Karma.Bloody.Karma fut une excellente surprise. J'avais toujours apprécié Cattle Decapitation depuis
To Serve Man (les débuts goregrind me touchant moins) mais il avait toujours manqué les outils nécessaires aux végétariens de San Diego pour creuser un tunnel vers la surface. Le précédent opus montrait enfin tout le potentiel des Californiens qui trouvaient là un vrai style et une vraie personnalité.
Karma.Bloody.Karma engendra un buzz important autour du groupe qui rencontra un succès convaincant et mérité avec notamment une tournée européenne pour la première fois de son histoire. Autant dire que j'attendais beaucoup de ce
The Harvest Floor, par chance dans la lignée de son grand frère.
A première vue pourtant, Cattle Decapitation semble avoir suivi un traitement pour son épilepsie et sa schizophrénie. La pochette, certes réussie mais beaucoup moins juteuse, faisait également pencher la balance de ce côté. En fait, il n'en est rien et le combo reste toujours aussi barré. C'est juste que la bande à Travis Ryan maîtrise beaucoup plus son sujet, que ce soit techniquement, avec des musiciens beaucoup plus sûrs, ou matériellement grâce à une production excellente, beaucoup moins brouillonne que par le passé. Cattle Decapitation a désormais un son plus propre et si cela lui enlève un peu de folie, il rend la musique du groupe plus compréhensible, voire accessible, et aussi plus brutale, plus puissante.
Quoiqu'accessible, il faut le dire vite!
The Harvest Floor reste en effet un album riche, varié, technique et complexe pour lequel de nombreuses écoutes ne sauront pas de trop afin d'en retirer la substantifique moelle. Sur une base brutal death, Cattle Decapitation voyage le long du spectre extrême pour en prendre ce qu'il y a de plus brutal et déjanté. Beaucoup de changements de rythme sont à prévoir ainsi que tout un tas de plans tarabiscotés à la guitare, un état mental complètement instable que n'aurait pas renier Cephalic Carnage. Et tous les musiciens participent à ce défilé de monstres. Le guitariste bien sûr avec ses plans tordus et ses riffs originaux qui se font parfois plus mélodiques, le bassiste qui prend désormais une place plus importante ("The Gardeners Of Eden", "Regret & The Grave") mais aussi le nouveau batteur David McGraw (Sleep Terror), excellent et créatif qui maîtrise autant les parties blastées (et il y en a, croyez-moi, le début de "The Gardeners Of Eden" est à ce titre époustouflant) que les passages demandant plus de toucher et de groove. Le cogneur en chef nous offre même des gravity-blasts, pour la première fois utilisés dans la discographie du quatuor, accentuant l'intensité de la musique ("The Gardeners Of Eden", "A Body Farm", "Tooth Enamel And Concrete", "Into The Public Bath", "Regret & The Grave"). Seul petit reproche, une batterie un peu trop triggée, notamment la grosse caisse.
Mais le véritable aliéné, c'est bien le frontman Travis Ryan qui est, on peut désormais l'affirmer, un des tous meilleurs chanteurs de la scène metal extrême. Un magnifique exemple de dédoublement de personnalité incarné dans sa performance entre growls puissants ou rapides et shrieks black metal reptiliens. Ryan se paye même le luxe de défier Angel Ochoa voire Matti Way sur la gigantesque slam part de "The Ripe Beneath The Rind" où l'Américain râcle sa gorge comme jamais pour nous en sortir ses plus beaux glaires. Un passage jouissif où Cattle Decapitation fait la leçon à Cephalotripsy et consorts en leur démontrant qu'une slam part n'est jamais aussi efficace et jubilatoire que quand elle est rare et inattendue. Travis Ryan nous offre vraiment sur
The Harvest Floor une performance hallucinée de premier choix! Mais comme le bonhomme n'est pas égoïste, il donne un peu de temps de jeu à quelques invités. Ross Sewage (Impaled) sur "Tooth Enamel And Concrete" et Dino Sommese (Asunder, Dystopia) sur "The Product Alive" qui n'apportent pas grand chose, et surtout la chanteuse Jarboe des Swans qui elle, sert vraiment à quelque chose sur la sublime interlude "The Harvest Floor" qui permet à l'auditeur de se reposer de ce voyage harassant grâce à une mélodie douce, un chant féminin aérien et un violon électrique joué par Jackie Perez Gratz (Amber Asylum, Grayceon) également présente sur "We Are Horrible People" et "Regret & The Grave". Une touche de mélancolie bienvenue dans ce monde de brutes. C'est aussi ça la force de Cattle Decapitation, nous brutaliser sauvagement puis changer de registre et se faire beaucoup plus tendre. Ce à quoi servent les quelques samples atmosphériques où les vocaux plus aériens. Des samples atmosphériques ou indus créés à nouveau par John Wiese.
Pourquoi, après toutes ces louanges, ne donner qu'un 8/10? Parce que malgré pléthore de qualités, Cattle Decapitation n'a pas encore sorti le disque parfait. Tous les titres ne se révèlent en effet pas tous aussi exceptionnels que "The Gardeners Of Eden" ou "Regret & The Grave" qui ouvrent et clotûrent l'album de manière remarquable. Quelques coups de mou en milieu de tableau notamment ou des tentatives de soli avortées, sauf celui de "Regret & The Grave", plus développé (mais quand même trop court), m'empêchent de viser plus haut. Je regrette aussi les quelques passages black metal/ambient qui donnaient un cachet très sombre à
Karma.Bloody.Karma. Et puis surtout, si
The Harvest Floor s'avère globalement plus maîtrisé et mieux composé que son prédécesseur, l'effet de surprise de
Karma.Bloody.Karma ne joue plus et nous oblige à être plus exigeant envers nos végétariens préférés. Rien de rédhibitoire toutefois car malgré tout, Cattle Decapitation confirme largement les espoirs placés en lui et mérite amplement la vague d'engouement dont il fait l'objet. Riche, personnel, varié, déluré, original, chaotique, technique, ambiancé, brutal, mélodique et même parfois mélancolique, concept pro-animal/anti-humain recherché, on ne croise pas tous les jours un opus de la trempe de
The Harvest Floor dans un paysage brutal death qui se mord trop souvent la queue. Rien que pour ça, merci à eux!
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