Aussi incroyable que cela puisse paraître, vous vous apprêtez à lire (je comprendrais que vous n'alliez pas jusqu'au bout) la chronique de la sortie que j'attendais le plus cette année, tous styles confondus. Oui, vous avez parfaitement lu, c'est à dire plus que les nouveaux Ava Inferi, Wolverine, MyGrain, et même Opeth. Pour différentes raisons, la musique de ShamRain m'a toujours parlé et je guettais ainsi avec impatience ce quatrième album qui aura pris son temps pour éclore. Cependant, on ne peut pas vraiment leur en vouloir d'avoir laissé quatre ans entre
"Goodbye To All That" et ce nouvel album car "Isolation" représentait un réel défi pour le groupe, le premier véritable tournant de leur carrière. En effet, ce dernier ayant décidé de se séparer de son chanteur historique et ô combien talentueux Mika Tauriainen (un des meilleurs chanteurs que je connaisse), il était évident que le remplacer serait compliqué d'autant plus que le chant de Mika faisant une grande partie du charme de leur style. De quoi donner quelques sueurs froides au plus fidèle des adeptes.
Toutefois, ShamRain ne nous aura pas laissé spéculer sur un éventuel successeur. Dès l'annonce de la séparation avec leur chanteur, les finlandais placent la discrète Minna Sihvonen sur le devant de la scène, une lourde charge et une sacrée pression pour la fragile chanteuse qui donnait aussi souvent la réplique à Mika que Lee Douglas chez Anathema (pour vous dire). Un choix osé, terriblement audacieux mais presque évident quand on y réfléchit car aucun chanteur n'aurait pu tenir la comparaison. De là à imaginer que Minna puisse reprendre le poste, j'avoue avoir été plus que sceptique au premier abord. Histoire d'affirmer son choix, le quintette diffuse courant 2010, quelques démos via son Myspace (5 en tout), nous permettant d'apprécier le nouveau rôle de Minna à travers des morceaux assez hétérogènes, tantôt assez rock ("Everything Made A Perfect Sense", "Noises", "Saturday"), tantôt plus atmosphériques ("Dying Echos")... Dans cet exercice, le groupe a probablement perdu quelques têtes mais en ce qui me concerne, la nouvelle propriétaire remplit le contrat haut la main, même sur les parties les plus rapides sur lesquelles on n'avait pas encore eu l'occasion de l'entendre. Rassuré quant à l'avenir de la formation j'étais.
Il ne restait plus qu'à attendre mi-août et je ne vous cache pas que les dernières semaines n'ont pas été faciles. Quand j'ai finalement pu tenir l'objet entre les mains, j'ai été agréablement surpris de constater que les excellentes démos avaient toutes été incluses malgré ce que laissait penser le tracklisting. Sur les 5 titres connus, 3 ont été renommés : ainsi, "Souldivision" est devenu "Quiet Today", "Dying Echos", "Surreal Play" et "Saturday", "How Can I Make It Through The Night". Une bonne surprise certes (bien que les nouveaux arrangements ne soient pas toujours à leur avantage), mais du coup, si comme moi vous avez suivi l'évolution de ShamRain ces deux dernières années, ce nouvel album ne l'est finalement qu'à moitié puisqu'il ne contient que 5 nouveaux titres (dont un fut même révélé avant la sortie, "Until Twilight").
Effet indésirable ou véritable stratégie, le choc de la découverte n'aura donc pas lieu. "Isolation" est à l'image de ce que l'on pouvait imaginer. Musicalement, ShamRain n'a pas tant changé et continue d'avancer vers un style plus vitaminé, beaucoup moins lancinant que sur
"Empty World Excursion" et
"Someplace Else". Néanmoins, l'éventail des compositions reste assez large, allant du léthargique "Until Twilight" au rock des "Noises" et autres "How Can I Make It Through The Night", en passant par des titres plus sombres et tristes tels "Horizon" et "The Deep End Of The Ocean", ou encore des hommages au rock anglais avec "Everything Made A Perfect Sense". Vocalement, Minna n'est pas Mika. Cela changeait déjà beaucoup de choses avant mais rien à voir avec le virage que prend cet album. Pour autant, je ne saurais pas vous dire si l'un est meilleur que l'autre. En tous cas, la voix douce et fragile qui se pose sur les compositions apporte une dimension nouvelle, mélange de pureté, d'innocence et de fatalité, une fatalité qui vous arracherait presque le coeur sur les 10 dernières minutes dont la portée émotionnelle n'a jamais été aussi forte pour du ShamRain. Dans l'ensemble, les morceaux sont bons, et leurs diversités se complètent bien autour du thème développé tout au long de l'album, à savoir le paradoxe de l'isolation urbaine. Les meilleurs titres demeurent néanmoins ceux précédemment connus avec un gros coup de coeur pour "Noises" et "Surreal Play". A l'exception des deux superbes derniers morceaux, j'ai été assez déçu finalement par le classicisme d'un "Until Twilight" et par les fades mélodies de "Slow The World" et de "A Room With No View".
D'année en année, les finlandais abandonnent leur image de pleurnicheurs pour embrasser celle de l'indifférence et du désespoir le plus profond, celui qui vous ronge en silence. Plus froide, plus impersonnelle, plus parfaite, leur musique semble tellement achevée qu'elle ne laisse que peu de place à la critique (pour peu que vous soyez réceptif à ce style bien sûr). J'aurais pu vous parler de la grande place de la basse qui joue au chef d'orchestre, de l'intégration plus ambitieuse des claviers et des nombreuses sonorités déployées, de la subtilité du jeu de batterie et de la richesse des arrangements... mais c'est avant tout l'atmosphère qui compte ici, domaine que ShamRain maîtrise à la perfection depuis bien longtemps. "Isolation" porte bien son nom et s'y plonger, c'est s'écarter du monde, prendre une aller simple pour un ailleurs dont les paysages semblent familier, faisant écho à cette réalité qui est notre quotidien. Si aucun effort n'est nécessaire pour y entrer, il vous sera sans doute plus difficile d'en sortir, l'ensemble se révélant un peu court en fin de compte : personnellement, j'aurais bien prolongé l'immersion d'une dizaine de minutes, surtout avec une telle conclusion.
Avec beaucoup de simplicité et de sensibilité, les finlandais nous offre leur vision de notre monde, austère, aseptisé, rapide dont les pleurs de chaque être isolé se rejoignent pour donner toute la beauté et la profondeur à ce quatrième album. Malgré quelques titres moins passionnants, "Isolation" est l'album qu'on était en droit d'attendre d'un groupe aussi talentueux, à la fois prenant, touchant et très personnel. En tous cas, ShamRain a visé juste en pariant sur Minna et cette dernière se montre exemplaire sur chacune de ses prestations. Il ne reste plus qu'à espérer qu'il ne sera pas nécessaire d'attendre encore quatre ans pour entendre la suite.
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