Ho ! C’est quoi ce bordel que j’entends ? Là d’où je viens, nous avons l’habitude de dire pis que pendre des Bordelais, les doryphores qu’on les appelle. J’ai même connu des gars qui crevaient des pneus sur le parking des plages uniquement parce qu’ils lisaient un 33 sur une plaque d’immatriculation, l’influence « Point Break » peut-être… Mais s’il y a bien un sujet sur lequel j’ai toujours eu énormément d’estime pour cette ville, c’est bien la musique (moins sur le fait d’avoir eu Juppé comme maire par exemple). Déjà, quand j’étais pubère, je me faisais remettre en place dans les grandes largeurs par des
KRÜMEL MONSTER ou des
BELLY BUTTON (souvenirs qui remontent à la surface de quelques concerts dans les Landes avec Flume, un camarade de faculté), plus petit encore il y eut
NOIR DÉSIR évidemment, cela a continué avec pléthores d’autres groupes, dont
GOROD bien entendu mais, aujourd’hui, c’est de
KIBOSH dont il est question, jeune formation brutale (2021) signée chez l’excellent
Frozen Records.
Huit titres, seize minutes… C’est du
grind ? Non mon gars, c’est deux fois trop long pour ce style même si l’intensité y est. Je parlerais plutôt d’un mélange de
mathcore, de
hardcore (la graphie du logo ne saurait mentir), de
punk et, parfois, d’élans
emo, heureusement (pour mes oreilles) rares mais qui, surtout, ajoutent une touche mélodique intéressante à ce chaos maîtrisé mais souvent porté au point de rupture (le final de « Coal Black »). D’entrée, on se mange le très virulent « Tear Their Wings », morceau éponyme qui, s’il ressemble davantage à une introduction mal dégrossie du fait de son final peut-être un peu bancal, n’en reste pas moins la mise en bouche idéale pour se baffrer le reste, à commencer par un « Rust & Ember » qui invoque la brutalité de la scène américaine (
CONVERGE pour les plus vieux,
KNOCKED LOOSE pour les plus jeunes), avec toute la rage et la virulence dont l’urbanité est capable. Oui, ça secoue, fort, il est aisé d’imaginer comment le rendu scénique doit être une avoine sans filtre, la tentation étant forte de guetter des dates histoire de voir si ça ne passe pas dans un quartier près de chez nous.
Après, à titre purement personnel, c’est vrai que j’ai tendance à préférer les titres axés sur les hurlements et les dissonances plutôt que les incartades davantage mélodiques, distillées avec parcimonie, même si je leur reconnais une vertu plutôt apaisante mais, surtout, un apport de personnalité qui contribue à la démarcation de
KIBOSH dont la simple radicalité ne saurait encore rivaliser avec les plus grands. Cependant, à ce rythme-là, elle va rapidement leur faire de l’ombre… Et ce pour une raison simple, c’est que la musique des Bordelais respire l’authenticité sans fards, l’instinct brut où l’immédiateté de l’impact prévaut sur l’analytique, les passages en bourre-pif étant nombreux, pas révolutionnaires certes mais hautement efficaces si tant est que l’on soit féru de
hardcore déstructuré tout en conservant les oreilles ouvertes à des aspects plus mélodiques qui, encore une fois, sont suffisamment rares pour ne pas souiller l’écoute.
D’ailleurs, mélodique ne signifiant pas « nul » ou « inintéressant », il est juste surtout plaisant de constater que le groupe sait ratisser large sans jamais se perdre, mixant intelligemment tout un panel d’influences pour régurgiter un truc finalement assez fidèle à cette pochette très « Dali » dans l’esprit : une musique éclectique, électrique c’est une évidence, mais dont le potentiel trouve sa meilleure expression à mon sens dans ses instants les plus extrêmes, n'ayant jamais été amateur des incartades en voix claires. Par conséquent, alors que je ne sais rien de l’âge ou du parcours des musiciens, je ne peux que les encourager à creuser le tunnel de l’outrance car c’est là qu’ils dégagent leur pleine potentialité, pleine de bruit et de fureur comme l’écrivait Faulkner.
Sinon,
KIBOSH ? Bah je mets tous les encouragements d’usage, en espérant juste que la suite soit encore plus radicale car, à ce stade, le doute est permis et la dérive vers des contrées plus abordables encore possible. Je croise les doigts pour qu’il n’en soit rien.
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