Severed Savior - Servile Insurrection
Chronique
Severed Savior Servile Insurrection
Il aura fallu cinq ans aux Californiens de Severed Savior pour accoucher d'un nouvel opus. Cinq putain de longues années. Mais des fois, ça vaut le coup d'attendre. Changement de line-up, changement artistique, Servile Insurrection montre un tout autre visage d'un Severed Savior qui pourrait enfin décrocher la timbale.
Brutality Is Law était déjà bien technique mais Servile Insurrection s'élève à un tout autre niveau. Beaucoup plus mélodique, plus riche et doté d'une technicité à toute épreuve, Severed Savior a sorti un disque ambitieux dont les écoutes d'Odious Mortem et Decrepit Birth entre autres ont dû fortement peser dans la balance. C'est d'ailleurs le principal reproche qu'on pourrait faire au combo originaire de San Francisco. Les influences s'avèrent trop présentes d'où une perte de personnalité et sûr que Severed Savior va se faire taxer d'opportuniste en prenant le train en marche d'un brutal death technique très à la mode en ce moment (Deeds Of Flesh n'a pas pu résister non plus). Il faut dire que le recrutement d'Anthony Trapani, frontman de...Odious Mortem, tiens donc, n'aide pas. Une fois ce point noir disparu à coups de Biactol mental toutefois, on ne peut que se délecter de ce Servile Insurrection à la pochette magnifique du très demandé Pär Olofsson.
Mais attention, la richesse, la brutalité et la complexité de la bête requièrent de nombreuses écoutes avant le domptage complet. Richesse, parce que Severed Savior n'a pas lésiné sur les idées, le nombre de riffs et la diversité mélodique. Cet aspect mélodique se retrouve autant dans les riffs que les soli (sympathiques mais pas assez longs malheureusement) et peut également prendre la forme d'intermèdes jazzy à la Spawn Of Possession ("Question" et son mini break musique de manège au début, "Fuck The Humans", "Servile Insurrection") ou d'une interlude entièrement faite d'acoustique et d'arpèges ("Intervallo Del Tradimento"). On remarquera d'ailleurs la présence de deux interludes de moins d'une minute à la suite ("Hemorrhagic Gastroenteritis" et "Intervallo Del Tradimento"). Malgré leur qualité, elles cassent un peu le rythme et auraient dû être placées autrement.
Brutalité ensuite, parce que même si beaucoup plus mélodique que ses réalisations précédentes, Severed Savior continue de maltraiter l'auditeur en jouant parfois à une vitesse folle ou en enchaînant les blast-beats, mis en exergue par une production puissante quoique trop triggée en ce qui concerne la batterie (un mal récurrent dans le genre). On regrettera aussi que ces blasts ne durent jamais assez longtemps et ne se font finalement pas si présents que ça. Mais quand ils apparaissent, ça change tout, impossible dès lors de ne pas citer ce passage à 2'14 sur "Spoils Of War" où Troy Fullerton enchaîne divinement gravity-blasts et blast-beats sur un tapping tourbillonnant de Mike Gilbert. La séquence la plus bluffante de l'opus qui vous laissera la langue pendante et le sol humide de bave.
Complexité enfin, parce que la musique de Severed Savior est une énorme masse changeante en mouvement constant et déroutant, où la basse se faufile agilement. Aux côtés de riffs véloces et mélodiques, on trouve ainsi des passages plus simples, lourds et écrasants rappelant fortement Suffocation ("Question", "Inverted And Inserted", "Rewards Of Cruelty", "Fuck the Humans", "Acts Of Sedition", "Fecalphiliac"). Des séquences jouissives permettant une plus grande efficacité et une digestion un poil plus aisée qu'on retrouve tout aussi bien sur les nouveaux titres que sur les quatre anciens morceaux réenregistrés, moins mélodico-techniques ("Fuck The Humans", "Deadspeak" et "Fecalphiliac" issus de Forced To Bleed (2001) et "Servile Insurrection" qui apparaissait sur la démo 2006). Le nombre important de riffs par titre et les changements de rythme incessants rendant quand même Servile Insurrection difficile à appréhender et réservé à un public de choix.
Severed Savior a su évoluer dans le bon sens (artistiquement et commercialement) et peut désormais prétendre à un succès plus large. Cependant, quelques défauts de fabrication font que ce produit n'est pas encore au niveau de ses prestigieux modèles, même s'il s'en approche sur bien des aspects. Quelques passages peu captivants et trop longuets diminuent en effet la qualité générale et le chant d'Anthony Trapani, relativement banal, trop essoufflé et pas assez puissant malgré une bonne élocution, handicape légèrement l'opus (le même reproche qu'on peut faire à Decrepit Birth). Plus suiveur que sauveur, Severed Savior n'est sans doute pas le messie mais il nous offre ici ce qui est sans conteste l'un des albums de brutal death les plus intéressants de l'année.
| Keyser 14 Novembre 2008 - 5414 lectures |
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