Deeds Of Flesh - Portals To Canaan
Chronique
Deeds Of Flesh Portals To Canaan
Mine de rien cela fait déjà cinq ans qu’est sorti l’excellent « Of What’s To Come », septième album de Deeds Of Flesh qui avait trôné sur le podium de nombreux fans de death metal en cette année 2008. Bizarrement, difficile pourtant pour moi de vous dire que j’attendais son successeur avec une impatience infinie. Est-ce un certain degré de blasement, les variations de line-up suspectes ou simplement des extraits bons mais sans grande valeur ajoutée au premier abord ? Je n’en sais rien, mais ce qui est sûr c’est que « Portals To Canaan » a profité d’une petite pause chroniquatoire personnelle pour tourner, tourner et retourner encore dans mon lecteur CD… Et si les premières écoutes semblaient confirmer un album bien mais sans plus, le temps joua en sa faveur et finit par me révéler une rondelle qui viendra en définitive faire jeu égal avec son ainé.
Si certains avaient, il y a cinq ans, pointé du doigt le groupe semblant prendre en marche un train brutal death technique en pleine expansion, rares étaient ceux qui avaient remis en cause la qualité intrinsèque d’ « Of What’s To Come ». Globalement « Portals To Canaan » persévère dans la même voie, même si quelques subtilités n’échapperont pas aux plus attentifs. Ce n’est en tout cas pas l’artwork toujours signé Raymond Swanland qui marquera la plus grande différence tant on demeure ici dans le même esprit scientifico-post-apocalyptico-futuristico-intersidéral avec beaucoup d’aliens. Une bien belle pochette s’il en est qui colle probablement parfaitement aux thèmes abordés par Erik Lindmark dans ses textes, malheureusement la police d’écriture proche du supplice visuel m’empêche de vous en dire davantage, j’ai épuisé mon stock de triptans. Si la continuité est de mise ici, le personnel a quant à lui subit un remaniement sans précédent puisque les Californiens ont accueilli deux nouveaux membres : exit donc Erlend Caspersen (dommage !) et Sean Southern (retourné à son ancien groupe Anonyme-A) remplacés par Craig Peters (ex-Arkaik) à la guitare et Ivan Munguia (Arkaik, Brain Drill, Insanity) à la basse. Si le départ de Sean Southern passera totalement inaperçu, on ne peut que déplorer le départ du plus grand bassiste death metal actuel qui, même si son remplaçant est loin d’être manchot, avait illuminé de son jeu génial la précédente offrande du combo. Mais quand bien même 50% du line-up est nouveau, la musique de Deeds Of Flesh n’en reste pas moins reconnaissable entre mille et ce dès les premières notes de « Admist The Ruins ». On retrouvera donc ici les riffs saccadés portant, même dans leur évolution plus technico-mélodique, la marque tellement identifiable d’Erik Lindmark avec leurs petites dissonances. Ces derniers sont une fois de plus travaillés aux petits oignons : techniques sans trop en faire, mélodiques tout en restant extrêmement incisifs, difficile de faire la fine bouche. D’autant plus lorsque les riffs sont accompagnés et pigmentés de mélodies aux accents spatiaux (le début de « Admist The Ruins », « Entranced In Decades Of Psychedelic Sleep » à 2’14 repris à 4’48 avec ces petits samples, « Portals To Canaan » à 3’40), on sent qu’un effort particulier a été fait sur l’ambiance générale de l’album et c’est une franche réussite, peut-être l’un des points sur lesquels « Portals To Canaan » surpasse d’emblée « Of What’s To Come ». Les quelques interventions solistes assez pertinentes de Craig Peters se fondent d’ailleurs parfaitement dans l’ensemble (celui à la fin de « Xeno-Virus » est particulièrement bon) même si le gus semble encore quelque peu sur la réserve, ses interventions au premier plan se faisant assez brèves dans l’ensemble. Plus difficile en revanche pour Ivan Munguia de succéder à Caspersen. Si sa prestation est loin d’être décevante, elle est d’emblée atténuée par une production qui ne lui rend pas forcément la tâche facile et semble dès lors moins clinquante que sur le précédent. Plus rares sont les moments où la basse se faufile entre les guitares pour venir se la jouer en solo, dommage.
Si « Portals To Canaan » reprend en gros les mêmes ingrédients que son prédécesseur on sent pourtant que la balance brutalité/mélodie s’est sensiblement rééquilibrée et bien qu’il reste plus mélodique et moins monolithique que les débuts du groupe, il n’en demeure pas moins un album bien brutal, grâce notamment à un Mike Hamilton frappant toujours aussi fort et juste. Toujours oublié lorsque l’on parle de batteurs extrêmes, le gus lamine une nouvelle fois son kit avec une précision chirurgicale. C’est clair, net et sans fioritures mais qu’est-ce que ça avoine ! Et quand Mike lâche le mode mitraillette c’est pour nous balancer de bons gros breaks bien lourds (« Rise Of The Virvum Juggernaut » à 2’28, « Xeno-Virus » à 4’00) sans oublier quelques moments parmi les plus groovy que nous ait offert Deeds Of Flesh jusqu’ici (« Rise Of The Virvum Juggernaut » à 20’’, « Celestial Serpents » à 1’25, « Hollow Human Husks » à 42’’).
Mais malgré une ambiance globalement très réussie, on déplorera toutefois quelques longueurs qui représenteront le principal point noir d’un opus sinon hautement recommandable. En effet certains samples trainent un peu (le début de « Celestial Serpents ») et l’interlude « Caelum Hirundines Terra / The Sky Swallows the Earth » (composée par Fabiano Penna Corrêa, ex-Raebelliun et ex-The Ordher) est d’un intérêt très limité, les mélodies qui parsèment l’album s’avérant bien plus efficaces que n’importe quel sample utilisé ici. En dehors d’une basse qui aurait mérité un peu plus de considération à mon goût, la production offre quant à elle plus de puissance à l’ensemble (écouté à un volume suffisant) notamment à la batterie, les guitares sonnant de manière plus sèche que sur « Of What’s To Come ».
« Portals To Canaan » aurait parfaitement pu trouver sa place entre « Crown Of Souls » et « Of What’s To Come », poursuivant le virage technico-mélodique engagé par ce dernier tout en retrouvant une brutalité plus affirmée. Se terminant sur une reprise du « Orphans Of Sickness » de Gorguts assez fidèle à l’originale (les Canadiens n’ont jamais été un de mes groupes de chevet), ce nouvel opus moins immédiat que son prédécesseur se révèlera au fil des écoutes (un grower comme disent les initiés) et finira par lui tenir tête. Une belle surprise que je n’attendais pas forcément.
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