Si vous avez lu l’excellent
"Enjoy The Violence", ouvrage particulièrement complet et soigné se proposant de retracer l’évolution de la scène Thrash/Death française à travers les témoignages de ses principaux acteurs (ou bien si vous possédez tout simplement les rééditions des trois premiers albums de Massacra éditées par Century Media il y a de cela quelques années dans lesquelles figure une longue interview reprise par les français derrière ce livre passionnant), vous savez alors très bien que la formation originaire de Franconville dans le Val d’Oise n’avait rien d’un groupe comme les autres.
Formé en 1986 sous l’impulsion de trois jeunes garçons qui comme beaucoup d’autres à l’époque se sont pris en pleine tronche cette déferlante Thrash en provenance notamment des Etats-Unis et d’Allemagne, Massacra suit un parcours relativement classique. Le groupe enchaîne ainsi les démos pendant trois ans, lui permettant alors d’acquérir une solide réputation, notamment en région parisienne. Sauf que Jean-Marc Tristani a bien compris une chose, ce n’est pas en France qu’il réussira à se faire un nom avec sa musique.
Pays des yéyés beaucoup trop sûr de sa propre culture, cette France préférant ses Claude François, Johnny Hallyday et autres Michel Sardou n’a jamais laissé sa place au Rock venu d’Angleterre et d’Outre-Atlantique. Cette absence de culture en la matière va naturellement avoir de sérieuses répercussions pour ces quelques jeunes de l’époque. Outre le fait que la qualité des infrastructures en place dans l’hexagone ne soient pas à la hauteur (aucun ingénieurs du son capables de signer une production Thrash/Death digne de ce nom) et que l’accessibilité à ces dernières soit rendue presque impossible à cause de tarifs prohibitifs, c’est surtout le niveau de ces groupes français qui est à déplorer. Bien loin de celui de leurs homologues allemands, américains et scandinaves, les groupes français sont obligés de faire avec les moyens du bord, galérant le plus souvent pour recruter des membres ayant au mieux un niveau acceptable.
Ce constat amer mais on ne peut plus juste va pousser dans un premier temps Jean-Marc Tristani, Fred Duval (Laurent Duval dans le civil) et Pascal Jorgensen à développer leur technique en pratiquant leurs instruments durant des nuits et des journées entières. Une motivation à toute épreuve et une vision très claire des choses qui vont les amener par la suite à démarcher ailleurs qu’en France pour tenter d’obtenir une signature digne de ce nom. Un deal capable de changer la donne et de porter l’étendard de Massacra au-delà des frontières françaises. Cette attitude jugée quelque peu élitiste va placer le groupe parisien dans une situation pour le moins inconfortable vis-à-vis du public et des autres groupes français avec qui ils entretiennent bien évidemment une certaine forme de compétition non-avouée mais surtout avec la presse spécialisée qui à l’époque (fin des années 80) considère alors de son piédestal l’émergence de ces nouveaux courants comme une sorte de dégénérescence inavouable du sacro-saint Heavy Metal.
Repéré par Shark Records, label allemand à qui l’on doit les premières sorties en Europe de Sepultura (
Morbid Visions et
Schizophrenia) et Wehrmacht (
Shark Attack), Massacra sortira en mars 1990 son premier album intitulé
Final Holocaust. Un disque enregistré en Allemagne sous la houlette d’Ulli Pösselt et d’Axel Thubeauville, patron de Shark Records, cofondateur de Aaarrg Records (Holy Moses, Target, Living Death, Mekong Delta, Pyracanda...) mais aussi producteur spécialisé dans le Heavy Metal et le Thrash depuis déjà pas mal d’années (il a notamment travaillé pour Living Death, Chainsaw et Warlock) qui attestera sans grande surprise qu’à l’époque les Allemands étaient clairement à l’heure sur le sujet et probablement les meilleurs dans ce domaine de ce côté-ci de l’Atlantique.
Malgré ces qualités le plaçant aisément au-dessus de n’importe quel groupe de Death/Thrash français de l’époque (un riffing nerveux et acéré, une cadence particulièrement soutenue et une intensité contagieuse), la presse hexagonale choisira de cracher sur ce
Final Holocaust. Une attitude désolante prouvant une fois de plus ce manque de vision qui nous caractérise dans certains domaines. Mais peu importe, le groupe à la tête ailleurs et les retours à l’étrangers sont absolument tous unanimes. Il faut dire que les Parisiens ne plaisantent pas grâce à des compositions particulièrement explosives menées le couteau entre les dents (un riffing encore largement marqué par les premiers amours Thrash des Parisiens et un batteur que beaucoup ont dû jalouser à l’époque). Une rage débordante et juvénile héritée des premiers albums de Kreator et de Slayer que le groupe français va mettre en avant tout au long de ces quarante-huit minutes exécutées sans aucun temps mort. Une cadence rarement soutenue par chez nous qui va faire de Massacra le premier groupe français de Death/Thrash digne d’être évoqué à l’étranger.
Vingt-neuf ans plus tard, il est évident que
Final Holocaust a quelque peu vieillit. Sa production, si elle a permis à l’époque au groupe de se faire un nom autre part que dans nos contrées, a naturellement subi les affres du temps. Le remastering signé Patrick W. Engel sur la réédition proposée par Century Media permet de gommer quelque peu cette impression même s’il faut bien garder à l’esprit que pour l’année - 1990 - le travail effectué par Ulli Pösselt et Axel Thubeauville était tout sauf désuet. Mais surtout, le jeu de Massacra n’était pas encore au niveau de ses réalisations à venir (les monstres de violence que sont
Enjoy The Violence et
Signs Of The Decline). On trouve en effet sur ce premier album des titres composés par le groupe dès ses débuts en 1987 ("Apocalyptic Warriors" et sa superbe introduction "va-t-en-guerre" tirée de Faust de Charles Gounod, "The Day Of Massacra" - tous les deux rebaptisés entre temps). Des compositions parfois un peu bancales (certains riffs paraissent un peu simples aujourd’hui), marqués de cette fougue à peine contenue mais à l’exécution peut-être encore un poil approximative. Pourtant, ce sont bien ces petits défauts qui font de
Final Holocaust un album aussi intemporel, véritable pierre angulaire d’une scène française qui malgré ses problèmes de promotions perpétuels livrera quelques-unes des meilleures sorties de l’époque (Mutilated, Agressor, Mercyless et Loudblast).
J’aurai pu davantage rentrer dans le détail de chacune de ces dix compositions mais trois décennies plus tard, je me cache cette fois-ci derrière le fait que tout a déjà été dit sur le sujet et surtout, je l’espère, que chaque amateur de Death Metal ou de Thrash soucieux de l’histoire de la scène nationale, connait ses classiques sur le bout des doigts ou presque (on a tous des lacunes parmi ces dits "classiques"). Car oui,
Final Holocaust que l’on soit français ou non, figure parmi les incontournables de l’époque. Certes, celui-ci n’a pas l’aura d’un
Enjoy The Violence plus maîtrisé à tous les niveaux mais il reste un premier jet de grande qualité et encore une fois un disque incroyablement sauvage doté d’un savoir-faire peut-être encore un peu limité mais qui aura néanmoins permis à un groupe français de rivaliser avec les plus grands de l’époque. Rien que pour cela, ce premier album ne doit pas être oublié.
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