Dans un monde où des dizaines de millions de litres de pétrole souillent le golfe du Mexique depuis des semaines, où on n'a plus rien le droit de faire à part payer nos impôts et fermer notre gueule pendant que les politiciens s'en mettent plein les fouilles, où les femmes continuent d'être des casse-couilles en puissance, où la série
The Shield est désormais terminée, où Thrashocore n'est pas encore le webzine metal n°1 en France, où von_yaourt est toujours vivant, où l'OM est champion de France de football et où, plus généralement, l'espèce humaine n'a pas encore été éradiquée, difficile de se réjouir. Heureusement, il y a aura toujours quelque chose auquel se raccrocher en attendant, enfin, de pouvoir rejoindre tonton Satan en bas dans la cave. Pour moi et sans doute pour beaucoup d'entre-vous, c'est la musique. Certains groupes ont beau me décevoir (ils le font tous un jour ou l'autre de toute manière), c'est bien elle qui me maintient en vie. Après un énorme
Psalms Of The Moribund, j'attendais donc du dealer Defeated Sanity qu'il me livre ma dose, habitué avec les Allemands à de la came de très haute qualité. Et le groupe ne faillit pas à sa réputation même si, je ne vous le cache pas, ça a été dur au début!
Avant de descendre davantage dans les profondeurs putrides de l'album, un petit rappel s'impose. En 2007, Defeated Sanity sort
Psalms Of The Moribund et devient d'un coup l'un des combos les plus prometteurs de brutal death, bénéficiant d'un buzz incroyable, tout du moins dans les milieux bien renseignés, alors que
Prelude To The Tragedy, pourtant très bon dans un style différent, avait fait beaucoup moins de bruit en 2004. Mais comme à chaque fois, les Teutons connaissent des problèmes de line-up. C'est tour à tour le guitariste quinquagénaire Wolfgang Teske puis le chanteur Jens Staschel qui quittent le navire pourtant en route pour une belle croisière. Pas de remplacement pour le père de Lille Gruber mais l'ex-Disgorge et Deprecated A.J. Magana s'intalle devant le micro après que Konni de Despondecy a aidé ses compatriotes sur quelques dates. S'ensuit alors une signature sur l'excellent label Willowtip Records. Début mai, le monstre
Chapters Of Repugnance est prêt à être laché. Un monstre que je me procure avec joie directement auprès du groupe lors du Neurotic Deathfest où le quatuor a tout dévasté.
Voyez que les motifs d'enthousiasme étaient nombreux mais à la première écoute une fois rentré du périple néerlandais, l'orgasme promis ne viendra pas. Qu'est-ce qui coince? Defeated Sanity se repose désormais plus sur la lourdeur (et nom d'un foutre que c'est lourd, mes murs en tremblent encore!) des slams parts et autres passages plombés plutôt que sur la vitesse de séquences blastées. Pourtant quand Gruber blaste comme sur l'énorme titre final "Lurid Assimilation" (déjà présent sur le
Promo 2007 tout comme les deux autres titres "Salacious Affinity" et "Engulfed In Excruciation", soit les trois morceaux les plus bourrins/rapides de l'album), c'est l'érection assurée. Une première écoute frustrante donc. Mais au fil de mes relations de plus en plus proches avec l'album, un véritable lien se crée et je ne peux plus m'en passer, devant l'écouter tous les jours pendant un mois sous peine de manque. Alors oui,
Chapters Of Repugnance est un peu moins jouissif que
Psalms Of The Moribund mais putain de sa mère qu'il est bandant!
Dans l'ensemble finalement, peu de choses séparent ces deux opus. Les tons de la pochette (très inspirée par Hieronymus Bosch en passant) ou la production puissante mais sèche (avec toutefois une batterie plus audible, pas un mal!) montrent déjà les premiers signes de similitude. Defeated Sanity a encore évolué mais son style reste tout de suite identifiable et on reconnait sans mal ce brutal death à l'américaine qui combinent les influences de Disgorge, Suffocation, Deeds Of Flesh, Devourment avec une pincée de Gorguts.
Chapters Of Repugnance nous propose ainsi neuf titres (dont "Introitus", intro instrumentale de trois minutes absolument fabuleuse qui montre toute la puissance, la brutalité, le groove, la lourdeur et l'intelligence du groupe) divisés en quatre chapitres répugnants, assez courts, très brutaux mais bourrés de groove, tantôt rapides tantôt extrêmement pesants, très changeants et à la fois efficaces et complexes puisque la formation d'outre-Rhin démontre à nouveau des qualités techniques exceptionnelles, notamment le bassiste Jacob Schmidt qu'on entend tout du long et ne fait pas que mimer les guitares ("Consumed By Repugnance", "Carnal Deliverance", "Coerced Into Idolatry", "Calculated Barbarity"...), et l'incroyable batteur Lille Gruber qui a su réinventé le style en gardant la base semi-blasts/blasts/thrash/breakdowns tout en incorporant des patterns plus complexes empruntés au jazz ou en utilisant régulièrement mais intelligemment les gravity-blasts. Les influences jazzy sont en effet ici bien plus marquantes que sur l'oeuvre précédente avec des breaks rafraîchissants ("Consumed By Repugnance", "Coerced Into Idolatry") et des riffs biscornus au groove sophistiqué plus techniques que les palm-mute habituels. Christian Kühn est en effet lui aussi un putain de musicien qui insuffle de la personnalité à ses riffs tout en restant fidèle au style, prenant même le temps de poser 2-3 solis chaotiques (qui, il faut avouer, ne servent eux pas à grand chose). Defeated Sanity ferait-il donc du Brutal Technical Slamming Jazz Death Metal?
Mais tout ça, on le savait déjà, le groupe ne fait qu'enfoncer le clou. La véritable inconnue était de savoir ce qu'allait donner la prestation de Magana. Moins guttural/yaourt et plus puissant que Jens Staschel, l'Américain est clairement le meilleur chanteur qu'ait eu le combo. Ce n'est pas encore la panacée, le chant ne sera de toute façon jamais l'atout principal de Defeated Sanity, mais il y a du mieux. On notera notamment les effets de décuplement et d'échos comme sur "Carnal Deliverance" qui donnent parfois un aspect schizophrénique, aliéné à l'atmosphère qui sied à merveille au nom du groupe. En parlant d'atmosphère, il faut préciser que contrairement à la majorité des groupes de brutal death stériles desquels rien ne ressort, Defeated Sanity dégage une vraie ambiance, sans utiliser à outrance des samples. On n'en trouve qu'un ou deux que se partagent "Coerced Into Idolatry" et "Blissfully Exsanguinated", bien glauques et proposant quelques scènes de découpe. Le sample final du bien nommé "Blissfully Exsanguinated" fait même intervenir violon et guitare acoustique. Excellent!
De déception au début,
Chapters Of Repugnance est passé à gros pavé addictif. C'est vrai, le manque de blast-beats au profit des slam parts a quelque peu freiné mon enthousiasme et
Psalms Of The Moribund demeure intouchable mais Defeated Sanity reste très au-dessus de la quasi totalité des groupes de brutal death US actuels. Gras, vicieux, technique, pachydermique, brutal, chaotique, élitiste,
Chapters Of Repugnance fera partie à coup sûr de mon bilan de fin d'année. Et croyez bien qu'en live, c'est encore plus énorme! Respect!
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