Massacra - Sick
Chronique
Massacra Sick
S'il est devenu quasiment impossible pour un groupe de créer la surprise lors du lancement d'un nouvel album, quinze ans en arrière, c'était quand même une autre paire de manche pour anticiper les changements d'orientation musicale et autres retournements de veste. Sans vouloir verser dans une vaine nostalgie, l'accès immédiat à je ne sais combien de combos venus de tous les horizons étant une bénédiction pour les passionnés, tout est devenu plus (trop?) facile à l'heure actuelle ; car avant la révolution internet, il fallait se retrousser les manches et partir à la pêche à l'info pour prendre le pouls des bestiaux, guetter le tracklisting en fantasmant sur les nouveaux titres (« Ain't My Bitch » sera-t-il le nouveau « Battery » ?), s'attarder sur le look des musiciens, lire entre les lignes chaque interview ou encore passer au crible un changement de logo pour se faire une idée, souvent fausse, de ce qui nous tomberait dessus au premier jour de la sortie du dit skeud. Dans le cas de MASSACRA, qui sortait avec « Sick » son quatrième full length, le message avait le mérite d'être clair : aux lettres tranchantes rouge vif succédait une typo rosâtre plus ronde et plus neutre ; aux oubliettes les visuels sombres typés heroic fantasy, une photo aux qualités plastiques indéniables se chargerait d'ancrer le groupe dans le réel. Plus carré, plus pro, MASSACRA tire un trait sur le folklore death des débuts et va désormais à l'essentiel, à l'image d'un titre, « Sick », d'une grande concision.
Pour apprécier cet album à sa juste valeur, mieux vaut donc faire son deuil de la barbarie caractéristique des productions précédentes, même si l'énergie déployée pour hisser cet entre deux death n' roll au niveau de « Enjoy » ou « Signs » facilite grandement la transition. Expurgé de toute frénésie ou surenchère technique, le premier tiers de l'album représente le plus gros accident de parcours, le groupe distillant ensuite à intervalles réguliers des titres rapides plus conformes à ce qu'on peut attendre d'un combo du calibre de MASSACRA. Plus denses, plus lourdes, les nouvelles compositions capitalisent sur un feeling rock omniprésent qui ne manque pas de surprendre, le grand écart réalisé entre « Signs » et « Sick » faisant écho au fossé creusé entre « Clandestine » et « Wolverine Blues » des suédois d'ENTOMBED. Très représentative du contenu général de « Sick », « Twisted Mind » passe en revue l'intégralité de l'arsenal rythmique déployé ici par Tristani, Duval et consorts, d'inattendus breaks acoustiques relayant un riffing thrash épuré et les salves de double de l'impeccable Matthias Limmer maintenant MASSACRA dans le giron de l'extrême. A ce titre, le fait que Pascal Jorgensen, le frontman, n'ait pas fondamentalement changé de registre (bien qu'un peu moins gore, son chant éraillé et rageur fait toujours des dégâts) participe de l'acceptation d'un genre encore franchement neuf à l'époque. Bâti sur du mid tempo pêchu, étayé par une bonne dose de groove et des solis mélodiques bien moins démonstratifs que par le passé, « Sick » souffre quelques maladresses comme cette tentative de chant clair bancale sur « Closed Minded », au moment où l'on espère que les ex-terreurs du circuit death européen vont plutôt accélérer la cadence. C'est heureusement chose faite dès le morceau suivant, « Harmless Numbers », petite bombe thrash férocement hardcore qui ne tarde pas à faire des petits, du démarrage en trombe de « Lack Of Talk » au quota appréciable de violence gratuite « Can't Stand », de loin le titre le plus rageur et frontal de l'album.
Car si le tempo s'accélère enfin, la deuxième moitié de « Sick » est également plus inspirée que la première, à l'image d'une « Broken Youth » headbangante à souhait (distribution de minerves garanties en sortant de la salle), d'une « My Reality » dynamique et accrocheuse rivalisant en puissance avec l'opening track « Twisted Mind », voire d'un instrumental moins anecdotique qu'il n'y paraît (« Piece Of Real »). Toujours produit par Tim Buktu au T&T Studio de Gelsenkirchen « Sick » compense ainsi un certain manque d'agressivité par une débauche de sueur rock n'roll et un mordant thrash/hardcore permettant à MASSACRA de ne pas se mettre à dos le gros de ses sympatisants. Au vu des qualités étalées ici, les seuls défauts apparents provenant de l'agencement du tracklisting, on ne peut que regretter que l'essai « Sick » n'ait pas été transformé par l'album suivant, MASSACRA en ayant forcément gardé sous la pédale pour sa seule incursion en territoire death n' roll. Car la véritable incompréhension, ce sera pour plus tard avec l'anecdotique « Humanize Human », dernier témoignange discographique du groupe avant le décès de Fred Duval en 1997.
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