Antimatter - Leaving Eden
Chronique
Antimatter Leaving Eden
A cause d'un épisode raté avec Anathema dans ma jeunesse, il m'aura fallu pas mal de temps pour me pencher de nouveau sur la discographie des anglais, redécouvrant avec délectation leur période post "Eternity". Le groupe a su négocier le départ de son principal compositeur Duncan Patterson après "Alternative 4" et se renouveller, parvenant à accoucher de perles telles que "Judgement" ou "A Fine Day To Exit". Et le petit Duncan a visiblement la bougeotte : à peine réfugié dans son projet Antimatter fondé avec Mick Moss, il décide de partir pour de nouvelles aventures après leur troisième album "Planetary Confinement" (2005). A l'époque, je pense qu'on ne donna pas cher de la peau de ce groupe, alors représenté uniquement par le pauvre Mick, seul à bord du navire. Ce quatrième album était donc l'occasion rêvée pour ce dernier de prouver que tout comme Anathema, Antimatter pourrait se relever du départ de Mr. Patterson. Et il n'a pas fait les choses à moitié.
"Leaving Eden" est un album qui ne paie pas de mine. On pense avoir tout assimilé de son rock mélancolique aux premières écoutes, un style à priori plutôt facile d'accès et on se rend vite compte au fil du temps que l'on s'était complètement planté. Il y a peu, je me souviens encore me plaindre du côté pleurnichard du chant, des prétendues fautes de goût de certaines sonorités ou de la monotonie des tempos... Comme quoi, on peut vraiment passer à côté d'une merveille si on n'y prête pas plus attention.
Ce quatrième album d'Antimatter s'inscrit dans une direction musicale bien définie. Le style pratiqué par Mick Moss est cadré et ne s'aventure pas en dehors de ses limites, oscillant alternativement entre un rock lourd, grave et plaintif, et un rock acoustique plus mélancolique. Chaque titre revêt systématiquement l'une ou l'autre de ces caractéristiques, par exemple "Redemption", "Another Face in the Window" ou "The Freak Show" pour la première, "Ghosts", "Conspire", "Fighting for a Lost Cause" pour la seconde. Côté inspiration, Mick puise sans mesure dans le rock progressif des années 70, aussi bien au niveau des sonorités que des ambiances... Je m'aventurerais même à citer Pink Floyd au risque de tomber à côté de la plaque (je n'ai pas la prétention d'être un connaisseur du genre). Ainsi, la musique d'Antimatter prend le temps de se poser, d'installer ses tristes atmosphères, planantes et lancinantes à travers des compositions où les guitares et le chant se partagent les émotions, appuyés par des nappes de claviers subtiles, enrichissant grandement l'ensemble. Mick joue également beaucoup sur un certain minimalisme instrumental pour donner de la profondeur à ses morceaux : chant, guitare, claviers et violon se succèdent au premier plan sans se bousculer, laissant s'exprimer toute la richesse de leurs lignes mélodiques. Aux côtés de Moss entre autres, puisque je vous parlais d'Anathema en introduction, on retrouve un certain Danny Cavanagh qui a ajouté sa graine et apporte notamment à cet album des solos à pleurer, ceux de "The Immaculate Misconception" et de la chanson éponyme en tête.
Avec une note pareille, vous deviez vous en douter : le travail de composition est remarquable. On pourrait reprocher à "Leaving Eden" de rester dans les mêmes tempos et structures, usées ici jusqu'à l'os mais les mélodies sont tellement magnifiques et l'ensemble tellement poignant qu'il serait injuste de lui en tenir rigueur. Et de ces 47 minutes, rien n'est à jeter. Chaque seconde est emprunt d'une débordante sincérité faisant de chaque titre une ode au désespoir. Et contrairement à bon nombre de formations, Antimatter ne s'appuie pas uniquement sur la magnifique voix de son chanteur, les 2 instrumentales "Landlocked" et "The Immaculate Misconception" figurant parmi les meilleures pièces de l'album, aux côtés des incontournables "Another Face In A Window" et "Leaving Eden" en ce qui me concerne.
Alors certes, Antimatter ne réinvente rien et ne cache pas de ses influences. Sans prétention, ce quatrième album n'a pour but que de déverser toute la mélancolie de son géniteur à travers ses trois quarts d'heure. Pari réussi pour le solitaire Mick qui parvient sans mal à nous entrainer dans les tourments de son être, nous délivrant un des albums les plus touchants qu'il m'ait été donné d'écouter ces dernières années. A consommer sans modération, tant que vous tenez le coup.
| Dead 28 Février 2010 - 3793 lectures |
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