Groin - Paid in Flesh
Chronique
Groin Paid in Flesh
On vit dans une société (texte du bas) où Gutalax est considéré comme un headliner et où Magrudergrind est en état de mort cérébrale depuis 2009. Tout fout le camp.
Attends... Comment ça, 2009 ? Si, si. C'est pas un hasard si je passe sous silence "II", sorti chez Relapse en 2016 : un nourrisson qui fait ses dents est plus mordant que cette galette, d'une indigence confondante. Excusez la violence et la gratuité du propos, c'est souvent comme ça chez les amoureux déçus. Bref, je suis assez inconsolable, comme ceux qui savent. "Rehashed" revient souvent sur ma platine, et l'album éponyme, sa pochette jaune vif, fait partie de mon top 10 absolu, tous genres confondus - Rien que ça. La Grindviolence résolument street du trio de Washington DC manque quand même terriblement à la scène. Nombreux sont ceux qui font la queue pour espérer poser une demie-fesse sur le trône : beaucoup d'appelés, peu d'élus. C'était sans compter sur Groin, qui émule la formule "power trio Hardcore Punk sous EPO / son de guitare qui lave le cul" à la quasi-perfection - et profite de ce premier full length pour se tailler, tranquillement, une place parmi les meilleures sorties Grindcore de l'année.
Troisième sortie en quatre ans pour le combo, après deux EPs, "Greatest Hits" et "Groin", parus respectivement en 2020 et 2022, démontrant déjà un certain savoir-faire en termes de pied-bouche. Groin récidive chez No Time Records, en charge du pressage LP et cassette, avec un "Paid in Flesh" dont la superbe pochette en cut'n'paste laisse peu de place au doute : ces vingt titres pour à peine vingt minutes s'annoncent belliqueuses. Un bon coup de pied à l'entrejambe, comme le nom du trio le laissait supposer.
Vous avez bien fait de piquer les pédales d'effet de R.J. Ober, les gars : dès les premières notes de "Goose Step to Your Grave", on chausse les pantoufles. Ce son de guitare de l'enfer, cet Entombed-core pas piqué des vers, gratte (vous l'avez ?) à la perfection la démangeaison que je me traîne depuis quinze ans. Et la production de ce "Paid in Flesh" est à l'avenant : crasseuse juste ce qu'il faut, avec une batterie bien ronde (ce duo de kick / snare en forme de steaks de daronne administrés derrière la nuque) et un chant mixé comme il faut, ni trop devant, ni traité comme un élément du décor. Le pied. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la configuration est idéale pour faire voler quelques chicots - 1,6 dents par titre, à ce train-là, il va falloir prendre des actions chez Liebig tant le replay semble inévitable.
Au-delà du son, Groin sait jouer, c'est indéniable, mais surtout, il sait composer. "Paid in Flesh" est une montagne russe, une alternance de parties blastées menées à des rythmes indécents (les cavalcades de "Shock Doctrine" en laisseront plus d'un sur le carreau) et ralentissements au frein à main ("Sangre en la Selva" est un joli traumatisme), pour vivre le plaisir simple de la grosse trace de pneu sur le bitume. Powergrind ou Grindviolence ? Comme tu veux tu choiz'. Il y en aura pour les deux camps, avec supplément de riffs bien caustiques histoire de rassembler tout le monde autour de la même table. Du blast-beat à foison (les punitions "Basilica Bomb" et "Killing a Guy"), du mid-tempo lipidique pour libérer ses plus bas instincts ("Socialite Cesspool" et son tchouka-tchouka de débile profond en milieu de titre), toujours couronnés par cette alternance entre le chant grave, forcé, presque inhalé et les hurlements étranglés, signe d'une gorge bien malmenée. Le rendu est plus que vilain. Il est narquois, en plus d'être vicelard : Groin te tourne autour, cherchant les parties molles pour mieux y planter ses crocs dégueulasses. Vraiment, ça fait une paire d'années que je cherche un disque de Grindcore qui m'évoquerait tant les odeurs de pisse d'une ruelle de centre ville que le sol crade et collant d'une cave transformée en salle de concert - celle où sortir fumer une clope entre deux groupes demande d'enjamber de la viande saoule.
Une bonne partie des gens qui ont commencé la lecture de ce papier ont couru écouter "Paid in Flesh" après la première mention à Magrudergrind. Et je ne leur en voudrais pas, c'est la meilleure des choses à faire. Pour les autres, ceux qui comprennent vite mais ont besoin qu'on leur explique longtemps : ce disque se subit. Un vrai shot d'adrénaline, aussi satisfaisant qu'immédiat, sans effets secondaires... Sauf pour l'entourage proche, mobilier ou être vivant. Groin entre dans la cour des grands avec un premier longue-durée (oui, c'est toujours relatif dans le genre) de très, très haute-volée, qui n'a rien à envier à son mentor, chez lequel il a allégrement pioché - sans jamais sonner putassier. Une prouesse, quoi.
| Sagamore 10 Décembre 2024 - 427 lectures |
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