Aussi surprenant que cela puisse paraître,
The Sanguinary Impetus n’avait pas fait l’unanimité parmi les amateurs de Defeated Sanity. Un constat que je ne m’explique toujours pas même si j’ai bien lu et entendu les quelques arguments avancés à l’époque par certains pour tenter de défendre ce point de vue. Quatre ans après ce sixième album (allez cinq si l’on met de côté le plus conceptuel mais néanmoins excellent
Disposal Of The Dead / Dharmata), il y a fort à parier que ce constat pour le moins mitigé soit toujours d’actualité puisque les Allemands n’ont semble-t-il pas eu à coeur de prendre en considération ces quelques désidératas. En ce qui me concerne je ne leur en tiendrai clairement pas rigueur car sans grande surprise ce nouvel album est une fois de plus la preuve de la suprématie incontestable de Defeated Sanity en matière de Brutal Death technique.
Intitulé
Chronicles Of Lunacy, celui-ci voit le groupe quitter les rangs du label américain Willowtip Records chez qui il était pourtant bien au chaud depuis 2010 pour s’en aller rejoindre Marseille sous les couleurs de Season Of Mist. Une signature qui malgré l’approche beaucoup plus généraliste du label français n’a rien de surprenante puisqu’on lui doit ne serait-ce que cette année quelques-uns des meilleurs albums du genre (Benighted, Severe Torture, Wormed). À l’occasion de ce nouvel album, Defeated Sanity a également revu sa configuration en accueillant dans ses rangs un nouveau guitariste en la personne de Vaughn Stoffey (ex-Reviled, ex-Pyrexia (live)). Un nom qui ne doit probablement pas vous dire grand chose mais qui a pourtant su convaincre Lille Gruber puisqu’il est même d’ailleurs le seul guitariste à bord. Enfin du côté des choses qui ne changent pas, cette chouette illustration signée pour la troisième fois consécutive par l’incontournable Jon Zig. Une vision d’horreur toujours aussi réjouissante qui à l’image de cette production dont on va parler dans le paragraphe suivant a le bon goût de ne pas trop sentir le synthétique.
Enregistré à New-York en début d’année sous la directive du producteur Colin Marston avec qui le groupe avait d’ailleurs déjà collaboré sur
The Sanguinary Impetus avec il est vrai un tout petit peu moins de réussite,
Chronicles Of Lunacy bénéficie effectivement d’une production particulièrement convaincante. Bien loin de ces approches excessives préférant le tout artificiel à des sonorités peut-être plus imparfaites mais tellement plus justes et naturelles, les huit titres de ce nouvel album jouissent d’un son parfaitement équilibré mettant ainsi distinctement en avant l’engagement technique de chaque musicien et plus globalement la qualité d’écriture dont a toujours fait preuve Defeated Sanity durant toutes ces années. Une production qui va notamment permettre à n’importe quel auditeur de se délecter du jeu de batterie tentaculaire, varié et incroyablement technique de monsieur Lille Gruber tout en rendant la pareille à chaque autre instrument. Car si le growl de Josh Welshman est peut-être l’élément le moins intéressant techniquement parlant (entendez-moi bien, je n’ai absolument rien à lui reprocher mais le caractère plus monotone de ce dernier tranche avec la variété de propos dont font preuve les autres instruments), on ne manquera pas de s’enthousiasmer également pour cette basse frétillante qui à l’occasion de quelques percées va s’octroyer la possibilité de s’exprimer librement sans jamais manquer de groove ou bien encore pour ces guitares en perpétuel mouvement certes denses mais néanmoins tout à fait lisibles. Bref, une production léchée qui fait défaut à beaucoup de sorties estampillées "Brutal Death".
Comme évoqué plus haut, ce qui risque à nouveau de poser problème à certain est cette très relative baisse d’intensité faite au profit d’une approche qui depuis
Disposal Of The Dead // Dharmata laisse effectivement davantage de place à des séquences de tricotages techniques et groovy de premier choix. Alors oui, je dis bien « relative » car les amateurs de BPM qui s’affolent en auront tout de même pour leur argent tout au long de ces trente trois minutes qui même pour le commun des amateurs de musiques extrêmes restent d’une brutalité éreintante. Seulement voilà, ces ralentissements taillés pour briser des nuques ainsi que toutes ces démonstrations de force menées à coups de (gravity) blasts, riffs épais et nerveux et autres joyeusetés de la sorte sont effectivement une fois de plus contrastés par une expression singulière mettant là encore en avant le désir de Defeated Sanity de proposer des morceaux complexes et variés qui vont demander pas mal d’écoutes pour être appréhender dans leur globalité. En effet, entre ces changements de rythmes incessants à la batterie, ces riffs particulièrement vifs qui tricotent puis décélèrent pour finalement repartir de plus belle avant d’entamer une nouvelle transformation vers quelques chose de plus lourd ou de plus chaloupé et ces quelques passages plus progressifs il est bien impossible - même pour les gens rodés à ce genre d’exercice - d’assimiler en un claquement de doigt tout ce qui se trame durant l’écoute de ces compositions particulièrement brillantes. Car la force des Allemands est bel et bien de réussir à convaincre alors même qu’il est toujours aussi difficile de retenir d’emblée quoi que ce soit de ces trente-trois minutes qui semblent partir dans tous les sens. J’ai beau compter plus d’une dizaine d’écoutes, je serais encore aujourd’hui bien incapable de siffloter de manière tout à fait sérieuse ne serait-ce qu’un seul passage de ces huit nouvelles compositions. Pourtant, et je le sais depuis ma découverte de l’album,
Chronicles Of Lunacy est un disque absolument bluffant de technique, d’efficacité, de fluidité, de groove et de feeling. Il s’en dégage une force, une aisance et un équilibre qui le rendent instantanément convaincant alors même qu’en assimiler ne serait-ce qu’une petite partie va pourtant demander d’enchaîner les écoutes…
Bref, je ne vais pas vous tenir la jambe plus longtemps mais si vous êtes amateurs de Brutal Death et en même temps de musiques plus progressives, techniques et groovy,
Chronicles Of Lunacy devrait très vite s’imposer comme une évidence et surtout comme un maître-étalon en la matière. On peut évidemment ne pas adhérer totalement à ce glissement opéré par le groupe depuis maintenant quelques années mais les personnes qui comme moi y seront sensibles ne pourront une fois de plus qu’applaudir copieusement à l’écoute de ce nouvel album qui sans forcer va réussir à se hisser parmi les meilleurs albums de l’année. Car si l’assimilation de compositions aussi changeantes est toujours un petit peu ingrate et fastidieuse, le fait est que
Chronicles Of Lunacy est un album particulièrement bien équilibré qui allie brutalité, technique et groove de manière particulièrement habile et convaincante. Couplé à une durée d’exécution pour le moins contenue (trente-trois minutes, pas une de plus), ce nouvel album est donc d’une efficacité et d’un feeling assez incroyables qui le hissent certainement parmi les meilleures réalisations d’un Defeated Sanity pourtant déjà habitué depuis des années à tutoyer les sommets.
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