Rage - Speak Of The Dead
Chronique
Rage Speak Of The Dead
En 2006, Rage fête ses 20 ans de carrière et quoi de mieux comme cadeau d’anniversaire qu’une jolie signature chez Nuclearblast ! Qui dit gros label dit généralement grosse production et je peux vous assurer que les fans inconditionnels d’un heavy/thrash à tendance symphonique ne seront pas déçus de ce côté-là ! Mais côté contenu, le sentiment est plus partagé.
Avec les 15 titres présents sur ce nouvel opus, Rage aurait presque pu sortir deux albums. En effet, ils ont utilisé leur potentiel de deux manières différentes mais au lieu de les fondre l’une dans l’autre, ils ont préféré les séparer clairement (recette qu’ils auraient déjà exploitée sur d’autres albums). Ainsi du titre 1 à 8 inclus, le groupe est accompagné d’un orchestre qui disparaît littéralement à partir du titre 9. Je traiterai donc ces deux parties séparément vu qu’elles n’ont quasiment rien en commun.
C’est la mode de commencer son album par une instrumentale grandiloquente censée annoncer la couleur et exciter la curiosité et évidemment Rage ne fait pas exception à la règle. Nous avons donc droit à une introduction emphatique comme j’en ai rarement entendu avec des trompettes retentissantes comme si elles précédaient l’entrée de quelqu’un de majestueux…Album monstrueux ou prétention ?
A vous de voir…
Ce qui caractérise principalement cette première partie c’est sa structure, ou absence de structure si l’on considère que les titres ne s’enchaînent pas logiquement. Ainsi après l’intro, c’est une autre instrumentale au feeling jazzy dont le riff est jouée au piano qui ouvre l’album. Le style est assez jovial même si la composition semble un peu décousue mais on ne pourra négliger l’énormité du son, Nuclearblast oblige !
Ce n’est qu’à partir du titre 3 que l’on pourra apprécier la voix du chanteur, dont le timbre est assez mélodieux mais dont le peu de puissance ne fait pas illusion ce qui est assez dérangeant quand on entend la masse sonore imposante des instruments tout autour.
On pourra noter sur ce « Innocent » quelques délires démonstratifs qui nous rappellent Dream Theater, entre deux refrains accrocheurs mais pompeux chantés avec des chœurs, évidemment.
L’orchestre comble les vides, l’orchestre orne les introductions, souligne les couplets et appuie les refrains ; l’orchestre est aussi en solo sur les ponts instrumentaux, tout cela dans la volonté sous-jacente du groupe de montrer qu’il sait faire une musique puissante, riche et travaillée. Mais l’orchestre permet aussi au groupe de s’essayer aux compositions d’instrumentales néo-classiques très courtes qui instaurent des changements d’atmosphères et de couleurs assez brutaux. Ainsi « Depression » nous livre ses violons agonisants au goût tragique mais dont la dissonance basique est assez mièvre car peu originale. On retrouvera un peu ce style sur « Black » qui suit immédiatement « Confusion », autre instrumentale plus agressive où le batteur, en vedette sur ce titre, nous fait une démonstration de sa technique.
Les chansons se suivent et ne se ressemblent pas, les styles de compos et les ambiances sont multiples, allant du tragique à l’épique en passant par de la soupe commerciale digne d’une mauvaise comédie musicale des années 80, pour finir sur du démonstratif bourratif. La ballade « Beauty » est un summum de ringardise, aux harmoniques peu recherchées et à la ligne de chant percutante mais plus vouée à figurer sur les ondes FM que sur un album de metal. De même, le refrain de « No Regrets », très simple à retenir et repris à n’en plus finir, montre la volonté de conquérir par une musique efficace et rentable. Nuclearblast semble apprécier les refrains faciles et les gros sons, sans porter plus attention à la qualité de la musique (cf. : « Once » de Nightwish, « Death Cult Armageddon » de Dimmu Borgir et dernièrement « Rocket Ride » d’Edguy).
Le groupe sait donc tout faire et veut nous le montrer. Il nous livre son potentiel en catalogue enchaînant les titres aux durées disparates sans qu’il y ait de véritable logique derrière.
Ainsi le Rage avec orchestre est sans demi-mesure. Le groupe a joué à fond la carte du symphonique aux grandes phrases et grandes mélodies, dans un style assez déclamatoire que l’on ne peut réellement prendre au sérieux. On ressort de ces 8 premiers titres avec une impression confuse et les oreilles pâteuses tant cette gentille guimauve nous a parfois fait frôler l’écoeurement. Les adeptes du symphonique devraient y trouver leur compte car la musique de Rage n’est pas fondamentalement mauvaise, mais pour ma part, heureusement que le groupe change d’orientation sur la suite de l’album car 15 titres de cette nature m’auraient coûté une indigestion !
A partir du titre 9, Rage rompt complètement avec le symphonique pour retourner à ses origines plus proches d’un heavy aux influences thrash.
Les musiciens font donc gronder les guitares mais comptent plus sur la lourdeur de leur son que sur la puissance de leurs riffs pour accrocher l’oreille de l’auditeur. Les rythmiques sont donc saccadées, très lourdes, d’une efficacité basique, servant de support au chant pas toujours très mélodique sur les couplets. Les refrains quant à eux sont toujours aussi emphatiques, déclamés sur des accords plaqués, le tout dans une tournure chantante des plus typique. Les solos par contre, sont assez recherchés et déjantés apportant une petite touche d’originalité à l’ensemble. Cependant la musique reste assez martelée ; le son est peut-être trop gros pour ce type de composition dont le rythme n’est pas très soutenu.
On aura donc vite oublié le début de l’album et c’est sans doute ce que le groupe voulait afin de nous faire apprécier à part entière son heavy/thrash mi-tempo, classique, bien fait mais un peu lourd.
Voici donc un album à deux visages, à deux humeurs qui casse notre habitude d’entendre et d’attendre un tout homogène. La musique de Rage est de qualité mais dans un style assez poussé sur la première partie que l’on est, ou non, en mesure d’apprécier. Cependant, je ne peux m’empêcher de penser que cette division dessert la musique et le potentiel du groupe. Pour moi, le vrai génie est de parvenir à lier avec harmonie et équilibre l’aspect symphonique avec la puissance du thrash et ce au sein de chaque chanson, ou du moins, réparti de manière régulière tout au long de l’album.
« Speak of the Dead » de Rage nous laisse donc un sentiment d’incohérence gênante qui nous empêche de nous en faire une idée globale. Ce n’est qu’un ensemble de titres livrés sans fil conducteur ; cet album n’a pas du être considéré comme tel lors de la composition et c’est dommage pour un groupe qui fait preuve de tant de potentiel, de ne pas l’avoir mieux organisé.
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3 COMMENTAIRE(S)
citer | Merci pour ces précisions, il est vrai que j'avais entendu dire que Rage était un précurseur dans la matière..loin de moi l'idée qu'il aurait s'agit de Metallica ou Dimmu Borgir, j'aurai plutôt dit Therion....
Comme je le dis dans ma chronique et c'est ce qui vaut une assez bonne note au groupe, la musique n'est pas mauvaise mais pompeuse et décousue; c'est une question de goût, je reconnais le potentiel évident du trio allemand !
Mais je vais aussi te laisser juge par toi-même ! |
citer | Je peux pas trop parler de ce disque vu que je l'ai pas encore écouté. En ce qui concerne les influences symphoniques, c'est tout à fait normal. Rage a été le tout 1er groupe à jouer avec un orchestre symphonique, bien avant que Metallica ou Dimmu Borgir en aient l'idée. Et ce n'est pas étonnant qu'ils perdurent par moment dans cette voie car leur guitariste, Victor Smolski, est en fait le fils d'un célèbre chef d'orchestre Russe. Ils ont d'ailleurs écrit un opéra-metal ensemble. Les quelques morceaux symphoniques que je connais du groupe sont plutôt bons. Mais c'est pas dit que ceux de cet album le soient forcément. Je vérifierai bientôt par moi-même. |
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3 COMMENTAIRE(S)
13/03/2006 11:53
Comme je le dis dans ma chronique et c'est ce qui vaut une assez bonne note au groupe, la musique n'est pas mauvaise mais pompeuse et décousue; c'est une question de goût, je reconnais le potentiel évident du trio allemand !
Mais je vais aussi te laisser juge par toi-même !
12/03/2006 18:31
11/03/2006 12:04