Gojira - The Way of All Flesh
Chronique
Gojira The Way of All Flesh
Après avoir tourné avec acharnement autour du globe (plus ou moins) et avoir vu sa côte de popularité internationale littéralement exploser, le « petit » groupe français s'est accordé une pause, le temps de donner naissance en 2008 à son quatrième album: The Way of All Flesh.
Cet album, donc, c'est un peu le rêve Américain qui se concrétise. Gojira, parti de nulle part il y a de cela une décennie, s'est forgé tout seul à force de travail et de détermination – et de plébiscite – et a fini par se voir propulsé dans de grosses tournées Américaines, tour de force que peu de groupes français avaient réussi à accomplir auparavant. Désormais, Gojira est reconnu, passe à la radio (pas sur RTL, hein ?!), et a des copains dans le coup. Au hasard: les thrasheurs de Lamb of God, jamais à court d'éloges pour leur « French buddies », ou encore les frangins Cavalera qui ont même invité Joe à « conspirer » avec eux. Inimaginable. On se doute donc que ce véritable conte de fées a forcément quelque peu changé la donne lors de la conception de ce nouveau disque, parce qu'on va enfin en parler, rassurez-vous.
Bizarrement, The Way of All Flesh apporte son lot de changements sans fondamentalement chambouler les acquis. La musique, secondée par une interprétation sans faille, dégage toujours une puissance assez phénoménale et laisse entrevoir de belles tueries en concert. La majorité des titres réutilise l'architecture développée sur From Mars to Sirius, ainsi que les motifs et phrasés types avec lesquels Gojira a façonné son identité musicale, à ceci près que The Way of All Flesh s'affirme comme plus violent et alambiqué que son prédécesseur. Le tempo y est en effet plus soutenu, les structures plus complexes et techniques, sans pour autant écarter la possibilité d'un propos plus épuré, le temps de quelques sections ambient pour le moins vibrantes (cf les 3 premières plages de l'album, toutes très bonnes). Du côté des réelles innovations, on notera l'apparition d'un synthétiseur funky et d'une une voix triturée au vocoder dans A Sight to Behold - sans doute l'une des meilleures surprises de l'album – et une utilisation du chant mélodique de Joe plus poussée sur certains passages.
Le problème dans tout ça? Bien que fort séduisant de prime abord, ce nouvel album révèle au fil des écoutes de bien vilains défauts qui l'empêchent d'accéder au statut de très bon album. A commencer par ce son rutilant, énorme, dans l'air du temps. Certes, dans le genre, c'est très bien fait. Ca claque très fort (la batterie insupportable à la fin de Yama's Messengers), ça impressionne, mais voilà: c'est tellement parfait que ça fait perdre de leur caractère aux compositions et leur donne ce désagréable arrière goût d'exagéré. A force de vouloir faire sonner tous les instruments le plus fort possible, la musique de Gojira se retrouve aseptisée. Choisir Logan Mader pour produire ce nouvel album était peut être une erreur et, à fortiori, on (comprenez je) aurait plus imaginé le groupe inviter Danny Carey (Tool) à jouer des tablas plutôt que Randy Blythe (LOG), par ailleurs remarquable, à pousser une gueulante sur Adoration for None, qui, soit dit en passant, constitue une des fautes de goûts majeures de l'album (et cette ligne de chant digne d'Hypocrisy complètement hors de propos...). Aussi, pour la première fois, Gojira semble malheureusement moins inspiré, et certaines chansons dévoilent un groupe qui stagne et semble appliquer une recette en réutilisant maladroitement ses propres gimmicks: All the Tears, les percussions au début de The Art of Dying, Wolf Down the Earth, hybride endormi entre From the Sky et Space Time, ou encore Vaccuity, qui se voit réinjecter un ersatz de Backbone, en sont des exemples criants.
Au final, l'impression qui ressort de ce The Way of All Fesh est donc un plaisir en demi-teinte, une semi-déception. Non, cet album n'est pas le Messie tant attendu, le chef d'oeuvre programmé qui devait propulser Gojira dans la sphère des monstres du metal. A l'inverse, il ne constitue pas non plus un échec cuisant, une sortie de virage irréparable, mais plutôt un essai mal concrétisé, trop hétérogène, où le meilleur côtoie le pire. On dirait que Gojira a pour cette fois renoncé à l'envie d'avancer en Terra Incognita comme aux premiers jours et semble, à l'inverse, avoir voulu polir son style sauvage, aventureux et, par la même occasion, lui a fait perdre de sa saveur. Le conformisme pointe le bout de son nez, et donne à ce nouvel album un côté coup de poing à digestion rapide. Espérons que ça n'ira pas plus loin.
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