Infern - Turn Of The Tide
Chronique
Infern Turn Of The Tide
Depuis quelques années on a vu la scène Death Metal internationale jouer massivement la carte de la nostalgie avec très souvent un franc succès, un choix gagnant effectivement tant nombre de formations de haute tenue ont brillamment émergé un peu partout sur la planète afin de rendre hommage à ceux qui ont créé ce style toujours vaillant aujourd’hui. Logique donc que la France n’ait pas été épargnée par ce phénomène et heureusement d’ailleurs... car si on avait déjà pu apercevoir récemment le potentiel des Toulousains d’OLDSKULL il va falloir aussi compter maintenant sur les bretons d’INFERN, ceux-ci livrant un premier album impeccable qui sent aussi bien le soleil de Floride comme le brouillard anglais ou encore l’humidité des Pays-Bas. Venant d’horizons stylistiques très différents les membres du quintet (qui ont évolué notamment dans STONEBIRDS, THE DYING SEED, TALIANDÖRÖGD, KRARATH ou encore ANTHARES) ont réussi à s’accorder d’une seule et même voix pour proposer ce disque, qui aura mis pratiquement cinq ans à voir le jour. Car depuis sa création fin 2019 (et hormis deux premiers morceaux proposés quelques temps plus tard) le combo a été particulièrement discret, affûtant son répertoire et identité au fil de nombreux concerts afin de proposer presque quarante minutes de gros son où résonnent les influences d’OBITUARY, DEICIDE, ASPHYX, GOREFEST... et surtout majoritairement des regrettés BOLT THROWER, avec en prime une qualité au rendez-vous de la première à la dernière seconde.
Car tout en restant objectif force est de reconnaître qu’une fois encore Dolorem Records a eu le nez creux sur cette affaire, tant cet opus est à l’heure actuelle parmi les meilleures sorties Death de cette année... et il ne va pas falloir longtemps pour s’en apercevoir vu que c’est à un véritable rouleau-compresseur guerrier et remuant qu’on va avoir droit en permanence, et ce dès les premières notes du monstrueux « Undertow ». Jouant ici sur sa facette la plus massive et rampante l’entité offre une ambiance pachydermique et suffocante ponctuée de quelques accélérations et passages mid-tempo où le headbanging est de rigueur, le tout avec une tonalité vocale relativement proche de Karl Willetts et qui amène ainsi un supplément de mimétisme à l’ensemble. Du coup si ça pue l’hommage à la bande de Coventry tout ceci n’est jamais dans le plagiat pur et dur, mais simplement dans une reproduction fidèle avec quelques autres éléments extérieurs pour que ça soit bien différencié, même si pour le moment ça reste vraiment dans cette voie digne de celle creusée à l’époque par « War Master » jusqu’à « Mercenary ». On ne sera pas étonné que « Phineas Case » continue avec brio sur cette même lancée (en proposant néanmoins plus de variété et de passages enlevés) ou que « Tormented Paranoid » trouve un équilibre impeccable et agréable... même si l’on sent que les frères Tardy rôdent dans les parages. Et si cette plage voyait d’autres éléments apparaître cela va continuer sur le court et brutal « Burning Fields » qui tabasse fort tout en se faisant aussi particulièrement épique, avant que l’excellent « Archetype Of Brutal Aggressor » ne lorgne sans vergogne vers le duo Martin Van Drunen / Bob Bagchus dès que la rythmique s’alourdit à son maximum. Tout cela montre en tout cas un vrai équilibre des forces qui passent facilement de l’une à l’autre, sans jamais faiblir en attractivité ni tomber dans la redondance.
Cela sera d’ailleurs la même chose pour la seconde partie de cette galette (qui va reprendre les mêmes bases proposées par la cultissime entité du Royaume-Uni), tant ça défile à vive allure et dont l’ensemble est porté par une simplicité efficace et joyeuse tel que le propose l’implacable « Gaining Ground », où le grand-écart rythmique fait des merveilles et met à rude épreuve les cervicales vu qu’on est pris immédiatement d’une irrésistible envie de secouer le cou comme un forcené. Cela sera également le cas de la doublette « State Puppet Theater » / « March Of The Grotesque » équilibrée de bout en bout et qui fait parfaitement le boulot entre lenteur extrême et explosivité furibarde, tout ça avant que « To The Extreme » ne vienne encore alourdir les débats et annihiler toute volonté de résistance. Ce point trouvera d’ailleurs son summum durant la conclusion intitulée « Buried Alive », où tous les éléments entendus jusque-là sont parfaitement repris pour clore les hostilités de la meilleure des façons, et renforcer ainsi le sentiment qu’on est en présence d’un disque implacable et gouleyant de partout.
Sans jamais en faire trop ni tenter d’innover outre-mesure nos Français réussissent parfaitement leur coup avec cette œuvre idéale pour ceux qui ont envie d’un bon plaisir sans concessions ni prétentions, agrémenté d’un voyage dans le passé réussi... idéal donc pour se rappeler sa jeunesse et le plaisir coupable de découvrir de nouvelles choses. Sans failles ni faiblesses visibles ce premier jet en appelle forcément d’autres même si pour le moment il fera parfaitement son office sur scène, où le public comme la fosse se déchaîneront à chaque riff envoyé qui fera mouche instantanément. S’écoutant facilement d’un seul bloc grâce à sa durée idéale il est évident qu’on reviendra aisément et régulièrement sur cette œuvre qui prouve que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes, et qu’on est capable de s’accorder musicalement malgré des visions assez éloignées... preuve donc d’une vraie maturité personnelle ainsi que d’une vision artistique mûrement réfléchie. Chapeau donc aux mecs qui se font plaisir (ainsi qu’à nous auditeurs) avec ce « Turn Of The Tide » qui a quoi plaire au plus grand-nombre qu’il soit novice ou passionné, même si quelques-uns trouveront forcément à y redire mais ils seront largement minoritaires et heureusement... à croire qu’ils ne savent pas apprécier les plaisirs et choses simples de la vie telles qu’elles sont présentées ici.
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