Chronique
Sorcerer Devotion
« Entre Kickback et Birds in Row » est peut-être bien le name-dropping le plus périlleux que j’ai établi jusque-là. Et pourtant je ne vois pas d’autres noms directs à accoler à celui de Sorcerer.
Comment user de références parlantes concernant cette formation qui allie avec autant d’équilibre émotion à fleur de peau et hardcore metal lourd et plein de venin ? Sorcerer joue d’éléments qui ne sont pas supposés fonctionner ensemble, convie destructeurs du pit et solitaires au regard lointain dans sa salle de cinéma (générique d’entrée de jeu avec les orchestrations ouvrant « Badlands »). Prêt à faire voltiger les popcorns et suivre ce chevalier qui a connu des jours meilleurs ? C’est parti ! Le Vald amoché servant d’illustration, aussi balourd que sensible, résume à sa manière les trente minutes de Devotion. Les blessures mal cachées par la côte de maille, la troupe déboule sans retenue au sein de la bataille, usant de la technique du « breakdown devenant riff ». Nombreux sont les moments où les guitares se font impitoyables, parfois appuyées par un guest bien senti (Guilt Trip et Glassbone viennent ajouter davantage de hargne urbaine et empoissonnée respectivement sur « In the Arms of Mortality » et « Fortress »). La production signée Amaury Sauvé, compacte et métallique, rend bien compte de la violence que les Parisiens convoquent : à la fois directe (ouch, « The Eternal Grief ») et travaillée, la fluidité d’un plan-séquence réfléchi en amont.
Car l’on est bien dans le théâtre filmé sur Devotion avec unité de lieu (la guerre, corps et âme), unité de temps (chaque titre s’enchaînant sans sensation de coupure) et unité d’intrigue (le tragique à la Caligula, toujours pas mort malgré les couteaux dans le dos) mais certainement pas unité de frères du hardcore. Sorcerer, bien qu’un groupe, semble jouer solo, la voix de son chanteur comme personnification. La voilà, la petite touche emo sans excès, Dominique hurlant comme au bord des larmes, puissant et étranglé par les émotions cherchant à sortir. Une ambiance de déroute qui augmente au sein de la deuxième moitié de l’ensemble, fricotant avec le post metal le moins optimiste (« A Kindness ») et explosant avec « The Bell Jar » et « Someone Else’s Skin », mélancolie et violence s’abattant sur nous comme les dernières forces jetées sur l’ennemi avant la fin.
Je regrette juste une profondeur et maturité un brin tardives, les premiers titres, efficaces en diable dans leur envie de battre le sol aussi bien que s’y écrouler, souffrant de la comparaison avec ce climax aux allures de péplum. C’est le seul déséquilibre que l’on peut critiquer sur Devotion, Sorcerer – une référence au remake du Salaire de la peur par Friedkin ? – tenant dès le début et jusqu’au bout cette émotivité particulière, à la fois virile et désespérée. Une difformité qui est ici une source de plaisir – la mine a beau être mauvaise, les riffs ne restent pas moins jouissifs – et fascination, m’évoquant à sa manière les débuts de Starkweather (période Crossbearer).
Il s’agit de laisser le temps faire pour confirmer si les Français en sont des lointains héritiers particulièrement marquants. Surtout que la filiation est décidément une affaire compliquée concernant Sorcerer – insérer un lien avec Integrity ici, autre exemple de mutant ayant su rester hardcore –, preuve supplémentaire de la rareté d’un groupe comme celui-ci au sein du paysage musical actuel. Mais puisque le sujet est la dévotion, inutile de réfléchir trop longuement : messieurs, considérez-moi déjà comme l’un de vos dévoués.
| | Ikea 22 Juillet 2025 - 1026 lectures |
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