Même si sept longues années sans sortir un album et seulement un concert dans l'Hexagone tous les deux ans ont contribué à ce que Necrophagist soit aujourd'hui tombé dans un relatif anonymat au vu de sa popularité, il faut se rappeler que les teutons ont été l'un des groupes les plus tendances du milieu de la décennie écoulée. À tort ou à raison dirons certains, et le débat reste ouvert, car même au sein de la rédaction de Thrasho, pourtant à la pointe sur tout ce qui touche de près ou de loin au genre, Necrophagist déchaîne les passions, depuis Keyser qui déteste parce que c'est trop compliqué pour lui jusqu'à Thomas Johansson qui adore parce que c'est allemand comme Tankard. Ces multiples divergences d'opinion ont eu pour effet de freiner les envies de chacun de s'essayer à la chronique de
Onset Of Putrefaction et
Epitaph de peur de se faire insulter de toutes parts, et pas seulement par nos lecteurs aigris (parce que ça on s'en fout, on est habitués). Mais moi, j'aime me faire marcher dessus en étant insulté, conspué et harcelé de toutes parts – ce qui conforte dans leur idée ceux qui pensent qu'il faut être masochiste pour aimer le death technique. Je me souviens d'ailleurs de mon sentiment quand, un beau jour de 1999, au gré d'un sampler de la défunte presse metal française, j'ai pour la première fois posé une oreille sur un extrait de ce premier album de Necrophagist : « Bordel, mais qu'est-ce que c'est ? C'est nul ce truc ! » .
Inutile de vous dire qu'avec le temps, j'ai profondément révisé mon jugement en comprenant de quoi il retournait, parce que même si le techno-death était déjà passé par là, le style de Necrophagist était quelque chose de totalement inédit à l'époque, le groupe proposant alors un death technique qui ne rechignait pas sur la brutalité ! J'évacue tout de suite la querelle d'étiquette, par nature idiote et stérile mais qui évitera qu'on s'interroge sur celle que j'ai attribué à cette chronique : « Necrophagist, brutal death technique soft ou death technique brutal ? » ; je vois d'ici les néophytes en train de me lire qui doivent me prendre pour un fou… Je fais donc partie de ceux pour qui les Allemands font du death technique et non pas du brutal death technique, car malgré l'influence évidente de Suffocation, Necrophagist manque à la fois de vitesse et de brutalité pour pouvoir les rapprocher de Spawn Of Possession, Origin et leurs amis. Si l'on excepte la voix extrêmement grave même pour du death metal, il y a en effet peu de choses qui soient réellement brutales sur
Onset Of Putrefaction et encore moins sur
Epitaph, où les tempos sont même souvent inférieurs à du death metal classique. Impression de brutalité d'autant plus atténuée que Suiçmez n'est pas du genre à composer des titres linéaires : si les variations de tempo sont monnaie courante, les simples enchaînements de moments rapides et d'accalmies, code séculaire emprunté à la musique classique, sont la marque de fabrique du groupe. Côté technique par contre, il n'y a pas grand-chose à redire ! Même si, hormis sur quelques solos retors, il n'est pas horriblement compliqué de reprendre du Necrophagist (et oui, tricoter sur une guitare c'est dur, mais ça l'est moins à 10 notes à la seconde qu'à 20), en composer s'avère être une tâche bien plus complexe, et l'on ne peut qu'être admiratif devant le boulot d'orfèvre de Suiçmez qui sait vraiment imprimer sa marque de fabrique à son death metal, depuis les sonorités atypiques de la gamme mineure harmonique utilisée en quasi-permanence jusqu'à cette rythmique qui rend les titres entraînants et presque « groovy ». Même si les morceaux sont parsemés de leads et de solos magnifiques et vraiment chantants, le sieur n'a pas oublié le riff propre au headbang, rapide, trémolo/blasté et presque linéaire, autour duquel chaque morceau de Necrophagist, à l'exception des plus lents, s'articule.
Et grâce à ce sens de la composition
Onset of Putrefaction s'avère être un très bon album, dont certains riffs aux mélodies aussi bien qu'au rythme peu communs nous rentrent en tête pendant de longues heures. Et ce ne sont pas forcément les titres les plus brutaux qui marquent vraiment, je ferais même de « Intestinal Incubation » le meilleur moment de l'album, devant un « Fermented Offal Discharge » beaucoup plus énergique et dont le solo tout en enchaînements sweep/légato/tapping (ouvrez votre dictionnaire von_yaourt/lecteur si vous ne savez pas de quoi il retourne) me laisse toujours pantois d'admiration. Globalement, il y a toujours plusieurs passages savoureux qui font de cet album un incontournable du genre.
Bien entendu comment ne pas évoquer les défauts de la première édition de l'album, avec sa boîte à rythmes (qui, bien qu'encore convaincante aujourd'hui, fait bien pâle figure face à la réédition reprogrammée par Grossmann), ou sa production inégale et son chant pas toujours inspiré. Autant de défauts qui seront corrigés par une excellente réédition en 2004 qui lui offrit une qualité d'écoute digne de
Epitaph, tout ou presque ayant été réenregistré, et qui inclue même deux titres de la démo de 1995 qui permettent de comprendre l'influence du death US sur Necrophagist. Bon, même sur cette édition tout n'est pas parfait, on entend mal ou alors peu souvent la basse, hormis sur « Extreme Unction » (où elle n'est d'ailleurs pas tenue par Suiçmez) et « Fermented Offal Discharge ». Je vais par contre m'attarder un peu plus sur deux aspects chagrins qui n'engagent que moi, à commencer par le chant. Si Suiçmez est un excellent guitariste, j'avoue avoir bien du mal à apprécier son chant beaucoup trop grave pour le genre auquel Necrophagist se rattache tant bien que mal, là où la norme est plutôt au chant death plus light ou simplement classique (au sens rétro). Si sur album cela passe sans trop de problèmes malgré un manque de puissance certain qui le force à aller chercher des effets de gorge trop proches du grind, c'est en live que le bât blesse vraiment, car là où tous les parties instrumentales sont rejouées à la perfection et surtout avec une propreté hallucinante, Suiçmez voit tous ses défauts sont exacerbés et ses vocaux nuisent totalement à la musique du groupe. Mais il est un défaut moins évident et plus pernicieux qui à mon sens nivelle Necrophagist par le bas, c'est l'absence de véritables moments forts dans ses morceaux. Pas de réelle montée en puissance, pas de véritable apogée dans la mélodie ou la vitesse, la musique du groupe est en définitive assez linéaire, au sens où elle s'étage sur deux niveaux d'intensité, le faible et le fort, sans jamais graduer ni prendre le temps d'étaler la construction d'un morceau sur sa durée. Résultat, tous les morceaux se ressemblent, et passent sans véritablement que l'on ait plus de choses à dire sur l'un que sur l'autre.
Ça fait en définitive pas mal de critiques mais elles sont bien peu de choses par rapport au réel plaisir que l'on prend à s'écouter ce
Onset Of Putrefaction, dont le caractère peu commun qui séduisait déjà beaucoup il y a 11 ans séduit toujours autant, bien que d'autres groupes se soient engouffrés dans la brèche depuis. Alors bien sûr, certains vont me dire que c'est normal, c'est un premier album, par définition imparfait, mais il faut noter que c'est quand même après sept ans d'existence et quasiment autant de composition que ce premier essai de Necrophagist naquit, lui qui sonne plutôt comme un album d'un groupe chevronné. S'il y a une trace d'erreur de jeunesse à reprocher, elle se trouve donc plus du côté des vocaux que de la musique. Le vrai problème, c'est que
Epitaph, bien loin de corriger les dits défauts en apporte plutôt d'autres, ce qui fait que ce
Onset of Putrefaction, et surtout dans sa version rééditée qui a le mérite de rajouter un peu de durée à ces courtes 35 minutes, est sans aucun doute le meilleur Necrophagist à ce jour. Les prémices du déclin étaient d'ailleurs déjà visibles sur un « Extreme Unction » plutôt ennuyeux, qui aurait pu figurer sur ce second album. Mais ça, je vous en parlerai dans la chronique de
Epitaph…
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