Je vois d'ici les critiques des « anti » metal technique, dont les pseudos ressemblent généralement à 1fandeslipknot ou gojiracétrobi1 : « bouh, le death technique c'est de la merde, ils cachent le fait qu'ils ne savent pas composer derrière leur technique de jeu » (désolé, je n'ai pas réussi à retranscrire les fautes de syntaxe). Pourtant il faudrait leur dire à ces jeunes malappris que la technique n'est pas une fin en soi mais bien un moyen, celui de faire passer un morceau à un degré de qualité supérieur. Il est vrai qu'en matière de musique, simplisme rime rarement avec qualité, mais il ne faut pas non plus pour le commun des mortels ensevelir les compositions sous une montagne de notes et de structures complexes, au risque de perdre l'auditeur. C'est le drame de notre temps, toute l'éducation musicale d'une voire plusieurs générations est à refaire, car la musique n'est réellement aboutie que quand on en maîtrise toute la théorie, comme les grands compositeurs jadis. Comment voulez-vous que ces cons de jeunes apprécient Mozart ou Vivaldi avec une oreille faussée par 15 ans de rap et de r'n'b ? Theory In Practice est la réponse apportée à tous ceux qui croient que technique ne se conjugue pas à merveille avec qualité.
En tout cas, s'il y a un mot avec lequel Theory In Practice ne se conjugue pas, c'est accessibilité. Et pour cause, comme son nom l'indique, le trio suédois repose sur des compositions très théoriques, à l'efficacité (si tant est qu'un tel mot soit compatible avec cet album) pensée avec soin, dont les mélodies sont très sûrement couchées sur le papier bien avant d'être jouées. C'est un style de composition assez atypique, mais le génie de Peter Lake permet de rendre tous les titres extrêmement savoureux, grâce à des mélodies magnifiques et des rythmiques tellement changeantes et complexes qu'elles feraient passer Meshuggah pour des amateurs. Car techniquement, j'ose le dire, aucun album de metal extrême n'atteint un degré de raffinement et de complexité tel, y compris
Colonizing The Sun et
The Insight Eye de Illogicist qui proposent une musique similaire. C'est discutable et assez subjectif selon à quel instrument on pense (Marco Minneman reste en effet sensiblement un cran au dessus de Henrik Ohlsson), mais au moins sur le plan guitaristique,
The Armageddon Theories ne souffre que peu de comparaisons. Il suffit pour s'en convaincre d'écouter un titre comme « Dehumanized », le contrepoint d'introduction aussi injouable que sublime, son couplet au contre-temps inhumain, ses polyrythmies... J'arrête là avec l'étalage de termes de solfège, et je ne m'étendrai pas plus sur les techniques inhérentes à la guitare que Peter Lake maîtrise mieux que personne – ce dont il fait une étonnante démonstration, cet album est un peu comme un défi à quiconque croit posséder un excellent niveau à la guitare. Et autant dire que peu nombreux sont ceux qui ne terminent pas son écoute dans un état de dépression avancée.
Évidemment,
The Armageddon Theories n'est pas qu'un étalage éhonté d'une technique sans faille, c'est aussi un album de techno-death d'une grande qualité, aux mélodies délectables. Theory In Practice a fait avec ce second album un pas de géant dans sa démarche, éradiquant les faiblesses dans ces compositions et gagnant en intensité et en maturité de manière générale. En effet, le premier album des suédois ralentissait beaucoup trop souvent, et donc manquait souvent de punch voire de mélodie. Ce n'est plus le cas ici, bien que le début de « The Visionnaire (Angelic Possession) » et la fin de « Embryo » rappellent ce que le groupe faisait encore sur
Third Eye Function. Mais ces passages évoquant un death metal très posé n'apparaissent guère qu'à ces deux moments sur
The Armageddon Theories, laissant le champ libre aux innombrables leads, solos, breaks et qui font le squelette des morceaux, pour occuper tout l'espace sonore disponible. Je retiendrai personnellement les bijoux que sont « Dehumanized », « Prophecies » et « Carnage Earth », que je prends toujours autant de plaisir à écouter malgré le mal de chien que j'ai à les mémoriser ! Bien sûr,
The Armageddon Theories n'est pas le genre d'album sur lequel on tape du pied en rythme (il faut déjà choisir lequel), accessible à n'importe qui, ni que l'on pourrait qualifier de « easy listening ». Voilà plusieurs années que je l'écoute régulièrement, et je me laisse encore piéger par les changements de rythmes incessants, les syncopes qui sonnent totalement contre-nature et la décélération à la fin de « Embryo ». Tous ceux qui préfèrent écouter de la pop ou un album assimilable en deux écoutes ne devraient même pas jeter une oreille sur un album de Theory In Practice, et celui-là en particulier.
Quelques points faibles viennent tout de même noircir le tableau : comme évoqué plus haut la section rythmique n'est pas au même sommet que l'est Peter Lake, la batterie manque parfois d'étoffe bien qu'elle soit d'un point de vue technique totalement irréprochable. La basse malheureusement ne s'entend pas dans un mix pourtant assez clair, mais très sec, comme l'était la production de la plupart des albums de death technique il y a dix ans. Mais s'il y a toujours eu un gros point faible chez ce groupe, c'est le chant : extrêmement criard (à peu près comme celui de Chuck Schuldiner sur
The Sound Of Perseverance par exemple), il a beaucoup de mal à passer pour beaucoup de monde. Personnellement, je le supporte, mais je lui préfère tout de même celui que Henrik Ohlsson fera sur
Colonizing The Sun.
The Armageddon Theories fût en1999 le seul représentant de son style, avec le premier album de Burning Inside dont je parlerai sûrement bientôt, mais fût réédité en 2000 via Listenable (disposant de cette version et non de l'originale de Pulverised Records, c'est cette édition qui est chroniquée). Il tient assurément du techno-death (tel qu'on l'appelait à l'époque) des grands anciens, mais Theory In Practice avait son style propre et cet album était à l'époque, un ovni aussi bien que l'album de metal extrême le plus technique jamais sorti. Sa complexité lui a d'ailleurs valu des critiques bien faibles par rapport à sa qualité réelle, écrites par des journalistes qui passaient le plus clair de leur temps à encenser des groupes à la mode, et n'ayant pas le temps de plonger totalement dans cette œuvre si profonde. S'il démontre un énorme progrès par rapport à
Third Eye Fuction, je lui préfère tout de même
Colonizing The Sun, avec un chant bien plus agréable à l'oreille et des compositions imparables telles le morceau éponyme, « Conspiracy In Cloning », « The Psychomantum » et « Shapeshifter », dont seules « Dehumanized » et « Carnage Earth » peuvent soutenir la comparaison ici. Suite à cet album, Peter Lake et Henrik Ohlsson s'ennuyant un peu décidèrent de faire rennaître un petit side-project de techno-black (oui, vous avez bien lu), avec
The Aeonic Majesty, dont je ne connais pas personnellement d'équivalent ! Malheureusement, peu après la sortie de
Colonizing The Sun, Theory In Practice fût mis en stand-by, Henrik Ohlsson fonda Scar Symmetry, et Peter Lake ne fit rien d'autre « que » collaborer avec Mekong Delta... En attendant une hypothétique et espérée reformation, on ne peut que réécouter en boucle les trois albums du groupe, tellement impénétrables qu'ils ont une durée de vie presque illimitée.
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