Poison The Well - Versions

Quatre années que nous attendions la mèche levée, le retour des maîtres américains du metal/hardcore après un You Come Before You trop inégal ! Pendant ces jours interminables à se repasser les hits de Poison The Well en boucle, les floridiens n'ont pas chômé en ce qui concerne les concerts (maudits ricains !) mais c'est surtout au sein même du groupe qu'un terrible évènement va se produire : le départ du guitariste fondateur Derek Miller… Les trois piliers (Jeffrey-Ryan-Chris) seront épaulés par bon nombres de musiciens (basse et guitare) mais personne ne collera à la chose… S'en suit le départ du label mastodonte Atlantic pour un label un peu plus modeste (mais nettement plus intéressant) qu'est Ferret Music. Cependant entre temps, le trio sera parti en Suède dans le même studio que pour You Come Before You, pour enregistrer leur quatrième album au nom énigmatique de Versions.

Sans avoir mis le disque dans la machine, on reconnaîtra déjà un artwork toujours aussi raffiné et travaillé qui valorise ce petit objet circulaire (et ouais çà compte !). Préparez-vous bien pour ce qui suit car le fan de base devrait à mon avis se retrouver littéralement sur le cul (simple expérience personnelle) malgré un premier titre (« Letter Thing ») plutôt médiocre aux sonorités familières (metal/hardcore ‘n' roll) ! Le précédent album présageait d'une nouvelle galette encore « plus » émo(casse-burnes) pourtant c'est un virage à 360° que les petits gars de Miami nous font avec Versions en passant d'un metal/hardcore émotionnel direct à du post-hardcore saupoudré rock. Le texte promotionnel (au dos) en dit en effet long sur cet opus, le citant comme extrêmement complexe (et expérimental) mais surtout difficile à digérer. Je ne vous cache pas qu'il faudra un nombre assez conséquent d'écoutes pour assimiler ce hardcore « ovni ». Cependant Poison The Well reste fidèle à lui-même en délivrant des titres relativement courts (on a donc pas affaire à du Pelican ou du Cult Of Luna) et peu techniques (pas de TDEP), reposant exclusivement sur l'émotion dégagée. Cette dernière reste bien palpable et doit à mon sens toute son intensité au chant exceptionnel de Jeffrey. Certains devraient se rappeler de son chant clair faux antérieur, ici on passe vraiment d'un extrême à l'autre : difficile de ne pas se laisser porter et de ne rien ressentir sur un « Slow Good Morning » (titre majeur) !

Les hurlements ne sont évidemment pas en reste (même si très discrets) et placent indiscutablement Jeffrey sur le podium des meilleurs chanteurs du genre. Seulement le chant ne fait pas tout et malgré quelques hits comme « Breathing's For The Birds » (les phases schizophréniques sont énormes !), « Naigana » (frissonnante au plus haut point), « You Will Not Be Welcomed »(le mot « émotion » prend toute sa forme) ou « Naive Monarch » (au refrain indécrottable), il manque ce petit quelque chose pour en faire un grand album et le démarquer. Peut-être ces titres directs rock assez fades (« The Notches That Create Your Headboard »), les nombreuses baisses de régimes (il est difficile de tenir l'écoute jusqu'à la fin…) ou certains passages vraiment trop « maigres » (comparés à un Dredg par exemple) sauvés in extremis par le chant hallucinant de Jeffrey. On sent que l'amputation de Derek à la guitare a fait beaucoup de mal à Poison The Well et Ryan a des difficultés à faire décoller la chose tout seul… Le nouveau style du groupe est en pleine éclosion et Versions en est malheureusement le prototype.

Versions marque ainsi le divorce avec les fans absolus du mythique The Opposite Of December. L'album est plutôt « bon » dans son ensemble mais compte tenu de son inégalité, du contexte discographique (des albums à la qualité dégressive) et de l'attente intenable (4 ans pour cet album « messie ») : la confirmation du statut du groupe n'est pas encore pour cette fois et devrait décevoir un bon nombre d'auditeurs… Pour ma part j'y crois encore (même si déçu) et j'attends une nouvelle fois les cierges (roses) allumés, du « poison » du calibre de leur premier album.

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