Voilà dix ans sortait
Brutalities of Modern Domination, troisième album de Gorezone. Une branlée intersidérale de metal extrême moderne mélangeant brutal death technique, blasting death, brutal death US, slam death ou encore grind dans un amas chaotique en fusion ultra jouissif. Puis plus rien. Plus rien jusqu'à l'année dernière quand les Allemands se décidèrent enfin à sortir du neuf. C'était fin août 2019 sur Rising Nemesis Records que l'on pouvait enfin découvrir ce
Implexaeon, suite que l'on n'osait plus espérer.
Il faut souvent se méfier des groupes qui reviennent après une longue absence car la déception est souvent au rendez-vous. Sans vouloir jouer les rabat-joies, ce n'est pas l'artwork médiocre d'un Pär Olofsson que l'on a connu plus inspiré qui pouvait nous rassurer. Il a toutefois au moins le mérite de nous donner une indication sur la thématique cyber-futuriste de l'opus, tout comme son titre
Implexaeon. Côté line-up, Gorezone s'est recentré sur son noyau dur, le guitariste fondateur et maître-à-penser Markus Cabrera-Krügel ainsi que le batteur Ole Fink. Deux membres de session viennent épauler le duo, le chanteur Christoph Madarasz qui posait déjà ses backing vocals sur
Brutalities of Modern Domination et le bassiste Ingo Neugebauer qui officie également à la batterie et à la guitare sur le premier Mære récemment chroniqué sur le site.
Alors ce nouveau Gorezone réédite-t-il l'exploit réalisé il y a plus d'une décennie ? Bien sûr que non mais ça, on s'en doutait déjà un peu. Inférieur à
Brutalities of Modern Domination ne signifie néanmoins pas que
Implexaeon pue de la gueule. Il s'avère même plutôt bon, voire très bon. Et ça, en soit, c'est déjà satisfaisant. Ce qui déçoit en fait, ce n'est pas que ce nouveau disque n'arrive pas à la hauteur de son grand frère. C'est plutôt l'accumulation de différentes choses. En premier lieu, le style des Allemands, bien que toujours reconnaissable, se fait moins varié, plus typiquement brutal death technique moderne. Avec Origin en influence principale, flagrant sur certains passages qui auraient pu sortir tout droit d'un album des Américains (début de "Haloworm Gargantuan", "Aeon Ephemeral" et "Quasar, Swallower of Light and Matter" à la première minute, etc.). On peut aussi évoquer des combos comme Desecravity, Cryptopsy, Wormed, Beneath the Massacre ou encore Internal Suffering. Pas forcément une mauvaise chose mais Gorezone perd un peu en personnalité. L'autre reproche et là ça tient carrément du foutage de gueule, la durée. Sept morceaux pour même pas une demi-heure. Après dix ans d'absence, ça fait léger ! D'autant que chaque morceau commence et finit par le même type de sample cyber-futuriste inutile dont certains s'étendent sur plusieurs dizaines de secondes (ouais ouais je sais, c'est pour le climax ...). Le morceau "Panzerterror", le plus court de l'opus (2'05), termine à 1'46 pour laisser la place à un sample. C'était pas déjà assez court ?!
Une fois cette belle enfilade digérée, force est d'admettre que
Implexaeon reste tout de même de haut niveau. Certaines séquences, les plus bourrines/rapides/techniques, s'avèrent carrément jouissives. Appréciable que malgré les années et les albums toujours plus bourrins qui passent on peut encore rester bluffé à l'écoute de tel ou tel passage. À se demander si ce ne serait pas plutôt les extraterrestres biomécaniques de la pochette qui auraient enregistré l'album !? C'est que la brutalité dégagée et l'impression de chaos maîtrisé paraissent parfois inhumaines ! Les Teutons passent en effet le plus clair de leur temps à balancer des rafales de blast-beats supersoniques voire des gravity-blasts à une vitesse qui dépasse l'entendement. La production surboostée (un peu trop robotique et froide d'ailleurs mais elle colle à l'atmosphère) et le travail en studio y jouent pour beaucoup cela dit, pas sûr que le résultat soit le même en live. Mais ne boudons pas notre plaisir parce que putain que ça fait du bien ! Des plus intenses et éreintants,
Implexaeon vous laissera en PLS. Pas seulement par sa vitesse de jeu. Par sa technicité et la difficulté à suivre ce qu'il se passe, aussi. Changements de rythmes incessants, instruments toujours au bord de la rupture, riffs tarabiscotés, sweeps ultra rapides, basse serpentante, tornade de vocaux alternant growls et shrieks, harmoniques sifflées fréquentes, on est pris dans la tourmente sans comprendre tout ce qui nous arrive si ce n'est qu'on apprécie la torgnole. Peut-être pas plus mal finalement que l'œuvre se coupe avant trente minutes ! Alors c'est sûr, la musique manque d'accroche la plupart du temps. Difficile de retenir quelque chose dans ce déluge de violence même si on ne peut pas nier l'efficacité radicale de la bête. La formation d'outre-Rhin a tout de même été sympa en plaçant quelques tremolos mélodiques et autres riffs plus mémorisables et en aérant de temps en temps ses compositions par des ralentissements. Souvent des breakdowns aux riffs huileux bien gras typés brutal death US, quelques fois introduits par du bass drop, qui se révèlent fort bienvenus, apportant une dose de groove qui tâche. Pas convaincu par contre par certains épisodes saccadés, plaie du metal extrême moderne.
Au bout du compte, ce quatrième album de Gorezone partage pas mal de points communs dans mon ressenti avec celui de leurs compatriotes d'Orphalis sorti sur le même label et chroniqué la semaine dernière. Les deux restent dans l'ombre de leur prédécesseur (surtout
Implexaeon) tout en gardant suffisamment de qualités et d'intérêt pour demeurer dans le haut du panier brutal death.
Implexaeon a beau décevoir par sa durée ridicule, ses samples superflus et son approche plus classique, ça n'en fait pas moins un album de brutal death technique qui mérite que l'on s'attarde dessus. Rien que pour ce côté débridé jubilatoire à mort. Et tant pis s'il sonne plus comme un coup d'un soir de par son éphémérité et son manque de mémorabilité que comme une relation longue durée (putain que j'ai pu le poncer le
Brutalities of Modern Domination à l'époque !) ! Fans d'Origin et plus généralement de déflagrations sonores qui partent dans tous les sens à base de blasts, de gravity et de cassures rythmiques,
Implexaeon devrait vous donner quelques frissons de plaisir !
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