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Necrophagist - Epitaph

Chronique

Necrophagist Epitaph
Ah mes années lycées, quel bonheur de retrouver chaque matin des gens en plein âge bête et des professeurs qui distillent des connaissances inutiles avec l'assurance de ne jamais perdre leur emploi malgré leur professionnalisme inexistant. Entre deux jours de grève et de congés maladie on avait quand même le temps d'aller en cours et de rencontrer des gens, et il se trouve que, le lycée étant un puissant vecteur d'échanges culturels, on y rencontrait même des metalleux en devenir qui entre deux joints achetés à la racaille du coin venaient m'aborder « parce qu'il est cool ton t-shirt ». Un bon moyen intemporel de se rendre compte des groupes à la mode est de demander au lycéen quel groupe il écoute, et peu après la sortie de Epitaph, en 2004, je me souviens très bien avoir eu cette « conversation », absolument véridique, avec ledit metalleux en devenir : « Ouais j'écoute du death metal, j'adore Gojira et Necrophagist .
_ Et Morbid Angel ?
_ Connais pas ».
Tout ça non pas pour vous dire que tous les metalleux les plus bêtes que j'ai connu étaient invariablement fans de Gojira, mais que Necrophagist bénéficiait à l'époque d'une visibilité dont très peu de groupes de death metal, et encore moins de groupes aussi atypiques, disposaient et disposent d'ailleurs aujourd'hui. Les Allemands étaient à la mode : les critiques dithyrambiques pleuvaient de toutes parts, saluant un album complexe et encore plus abouti que Onset Of Putrefaction. Avec le recul et l'arrivée du reste de la scène death metal allemande, le constat est pourtant beaucoup moins élogieux.

En cette belle année 2004, Suiçmez avait eu la bonne idée d'enregistrer Epitaph avec un vrai line-up, et non des moindres. Stephan Fimmers est le musicien additionnel le plus stable du groupe puisqu'il est toujours présent chez Necrophagist (qui comme Death en son temps, change de musiciens entre chaque tournée ou presque), et ses parties de basses très audibles (on pense tout de suite à « Seven ») marquent un grand pas en avant par rapport à Onset Of Putrefaction qui péchait cruellement de ce côté-là. Vient ensuite le duo formé de Christian Muezner, guitariste au style aussi chantant que celui de Suiçmez qui joue toutes les leads les plus impressionnantes des compositions ou presque, et de Hannes Grossmann, batteur quasi-épileptique au jeu ultra-fin et envolé, qui rejoindront tous deux l'autre groupe de death technique allemand, Obscura, plébiscité en ces colonnes il y a un an. Si chaque musicien apporte sa petite touche personnelle à Epitaph, il ne faut pas oublier que le seul gourou de Necrophagist reste Suiçmez, qui compose tout pour tout le monde ou presque, puisque j'ai encore un doute sur les solos de Muezner (qui en plus d'être encore plus savoureux que ceux de son vis-à-vis sont assez similaires à ceux de Obscura). On ne s'étonnera donc pas de l'absence quasi-totale de changement d'un album à l'autre : même death technique très brutal, même voix, même construction des morceaux (intro, riff rapide, break solo, riff rapide ou break au choix, fin). Donc, très logiquement, mêmes points forts et malheureusement mêmes faiblesses : intensité non progressive à deux étages la plupart du temps et vocaux inadéquats, surtout en live, comme vous pouvez le constater dans la vidéo à la fin de cette chronique.

Néanmoins, il serait malhonnête de dire que rien n'a changé au cours des longues années qui ont séparé les deux albums de Necrophagist, et je serais de mauvaise foi si je prétendais que Suiçmez n'avait pas fait de gros progrès dans la composition, au moins quand on l'aborde sous certains angles. Suiçmez a sans aucun doute mangé de la théorie musicale pendant des lustres et beaucoup étudié les schémas de composition de la musique classique, ces influences ayant rendu la musique du groupe plus mature au sens où elle est désormais plus subtile, moins évidente, plus détaillée. La critique sur la progression dans l'intensité que j'émettais pour Onset Of Putrefaction est d'ailleurs beaucoup moins valable ici, les transitions sont même parfois très habiles, comme sur l'après solo de « Ignominous & Pale ». ¨Pourtant, on retrouve souvent un break très lent d'avant solo qui n'est là que pour mettre ledit solo en valeur et n'apporte strictement rien aux compositions, hormis un sentiment de mollesse indéniable, ce qui conjugué à la lenteur globale de Epitaph, permet d'affirmer sans se tromper que la plupart des compositions manquent cruellement d'énergie. À quelques exceptions près, on a le sentiment d'écouter un « Extreme Unction » permanent : trop lent, manquant de moments mémorables en dehors des solos, et ralentissant en manquant souvent de folie, voire même parfois d'étoffe mélodique (à moins que vous considériez qu'une harmonique sifflée à la fin d'un enchaînement d'accords à la « Symbiotic In Theory » entre 2 :15 et 2 :37 apporte un quelconque gain mélodique). Étrangement, alors que Epitaph est indéniablement plus fin et subtil que son prédécesseur, c'est aussi l'album de Necrophagist qui comporte le plus de moments simples et épurés, et corrélativement le plus de moments ennuyeux…

Dommage qu'un album qui s'ouvre sur les chapeaux de roues avec un « Stabwound » vif et qui ne ralentit que pendant les solos provoque un sentiment de monotonie si intense. Comme sur Onset Of Putrefaction tous les titres ont la même couleur et l'album passe d'un seul coup sans que l'on y fasse réellement attention, mais le problème c'est que cette fois-ci on s'ennuie très vite. Heureusement, le sommet du soporifique est très vite atteint avec un « The Stillborn One » qui ne débute réellement qu'à la deuxième minute, même si d'autres moments s'avèrent eux aussi franchement pénibles, comme le break juste avant le solo du pourtant correct « Epitaph ». Dommage que ces moments manquant d'intensité soient si nombreux et surtout ne soient que rarement contrebalancés par un contrepoint ou n'importe quoi d'autre qui fasse passer la pilule d'un manque cruel de mélodie, comme c'est le cas de la basse sur « Seven » qui rompt la monotonie d'une intro et d'un break là encore peu inspirés.
En fait à trop vouloir faire à la manière du classique, Suiçmez en a oublié l'élément primordial du death metal : l'intensité. C'est très bien de vouloir casser les codes du genre en incorporant autant de variations rythmiques dans les compositions, seulement à force de trop ralentir, la dynamique des morceaux se brise, et les mélodies parfois un peu trop absentes n'arrivent pas à maintenir l'auditeur constamment attentif. Et autant quand il se met à copier la lettre la plus connue de Bethoveen sur « The Stillborn One » il n'y a pas matière à redire, autant quand il se met à danser avec les chevaliers de Prokofiev sur « Only Ash Remains », je m'ennuie tellement que j'ai envie de crier au monde en ouvrant mes volets le matin à quel point Suiçmez est « ÉGOÏÏÏÏÏÏSTE !!! » (désolé auprès des plus jeunes qui ne risquent pas de comprendre cette vanne).

Si tous les morceaux étaient comme « Stabwound », « Symbiotic In Theory » et surtout « Ignominous & Pale », Epitaph serait meilleur que Onset of Putrefaction. Malheureusement cet album n'est pas qu'une succession de plans de death metal efficaces et mélodiques, c'est aussi la lenteur, la monotonie et l'ennui que m'évoquent certains moments de « The Stillborn One », « Only Ash Remains » et « Diminished To b », et une durée honteuse d'à peine plus d'une demie heure. Si la note ne tenait qu'à la subtilité des arrangements, au talent de théoricien de Suiçmez et la qualité de jeu des musiciens (qui ne font rien non plus d'exceptionnel, encore une fois), évidemment on approcherait la perfection. Seulement ce second opus de Necrophagist fût pour moi une déception ; après un an passé dans l'illusion, je me suis petit à petit rendu à l'évidence : non, cet album n'est pas si bon que ça, il fait même par moments très pâle figure par rapport au premier essai du groupe, ce qui est quand même un comble. Ce n'est pas la faute des musiciens qui sont tous excellents, c'est la faute du compositeur. Il faut se rendre à l'évidence : Deadborn a depuis fait plus efficace et entraînant, Obscura a fait plus mélodique, plus subtil et surtout beaucoup mieux , alors que les deux formations n'ont fait que marcher dans les pas de Necrophagist en adaptant le style à leur vision. Suiçmez fera t-il mieux pour le troisième opus que l'on attend déjà depuis un moment ? Nul ne sait, mais s'il conserve ce genre de schémas de composition ce n'est pas gagné.


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Necrophagist
Death Technique
2004 - Regain Records
notes
Chroniqueur : 7/10
Lecteurs : (33)  8.45/10
Webzines : (24)  8.22/10

plus d'infos sur
Necrophagist
Necrophagist
Death Technique - 1992 † 2016 - Allemagne
  

écoutez
tracklist
01.   Stabwound
02.   The Stillborn One
03.   Ignominious & Pale
04.   Diminished To b
05.   Epitaph
06.   Only Ash Remains
07.   Seven
08.   Symbiotic In Theory

Durée : 32:58

line up
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