Alors que tout le monde s'était pignolé sur
Monolith Of Inhumanity (2012), le dernier album des Californiens, j'avais pour ma part été quelque peu déçu après deux albums excellents,
Karma.Bloody.Karma (2006) et
The Harvest Floor (2009), qui avaient imposé Cattle Decapitation parmi les formations qui comptent. Pas que l'opus était mauvais, loin de là, mais une propension trop grande à la modernité, notamment au niveau de la production, ainsi que des riffs moins inspirés m'avaient convaincu du petit coup d'arrêt des Américains. Le fait d'être un des rares à penser de la sorte alors que je suis ce groupe qui m'est cher depuis plus de 10 ans et un
Humanure (2004) certes encore un peu léger niveau personnalité mais porteur de belles promesses m'avait fortement contrarié. J'espérais donc que ce nouveau disque, sorti en août toujours chez Metal Blade qui accompagne le combo depuis
To Serve Man (2002), allait me réconcilier avec Cattle Decapitation. Mission accomplie mon capitaine!
The Anthropocene Extinction marque déjà des points rien que par sa superbe pochette qui rappelle ces photos d'oiseaux morts sur les littoraux, l'estomac rempli de bouchons de bouteille et autres plastiques rejetés à la mer par une humanité toujours plus je-m'en-foutiste. Sauf qu'ici ce sont des humains échoués sur une plage polluée par les rejets d'une usine à l'arrière-plan. Le titre de l'album est aussi bien trouvé. L'anthropocène fait ainsi référence à cette époque géologique non officielle marquée par l'influence de l'Homme sur son environnement et que certains scientifiques font démarrer à la révolution industrielle. Le message est clair. En détruisant la planète à petit feu par ses activités, l'homme court à sa propre perte. Une thématique d'actualité à l'aube de la COP21 et typique de Cattle Decapitation, groupe végétarien et misanthrope depuis le début. Des raisons qui m'ont toujours rendu le combo sympathique, au-delà d'une musique intéressante.
Si tout cela démarrait bien, encore fallait-il justement que la musique suive. Une première écoute m'a poussé à positiver quand les dizaines d'autres qui ont suivi l'ont confirmé. Oui, ce
The Anthropocene Extinction est meilleur que
Monolith Of Inhumanity même si je sens que la majorité restera en désaccord. Car en fait,
The Anthropocene Extinction n'est pas très différent de son prédécesseur. Il pourrait même sembler au début une version recyclée moins inspirée. Clairement, Cattle Decapitation a trouvé son créneau, son propre son et il n'y a plus de réelle surprise à attendre du quatuor de San Diego. On reste alors dans une sorte de metal extrême moderne, principalement axé sur du brutal death auréolé d'une folie grind et assombri d'influences black metal plus ou moins présentes. Contrairement à
Monolith Of Inhumanity qui contenait son lot de tueries ("Forced Gender Reassignment", "Lifestalker", "Kingdom Of Tyrants"...) , aucun titre de
The Anthropocene Extinction ne se démarque vraiment. Si l'opus précédent proposait donc un niveau de plaisir maximal supérieur, la moyenne se fait ainsi plus élevée sur le petit nouveau. Moins de tueries mais un ensemble global plus homogène de meilleure qualité avec uniquement des bons titres ("Mutual Assured Destruction", le morceau le plus court, se révèle un peu en deçà toutefois). Voilà pourquoi
The Anthropocene Extinction me fait plus d'effet et me réconcilie avec Cattle Decapitation, bien que notre mésentente restait légère. Pour ce qui est du côté trop moderne que j'avais reproché au groupe sur son méfait précédent par contre, celui-ci est toujours présent. Le son de batterie, en particulier, s'avère beaucoup trop synthétique. Heureusement, on finit par s'y habituer grâce à la qualité des compositions et au jeu monstrueux du batteur qui enchaîne à une vitesse folle blast-beats jouissifs, accélérations supersoniques à la double dont il raffole, gravity foudroyants (moins utilisés toutefois) et séquences plus techniques que physiques. Mais le son de batterie reste un défaut majeur jusqu'à en être désagréable sur les semi-blasts, par chance peu fréquents. Et ces riffs saccadés sans grande imagination que les Américains nous balancent de temps en temps ne sont toujours pas de mon goût, mais on arrive à nouveau à s'en accommoder car ils ne durent pas longtemps et se retrouvent noyés dans un ensemble plaisant.
C'est que ce
The Anthropocene Extinction se pose comme un album dense. Beaucoup de changements de rythme, de riffs différents, d'ambiances diverses et variées au menu. Le style schizophrénique et frénétique de Cattle Decapitation est désormais bien identifiable. Malgré ce pavé de trois quarts d'heure, l'album reste efficace dès la première rencontre. Plusieurs choses y sont pour beaucoup dans cette appréciation rapide. Le groove dégagé, souvent sur ces accélérations sur fond de double ultra rapide ou sur des passages plombés un peu slammisants (moins utilisés que sur le précédent néanmoins), sans oublier la basse bien audible. Les mid-tempos headbangants. L'ambiance prenante instaurée, comme sur le premier morceau "Manufactured Extinct" ouvert par des bruits de vagues qui viennent mourir sur une plage (lien direct avec l'artwork, c'est cool les concepts!) puis par un beau riff plombé mélodique, l'intro indus de "Plagueborne" programmée par Tristan Shone de Author & Punisher, l'interlude ultra dark et oppressante de "The Burden Of Seven Billion" qui glace le sang ou encore le poignant et tragique "Ave Exitium" où apparaît de la guitare acoustique et qui marque le retour du bruit des vagues. La folie contagieuse qui accompagne chaque sortie du groupe et liée à la brutalité de l'opus qui ne lésine pas sur les blasts et autres jeux pressés. Ou encore les quelques solos chaotico-mélodiques inspirés (ça sweepe même un peu!). L'opus se laisse ensuite découvrir au fur et à mesure des écoutes, devenant vite addictif. Bref, les signes d'un très bon album qui fait de l'effet tout de suite sans faiblir au bout de deux-trois lectures. Deux aspects me semblent primordiaux ici, des atouts que l'on retrouvait déjà sur
Monolith Of Inhumanity et qui se trouvent encore améliorés sur
The Anthropocene Extinction. D'abord, les influences black metal, toujours plus présentes, surtout sur des riffs blastés assez jouissifs comme dès l'ouverture de l'excellent "The Prophets Of Loss" ou de "Apex Blasphemy" pas piqués des vers non plus, sur "Clandestine Ways (Krokodil Rot)" à 1'04, "Circo Inhumanitas" à 1'18, "Mutual Assured Destruction" à 1'31 ou encore "Not Suitable For Life" à 0'20. Mais aussi à la fin harmonisée plus calme de "Pacific Grim", superbe morceau de clôture. L'autre point fort de l'œuvre et qui démarque le plus Cattle Decapitation des autres formations de metal extrême est à trouver dans le chant du génial Travis Ryan. Sa versatilité impressionne, entre growls à l'intonation personnelle, vocaux glaireux dégoulinants, shrieks black metal reptiliens et surtout chant clair qu'il utilise de plus en plus. Cela devient peut-être un peu trop systématique sur chaque morceau mais il apporte vraiment quelque chose en imposant une réelle identité à Cattle Decapitation, d'autant qu'il ne s'agit pas de chant clair mielleux mais plutôt dans cet esprit "reptilien" trans-humain sauf sur ce fameux "Ave Exitium" qui propose un vrai chant clair triste et nostalgique. Le frontman a en plus invité deux personnalités pour l'accompagner sur le terrible "The Prophets Of Loss" (peut-être bien mon morceau préféré!) avec un Philip Anselmo en mode spoken words virils ainsi que sur "Pacific Grim" où Jürgen Bartsch de Bethlehem place quelques lignes.
Avec
The Anthropocene Extinction, Cattle Decapitation continue non seulement son petit bonhomme de chemin mais il m'a aussi permis de retrouver foi en lui après un
Monolith Of Inhumanity qui m'avait un peu déçu contrairement à beaucoup qui l'avaient encensé. Dans la même veine que son grand frère mais plus homogène,
The Anthropocene Extinction nous montre un groupe épanoui, sûr de lui et qui a trouvé son identité musicale, pour le bonheur de fans de plus en plus nombreux. Toujours aussi fou et critique envers les humains et leur impact néfaste sur la biosphère, Cattle Decapitation a le grand mérite de se détacher sensiblement des autres groupes de brutal death moderne grâce à une personnalité affirmée dont le chant versatile d'un Travis Ryan en grande forme n'est pas étranger ainsi qu'à une musique variée, à la fois brutale, mélodique, groovy, ambiancée et technique qui n'hésite pas à chercher des influences ailleurs, notamment dans le black metal, pour un résultat détonnant des plus convaincants. Seul ce côté trop moderne incarné dans ce son synthétique ou certains riffs sans grand intérêt continuent de me chiffonner. Pour le reste, difficile de se plaindre. Rares en effet sont les groupes de brutal death à proposer autant de choses différentes et qui donnent même à réfléchir!
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