Que faire quand on domine outrageusement sa catégorie? Continuer sur sa lancée ou s'essayer à d'autres choses? Defeated Sanity a choisi les deux! Meilleur groupe de brutal death US depuis près de dix ans, les Allemands ont décidé de sortir un nouvel album un peu spécial cet été sur Willowtip Records. Il s'agit en fait de deux EPs séparés qui ensemble forment un full-length. Jusque-là, rien d'incroyable. Sauf que si en fait. On connaissait Defeated Sanity pour son brutal death entre bourrinisme slammisant et technicité plus fine. Le combo s'est séparé en deux pour cette nouvelle sortie avec une partie centrée sur l'aspect le plus brutal et bas du front du groupe,
Disposal Of The Dead, et l'autre qui approfondit et développe le côté technique de la formation sur un hommage à la scène tech death des années 1990. Deux moitiés si radicalement différentes que l'on pourrait croire qu'il ne s'agit pas du même groupe!
Disposal Of The Dead
C'est évidemment l'EP qui m'intéressait le plus au départ, n'étant pas un grand fan de death technique. Et celui-ci gagne déjà la compétition de la plus belle pochette, signée Jon Zig, même si celle de
Dharmata est loin d'être dégueulasse. Pas de surprise ici passée l'intro tribale aborigène, on a affaire à du Defeated Sanity typique à deux-trois notions près. On retrouve ainsi la plupart des caractéristiques propres au groupe. Ce son de guitare si particulier, ultra dense et étouffé. Ces riffs sans mélodie mais diablement prenants. Ce groove sale. Ces slams parts écrasantes. Cette basse tentaculaire. Ce chant guttural putride, enregistré par Konstantin Lühring même s'il ne fait plus partie de la troupe et que ce n'est pas ce que je préfère chez Defeated Sanity. Et bien sûr le jeu de batterie reconnaissable entre mille de Lille Gruber avec ce son naturel sans tromperie dont cette caisse claire encore plus Tefal qu'à l'accoutumée. Un choix qui me va très bien sur les les mid-tempos bien gras (majoritaires) et les blast-beats (minoritaires mais bien présents), moins sur certains passages comme les semi-blasts ou les gravity où ça fait vraiment mal aux oreilles et donne une impression de gros cafouillis. Les tympans saignent aussi un peu à cause de toutes ces harmoniques sifflées peu élégantes mais utilisées ici plus que jamais. Sur
Disposal Of The Dead, les Teutons suivent en fait la direction prise depuis quelques temps. Plus mid-tempo (même si ça continuer à blaster heureusement), plus groovy, plus slammy, plus old-school. Plus neuneu en résumé, d'autant que les intermèdes plus techniques voire jazzy ont quasiment disparu, réservés pour la seconde moitié du disque. Le désormais trio avait prévenu,
Disposal Of The Dead montrerait son visage le plus bêtement brutal. Et il n'a pas menti, même si du Defeated Sanity bête et méchant, ça reste bien plus intéressant que 90% de la scène brutal death actuel. Comment résister à ce départ en trombe et ce riff malsain à la old-Cannibal Corpse sur "Suttee"? À cette cavalcade thrashie sur "Into The Soil" accompagnée d'une discrète et rare ligne mélodique ou encore ce final pachydermique qui fait trembler les murs sur ce même titre dont certaines paroles ont été écrites par rien moins que Chris Reifert d'Autopsy? À ce riff old-school fort sympathique à la fin de "Generosity Of The Dead" que le combo d'outre-Rhin jouait déjà en live depuis un moment? Au riff d'ouverture tellement gras et groovy de "The Bell", qui finira sur le même tout aussi jouissif que celui de l'intro "Remotio Mortuorum" pour boucler la boucle? Et en général à ce groove et cette brutalité débilitante qui rendent dingue? Pas possible!
Disposal Of The Dead n'est honnêtement pas ce que Defeated Sanity a fait de mieux (parfois un peu trop banal pour le groupe, borborygmes vocaux pas toujours passionnants même s'ils collent très bien au style, son de la caisse claire trop sec et métallique...) et pourrait en cela constituer une petite déception sur certains plans, mais il montre tout de même que la formation reste au top d'un genre qu'elle maîtrise comme personne.
Dharmata
Je n'avais au départ aucune intention de parler de la partie tech-death, que je devais laissée à l'ami AxGxB. Mais ça, c'était avant d'écouter ce
Dharmata. Pas qu'il m'a bouleversé puisque je reste réfractaire au genre par principe mais il constitue LA vraie surprise de ce nouvel album. D'abord évidemment parce que Defeated Sanity s'essaye à un style nouveau pour les Berlinois. Même si leur musique s'est toujours parée d'atours plus ou moins techniques (notamment jazzy), elle restait profondément brutal death. Là c'est un changement de taille puisque non seulement la technique est mise au premier plan mais elle met aussi le brutal death de côté tout en donnant une dimension très progressive pour un prog tech-death jazzy très années 1990. Très Cynic d'ailleurs, l'influence principale (flagrant dès les premières notes de "The Mesmerizing Light" après l'intro "Dharmata" qui plantait déjà le décor). De quoi me faire déguerpir, d'autant que je n'adhère pas trop non plus à la voix arrachée de Max Phelps (Death To All) en mode Chuck Schuldiner asthmatique de fin de carrière. Mais je n'ai pas déguerpi, non. Car même si ce n'est pas mon style de prédilection, on ne peut pas ne pas se rendre compte que Defeated Sanity s'y sent comme un poisson dans l'eau, comme si le groupe avait fait ça toute sa vie. Nom d'un foutre que c'est bien foutu! Qu'est-ce qu'ils sont doués ces cons! J'étais tout à fait conscient du niveau des mecs mais ils arrivent tout de même à m'impressionner sur ce
Dharmata incroyablement riche et dense. Lille Gruber, déjà leader en matière de brutal death, fait preuve d'un toucher et d'un feeling divin quand le guitariste Christian Kühn déborde de créativité, démontrant un feeling mélodique aussi poussé que surprenant sur les riffs et les solos. Le génial bassiste Jacob Schmidt laisse lui gambader son instrument virtuose plus que jamais. Les morceaux se font donc logiquement plus longs que sur la partie
Disposal Of The Dead, avec un dernier pavé, "Return to Samsara", de près de neuf minutes! Mais grâce à des changements de rythmes, de riffs et d'ambiances réguliers, il y a de quoi faire! On se retrouve embarqué dans ce voyage, qu'on le veuille ou non. Car, au-delà de la démonstration des qualités techniques des musiciens, on note une vraie intensité dramatique dans les morceaux qui les rend prenants. L'intelligence d'écriture fait aussi que, malgré le haut niveau technique déployé, les titres restent relativement efficaces. Presque groovy même! Lisibles aussi, grâce à une production claire et limpide, tout l'inverse de
Disposal Of The Dead. Et si le tempo moyen n'est pas très élevé, on croise tout de même quelques accélérations thrashies bien senties et certains riffs plus sombres et agressifs sentent bon le metal extrême que j'aime (les débuts de "At One With Wrath" et "The Quest For Non-Existence" entre autres). Du coup, eh bien c'est plutôt une bonne surprise en ce qui me concerne, moi qui n'apprécie que très peu tout ce qui touche au technique (hors brutal death) et au progressif. De là à trouver
Dharmata grandiose ou supérieur à
Disposal Of The Dead? Non, car je ne prends pas non plus un plaisir incroyable, étant plus versé dans l'explication frontale que dans la dissertation philosophique. Mais je sais reconnaître le talent quand je l'écoute. J'imagine alors que les amateurs de death metal technique et progressif, les fans de Cynic, Atheist, Death et consorts, doivent sauter au plafond en écoutant un truc pareil. Pas ce que je préfère, surtout de la part de Defeated Sanity, mais un gros bravo tout de même pour le boulot abattu.
Et la suite c'est quoi alors? Si je tire mon chapeau aux Allemands pour la prise de risque et la transformation de leur essai, je me retrouve toujours plus dans
Disposal Of The Dead que dans
Dharmata qui s'éloigne trop de mon idéal death metal malgré plein de qualités indéniables que je suis le premier à reconnaître. J'espère ainsi que cet opus restera une sortie à part dans la belle discographie du combo de Berlin qui s'est clairement fait plaisir ici et que pour le prochain album, Defeated Sanity retrouvera son style habituel, son brutal death à l'américaine à la fois bien dégueulasse et techniquement au poil. Que le groupe ne refasse qu'un au lieu de se séparer en deux car le tout reste supérieur à la somme des parties.
(Keyser)
Alors que monsieur Keyser n’a rien écrit depuis des mois (enfin si, quelques live-report par-ci par-là, mais on est bien d’accord pour dire que cela ne compte pas), voilà qu’il vient me mettre un petit coup de pression en me balançant sans crier gare sa chronique du dernier album de Defeated Sanity. Moi qui avait d’autres écrits en cours, me voilà contraint (triste moi) de me (re)plonger dans l’écoute du nouvel album plutôt ambitieux des Allemands de Defeated Sanity. Et comme pour mieux souligner l’ironie de la situation, mon estimé collègue s’est octroyé quelques libertés en modifiant unilatéralement les règles tacites de notre accord concernant l’écriture de cette chronique. Celui qui devait se charger uniquement de la partie
Disposal Of The Dead s’est également fendu d’un texte encore plus long au sujet de
Dharmata... Non mais de qui se moque-t-on, je vous le demande ?
Du coup, qu’est-ce qu’il me reste à moi ? Et bien pas grand chose puisqu’avec Keyser nous partageons a peu de chose près le même avis au sujet de cet album constitué, je vous le rappelle, de deux EPs aux facettes bien différentes l’une de l’autre. D’un côté
Disposal Of The Dead illustré par John Zig sur laquelle Defeated Sanity s’adonne à la pratique d’un Brutal Death résolument old school. De l’autre
Dharmata illustré par Kahori Takeda où, chose nettement plus surprenante, le groupe allemand revêt des atours beaucoup plus sophistiqués (Death Technique) afin d’aller marcher sur les plates bandes de quelques anciens bien connus de tous (Atheist, Cynic, Death ou bien encore le Pestilence de
Spheres). Dans les deux cas, un joli pied de nez à tous ceux qui s’attendaient à une suite logique du pourtant excellent
Passages Into Deformity.
Disposal Of The Dead
Avec
Disposal Of The Dead, Defeated Sanity vient donc jouer la carte d’un Brutal Death particulièrement bas du front. Une approche tout en excès soulignée par une production très marquée qui rappelle beaucoup ce qui se faisait au milieu des années 90. Ainsi, ne soyez pas surpris par cette caisse claire qui n’est pas loin de concurrencer celle de Lars Ulrich sur
St. Anger ou bien par ces riffs étouffés et à peine audibles. Oui, je sais, présenté de la sorte, on ne peut pas dire que cela donne particulièrement envie de se lancer dans la découverte de ce nouvel album. Ceci étant, cette production n’est pas si différente de celles des précédents albums de Defeated Sanity, simplement plus marquée qu’à l’accoutumé.
Car dites-vous bien que l’on retrouve effectivement ici l’essentiel de ce qui faisait déjà le charme de la formation allemande. Que ce soit ces séquences de blasts punitives (certes, désormais moins nombreuses qu’auparavant), ces mid-tempo écrasants renforcés par la voix profonde et monocorde de Konstantin Lühring (qui a depuis plié ses gaules au profit de Josh Welshman) ainsi que ces passages "slam" plein de groove qui rendent le Brutal Death de Defeated Sanity bien plus catchy et agréable, tout y est dans des proportions plus ou moins équivalentes. La seule véritable nuance se joue ici dans l’exécution moins en "finesse" qu’auparavant. Keyser l’a très bien évoqué avant moi, le groupe a en effet laissé de côté ces sonorités héritées de la musique Jazz pour une approche évidemment toujours très brutale mais cette fois-ci moins subtile. Sans aucun temps mort en dépit de ces nombreux mid-tempo et à l’exception de cette introduction tribale pour le moins exotique ("Remotio Mortuorum"), Defeated Sanity passe son temps à tout démolir sur son passage. Entre ces riffs hyper denses et écrasants, le jeu personnel et haut en couleur de Lille Gruber (la spatialisation des cymbales et autres éléments est à ce titre très agréable), la basse expressive (mais bien moins mise en valeur ici en comparaison des titres de
Dharmata) de Jacob Schmidt, le chant ultra guttural et sans nuances de Konstantin Lühring et ces délicieuses parties slammées, l’auditeur en prend littéralement plein la figure et les oreilles (ces départs en trombe sur les redoutables "Into The Soil", "Consuming Grief" et "Suttee", ces ralentissements brise-nuques sur "Into The Soil", "Generosity Of The Deceased" ou "The Bell"...).
Ainsi, avec
Disposal Of The Dead Defeated Sanity joue la carte d’un Brutal Death régressif qui ne s’embarrasse d’aucune fioriture, les Allemands emballant le tout en un tout petit peu plus de vingt minutes (sur les quarante-huit que compte cet album / double EP). D’autant plus que passé la première écoute, on est beaucoup moins gêné par le son très sec de la caisse claire de Lille Gruber et que l’on prend très vite un malin plaisir à l’écoute de ce Brutal Death puissant, redoutable et surtout très organique (sus à ces productions en plastique !).
Dharmata
Mais la véritable surprise réside bel et bien dans les quelques titres suivants, ceux qui constituent le EP
Dharmata. Bien que la transition se fasse sans heurt, la différence se fait tout de même très vite ressentir, cela dès les premières mesures de l’introduction éponyme beaucoup plus aérée que les morceaux de
Disposal Of The Dead. Mais à changement de style, changement de chanteur. Exit Konstantin Lühring à la voix grave et profonde et place à l’Américain Max Phelps (Death To All) pour un exercice dans lequel il excelle malgré lui (bien que cela lui ait très certainement ouvert quelques portes), faire revivre le regretté Chuck Schuldiner à travers des lignes de chants arrachés quasi identiques à celles du fondateur de Death. Ainsi, tout comme Keyser, je suis particulièrement bluffé par la facilité avec laquelle Defeated Sanity s’est approprié les codes de ce genre si particulier et difficile d’accès. A l’aise comme un poisson dans l’eau, les Allemands donnent très vite le sentiment d’être nés pour ça. Je paraphrase mon cher collègue mais c’est tout à fait l’idée de ce que l’on peut ressentir à l’écoute de ces quelques morceaux. Car en dépit d’enchainements, de placements et bien même de sonorités parfois complètement abscons, il se dégage de
Dharmata une impression de facilité et de légèreté déconcertante. Tout semble couler de source alors que pourtant il n’y a rien de facile n’y de logique dans la manière dont sont agencés et restitués ces cinq titres.
Empruntant autant à Atheist qu’à Cynic ou à Death, Defeated Sanity n’invente rien et donne pourtant l’image d’un groupe en avance complète sur son temps. Les Allemands auraient-ils trouvé ici un nouveau mode d’expression ? En tout cas, il y a une chose de certaine, c’est qu’ils excellents dans cet exercice grâce à un niveau technique hallucinant faisant référence autant à l’univers du jazz qu’à celui du Death Metal ou à la musique progressive. Les compositions des Berlinois se meuvent ainsi au gré des envies de chacun dans ce qui ressemble à une sorte de free Death Metal complètement halluciné et sans forme. Des constructions imprévisibles, symboles d’une liberté artistique nouvelle et d’un pouvoir de création assez remarquable. Derrière ce fourmillement incessant d’idées et de séquences toutes plus inattendues les unes que les autres (bon courage pour retenir quoi que soit sans s’en donner la peine), on est très vite subjugué par cette basse frétillante et ultra expressive, ce jeu de batterie tout en finesse et aux sursauts incessants, ces riffs qui construisent et déconstruisent avec autant de subtilité que de force, cette approche à la fois mélodique et sombre et bien sûr cette voix qui à défaut d’une réelle personnalité ne sera pas sans donner la chair de poule à tous les fans de l’un des meilleurs groupes de Death Metal au monde, Death.
Voilà, je pense qu’entre Keyser et moi, vous devriez avoir une bonne vision d’ensemble de ce qu’est
Disposal Of The Dead / Dharmata. Effectivement, les titres du premier EP ne sont pas ce qu’a fait de mieux Defeated Sanity. Mais ne vous y méprenez pas, ils restent d’excellente facture dans un genre régressif et bas du front. Pour ma part, la vraie réussite concerne les quelques titres de
Dharmata particulièrement bluffant. Finalement, dans un milieu gangréné par les productions en plastique, un mimétisme sans borne et un manque d’audace évident, Defeated Sanity vient rappeler que certains sont là pour relever le niveau et se mettre en danger. Il est clair qu’un tel disque ne plaira pas à tout le monde mais une fois sortie de votre zone de confort, vous pourrez peut-être vous rendre compte que les Allemands excellent dans un genre comme dans l’autre. Ainsi, on ne peut que saluer une telle prise de risque périlleuse mais véritablement réussie.
(AxGxB)
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