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Gojira - From Mars To Sirius

Chronique

Gojira From Mars To Sirius
Le 3ème opus de Gojira, c'est rien de dire que je l'attendais, celui-là, tout comme Kate Moss attends sa ligne de coke, ou Gérard Depardieu un Jéroboam de rouge : impatiemment.
(A l'attention de nos lecteurs de moins de 12 ans qui ne seraient pas encore alcooliques, un Jéroboam est une bouteille qui peut contenir 4 litres de pinard. Exemple : "Tiens je boirais bien un petit verre. T'aurais pas un Jéroboam de champagne ?" Frederic Beigbeder, au Café des Sports à Argenteuil.) Et pour être très clair : les bougres ne m'ont pas déçu, loin de là.

Le packaging est dans la lignée des autres disques du groupe, sobre, mais extrêmement bien foutu, et surtout complètement à l'opposé de ce qui peut se faire dans le style de musique. Donc, pas de crânes qui se font sodomiser les orbites par des diables priapiques avec des vestales qui sucent des orcs en fond, mais une baleine blanche qui vole devant deux planètes, le tout sur un fond beige. On fait plus Death comme visuel. A noter que le thème des cétacés revient aussi dans les paroles des chansons. Et non, l'album n'est dédicacé ni à Maïté, ni à Guy Carlier, ni à Laurence Broccoli.

Dès la première chanson, on comprend une chose très rapidement : le son, qui était un peu le point faible de la première édition de The Link (étant enregistré dans le studio du groupe), a été largement amélioré. La batterie caverneuse (normal vu la dose de reverb) claque la gueule de tout le monde, des grattes sont surpuissantes, et la voix dantesque, bref ce disque a un son qui ferait passer un tir de DCA américaine pour un pet d'anorexique. Et ce n'est pas pour ce 3ème opus que Gojira a abandonné ce qui faisait sa marque de fabrique, du death métal trempé à un alliage de titane et de tungstène en proportion 80/20, couplé à des passages mélodiques, et des feulements de baleines. Tout y est, mais avec encore plus de maturité. Les chansons sont plus longues, plus structurées. A la limite, on pourrait dire qu'elles sont moins rentre-dedans, et encore. On va dire qu'elles ressemblent moins à des chansons de death-métal à première ouïe. (Je vois pas pourquoi je dirais "a première vue", que je sache j'écoute pas les disques avec mes yeux, même si des fois y'en qui jouent comme des pieds dessus.) Ce qui, à mon sens, fait une grosse différence, et qui constitue une faiblesse de ce disque, c'est que tous les interludes qui faisaient mon bonheur sur The Link ou Terra Incognita, se sont retrouvés comme partie intégrante des chansons. Et le problème sur ces intros, c'est que bien qu'excellentes en soi, il y a un moment où je me surprends à vouloir avancer un peu le disque. Je crois bien que c'est le seul reproche que je ferai à ce disque : des intros et interludes soit un peu trop longs, soit pas assez arrangés/fouillés. Répéter le même riff (comme sur "Unicorn", par exemple), aussi bon soit-il, passé une minute, moi ça commence à me plonger dans une léthargie proche de celle qu'on peut éprouver en regardant Michel Drucker interviewer Laurent Terzieff un dimanche après-midi pluvieux (Je rappelle à nos lecteur de moins de 18 ans dont la culture théâtrale s'est arrêtée au Cid de Molière, que Laurent Terzieff est un acteur de théâtre sans doute à l'immense talent mais à peu près aussi chiant qu'un exposé sur la recherche du boson de Higgs en Islandais médiéval). C'est aussi vrai pour "Flying Whales" qui a le même défaut mais dans l'intro du morceau. Enfin bon là je chipote parce que j'adore vraiment ce groupe, et je pense qu'ils ont fait mieux à ce niveau-là. Les ayant vu en concert, je constate que ces interludes passent mieux en live, le côté "calme après/avant la tempête" se fait plus prégnant. Mais de toute façon, même en faisant moins bien, ils font mieux que tout le monde.

Donc faisons abstraction un peu des intros/interludes pour se focaliser sur le cœur des chansons. Dès la première chanson (à savoir Ocean Planet) l'inspiration et le concept global de l'album sont présents. Comme Gojira ne fait toujours pas comme les autres groupes, ici point d'histoires de viols d'enfants, de textes racontant des génocides de chrétiens, ou de pamphlets contre l'augmentation de la taxe foncière (qui est pourtant scandaleuse, comme me le disait mon excellent mi Ernest-Antoine Seillères qui possède 70 hectares de terrain dans le Bordelais.) mais des thèmes fondamentaux : la nature, l'univers, tout ça quoi. Les titres pour cela sont assez explicites (Ocean planet, In the wilderness, From Mars, To Sirius, Global warming). On est assez loin d'une célébration paganiste de la nature. C'est normal, on n'est pas en Finlande ou en Norvège ici. Il est plutôt question d'une inspiration autour de ce sujet et un peu d'une prise de conscience que le pétrole, autant dans une voiture c'est utile, autant sur la mer, ça sert pas à grand chose vu que les mouettes ne volent pas au diesel.
Que les fans de gros son se rassurent, c'est pas parce qu'on parle de baleine bleue ou de la parthénogenèse du poulpe des Mer de chine (il n'y a pas de contrepèterie..) que la puissance destructrice n'est pas là. J'en veux pour preuve "The heaviest matter in the universe" ou "Backbone", qui pilonnent les tympans avec force blasts et parties de doubles et où on peut constater aisément que Mario (le batteur, pas le plombier) n'est décidément pas un unijambiste neurasthénique.

Il y a eu même un moment où j'ai eu peur (non ce n'est pas quand je me suis regardé dans un miroir, ou que je me suis relu) c'est à l'intro de "World to come" avec un joli arpège qu'on aurait pu trouver tel quel dans un album de No Doubt. Mais la suite change radicalement de style, on est aussi proche de Gwen Stefani que moi de Greg le Millionaire (je parle pas au niveau du QI.). Et ô divine surprise, que la voix de Joe s'est puissamment améliorée ! Il multiplie sur tout l'album les passages growlés toujours aussi puissants avec des parties criées aiguës comme sur la fin de "To Sirius", voire même en voix claire ("From Mars" ou 'World To Come"). Là c'est le point fort de cet album, le chant se fait une place prépondérante, et je confirme également que la voix n'est pas trafiquée ou compressée à burnes sur le disque, c'est la même chose en live (au point que je me demandais s'il passaient pas le disque en même temps.)

Au final, Gojira suit sa route, se moquant éperdument des modes (du metalcore sauce ricaine à l'émo sauce androgyne), en écrasant tout sur son passage à coups de double, de growl, et baleines. Un album que j'aurais aimé écrire si je savais jouer autre chose que "Jeux interdits" et "Smells like teen spirit" à la guitare.

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Gojira
Défouraille métal
2005 - Gabriel Editions
notes
Chroniqueur : 9/10
Lecteurs : (93)  7.72/10
Webzines : (30)  8.71/10

plus d'infos sur
Gojira
Gojira
Metal extrême progressif - 1996 - France
  

tracklist
01.   Ocean Planet
02.   Backbone
03.   From The Sky
04.   Unicorn
05.   Where Dragons Dwell
06.   The Heaviest Matter Of The Universe
07.   Flying Whales
08.   In The Wilderness
09.   World To Come
10.   From Mars
11.   To Sirius
12.   Global Warming

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