Cattle Decapitation - Karma.Bloody.Karma

Cattle Decapitation, voilà un groupe que j'apprécie. Pas seulement pour la musique mais aussi pour le concept qu'il traîne avec lui depuis bientôt 10 ans déjà. A savoir que tous les membres sont des végétariens pro-animaux et qu'ils haïssent l'être humain. Si ce dernier fait n'est pas spécialement original pour un groupe d'extrême, le 1er l'est beaucoup plus, surtout pour du brutal death gore. D'où un concept propre qui les démarque des autres formations. Musicalement, Cattle Decapitation a beaucoup changé depuis ses débuts, passant d'un goregrind primaire à du brutal death à la floridienne. Si ses albums sont indéniablement de qualité, j'ai toujours trouvé qu'il leur manquait un petit quelque chose pour être réellement marquants. Mais avec ce Karma.Bloody.Karma, cette critique n'est plus d'actualité.

Car en effet, cet opus est ce que les Californiens ont fait de mieux. Ils se sont émancipés, se sont lâchés et ça se ressent tout au long de cet album qui se trouve du coup être le plus varié de leur discographie. Comme sur chaque opus, Cattle Decapitation montre une nouveau visage, ce Karma.Bloody.Karma ne fait pas exeption. Le death/grind de To Serve Man et le death floridien de Humanure sont loins et laissent place à une musique plus personnelle et plus difficilement étiquettable, ce 3ème brulôt brassant un panel d'influences plus large qu'à l'accoutumée, notamment le black métal et les musiques ambiantes sombres. Pas étonnant finalement quand on sait ce qu'écoute le frontman Travis Ryan (cf.interview)!

Si la musique reste bien sûr largement ancrée dans un brutal death gore à consonnance grind (ça blaste et ça grogne plus que jamais), Cattle Decapitation s'aventure donc dans des contrées jusqu'ici jamais explorées par nos végétariens préférés. Comme je viens de le dire, on remarque des influences black métal avec un chant black beaucoup plus utilisé qu'avant, souvent superposé aux growls mais également en solo ("Success Is...(Hanging By The Neck)", "Bereavement", "Karma.Bloody.Karma", "The New Dawn"). Des passages lents ambiancés font également leur apparition, conférant à l'album une atmosphère sombre inédite qui prend aux tripes: "Total Gore?" où Joe Karam de The Locust vient brailler quelques mots, la longue fin géniale d'"Alone At The Landfill" avec basse, clavier, bruitages de fonds et voix black vomitive qui s'unissent pour nous emmener faire un tour dans les ténèbres, l'énorme intro toute calme de "The New Dawn" avec son sample grondant et ses quelques notes angoissantes et la terrifiante outro "Of Human Pride & Flatulence" sur laquelle un chant dérangé à la Varg Vikernes se pose sur les bruitages étranges de John Wiese (ex-Bastard Noise et Sunn o)))) et un riff acoustique glaçant. Cattle Decapitation n'a pourtant pas seulement élargi son horizon vers les ténèbres, les Américains laissent également briller la lumière sur des passages mélodiques excellents ("Unintelligent Design", le solo de "Success Is...(Hanging By The Neck)", l'arpège de "Suspended In Coprolite", l'intro d'"Alone At The Landfill", son passage à 1'36 presque aérien et ses soli...)

Tout n'a pas changé malgré tout, Cattle Decapitation conserve certaines de ses caractéristiques qui lui sont propres. Au delà du concept dont j'ai parlé dans mon introduction, je pense surtout à son côté barré et chaotique qui s'est même amplifié ici. Des changements de rythmes de dingues, une technicité forcément améliorée, des déluges de notes schizophréniques (qualité renforcée aussi avec les double voix), c'est aussi ça Cattle Decapitation!

Très belle réussite donc que ce Karma.Bloody.Karma. On dit souvent que le 3ème album est un cap important pour un groupe, et bien la Décapitation du Bétail l'a franchi avec brio. D'autant que cette fois-ci, la production (signée Billy Anderson (Mr. Bungle)) est à la hauteur et rend enfin grâce à la personnalité bouillonnante du groupe. Ca donnerait presque envie de devenir végétarien tout ça!

DONNEZ VOTRE AVIS