymne pour leur club : « Keep on Running ». Impossible pour les ultras des « Rotten Teufels » de ne pas ressentir des frissons lorsque retentissait cette exaltante mélopée à la
Queen période « The Show Must Go On » dans les travées du Fritz-Walter-Stadion. Ils récidivent trois ans plus tard, avec « Das Ist Für Euch » et ses choeurs spartiates virils et fédérateurs, dédié aux nombreux supporters que compte ce club légendaire. Écrire ces quelques lignes me rappelle à quel point entendre certains hymnes footballistiques qui parlent notamment de se « casser la voix » me manque cruellement.
Pourtant, on était encore loin du metal progressif accrocheur que
Vanden Plas s'apprête à livrer dans leur premier album,
Colour Temple, paru en 1994 d'abord en indépendant avec une pochette aux tons violets puis soutenu par plusieurs labels, notamment l'historique InsideOut Music. Que s'est-il passé ? L'émergence et l'affirmation de
Dream Theater, qui a bousculé tout le monde avec
Images and Words en 1992, aura suffisamment traumatisé les Allemands pour qu'ils s'autorisent à complexifier leur musique, avec l'objectif de s'approcher de la virtuosité de leurs maîtres à penser américains. Les dernières minutes du premier morceau, « Father » et sa pluie de clavier similaire à celle entendue dans le tube « Pull Me Under », leur adresse d'ailleurs un clin d'oeil appuyé. Leur musique a donc évolué, marquée au fer rouge par l'influence des New-Yorkais, mais aussi de
Queensrÿche ou encore de
Fates Warning qui avaient à leur époque envoyé un formidable coup de pied dans fourmilière du metal. Les Caseloutrins ne manquaient pas d'ambition, eux non plus, à l'image de leur frontman Andy Kuntz, versé dans les projets théâtraux démesurés avec son orchestre
Jesus-Christ Superstar qu'il anime en parallèle de son groupe. Il impulse, aux côté de Günter Werno qui tient des claviers totalement ancrés dans cette époque bénie, un côté théâtral et emphatique qui ne quittera jamais vraiment le groupe et lui donne une aura unique, hors du temps. Après la reprise du
Sacre du Printemps de Stravinsky pour introduire « Father », auquel il ajoute de grosses guitares, les riffs que Stephan Lill crée sur cet album sont destinés à faire mouche et le font à plusieurs reprises : l'introduction de « My Crying » et son arpège de guitare électrique éclatant démontre sa capacité à capturer instantanément les oreilles des auditeurs. Le guitariste s'emploie à façonner des riffs qui fonctionnent avec une simplicité décapante : le feeling heavy qu'il impulse à « Push » cartonne totalement, rythmé par la frappe martiale de son frère Andreas qui ne fait pas dans la dentelle, avec des coups de caisse claire ravageurs qui accentuent ces motifs de la meilleure manière possible. Le pré-refrain de ce morceau, porté par un Andy Kuntz déchaîné, entretient cette énergie avec une grâce incroyable :
« We break the rules again, just you and me
We're coming up or going down together... »
En effet,
Vanden Plas a conservé de leur période hard FM une efficacité chronique dans leur riffing, qui s'avère presque toujours incroyablement accrocheur. Avec trois accords dans « When the Wind Blows », ils posent déjà leurs griffes sur notre inconscient. L'éphémère refrain de ce morceau laisse entrevoir le génie du groupe :
« When the wind blows! Right into my face
When the wind blows, into my face again! »
Le pont atmosphérique introduit par un solo de claviers et des nappes symphoniques, laissant retentir un salvateur « The storm is coming! » balancé par un Andy Kuntz déjà bien conscient de ses possibilités, tutoie déjà les étoiles. « Back to Me » et ses « power chords » démentielles ne fait pas retomber ce souffle épique qui parle déjà par le biais de ce
Colour Temple. C'est aussi plaisant d'entendre un peu Torsten Reichert, dont la quatre-cordes se faisait plutôt discrète, perdu au milieu de ces sons de claviers délicieusement rétro : le solo de Günter Werno envoie ici une autre oeillade à Kevin Moore. Son refrain est encore une leçon d'efficacité balancée à la face du monde avec un culot monstre, tout comme l'excellent « Anytime » et son atmosphère tout d'abord intimiste, davantage axée prog des seventies, portant aussi en lui ces vagues épiques que
Vanden Plas n'aura de cesse de cultiver dans le futur. Son explosion après le sublime solo de Stephan Lill lui donne une carrure de morceau mémorable et présage lui aussi de la future réussite du groupe. Le mid-tempo qu'il introduit reste totalement culte aujourd'hui et a sa place parmi les morceaux légendaires des Allemands, surtout lorsque le guitariste lui offre un supplément d'épique avec un autre solo à la mélodie imparable. « How Many Tears », la turbo ballade qui conclut avec beaucoup d'emphase cette première offrande avec un aplomb louable, traîne davantage en longueur. Ce n'est pas pour rien que le groupe la raccourcira dans leur album de reprises acoustiques
AcCult, paru deux ans plus tard.
Et oui, même si
Vanden Plas se fend d'un premier jet exemplaire, culte par bien des aspects,
Colour Temple a tendance à s'essouffler après être entré sans effort dans la surface de réparation. Ses sonorités ont pris un bon coup de vieux, tout comme les manières d'un autre temps qu'ajoutent les intonations parfois exagérées d'Andy Kuntz à des lignes de chants pourtant réussies. Il corrigera le tir par la suite, jusqu'à devenir le chanteur absolument irréprochable qu'il est aujourd'hui. De même, les Allemands n'étaient pas encore au faîte de leur potentiel créatif : ces morceaux, aussi instantanément accrocheurs soient-ils, pêchent parfois par leur côté simpliste, leur côté direct un peu vulgaire, leur manque d'ambition, presque, au regard de ce que les Caseloutrins accompliront par la suite. En bref, comme le temps où les « Lauterer » jouaient les premiers rôles en Bundesliga, cet album appartient à une autre époque. Aujourd'hui, le 1. FC Kaiserslautern, après la descente en 2. Bundesliga en 2012 , est au fond du seau en 3. Bundesliga, après leur chute en 2018. À l'heure où je chronique cet album sur votre webzine préféré, ils flirtent même avec la relégation en quatrième division... triste sort pour ce club légendaire. Mais
Vanden Plas est resté, quant à lui, en première division de la grande scène du metal progressif et l'a parsemé de sorties emblématiques pendant plusieurs décennies.
Colour Temple n'était que la première étape de ce règne qui connaîtra bien d'autres moments de gloire.
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