Quoi de mieux pour accompagner son premier album qu'un concept sur le début des temps ? Avec
Celestial, Isis se la joue Big bang et création. Le contexte a malgré tout son mot à dire : les Américains se situent ici à cheval entre la noirceur de leurs réalisations précédentes et le prog' de coreux binoclard que l'on rencontrera avec
Oceanic.
Celestial est chaud, menaçant, préhistorique et post hardcore. Il raconte les origines des inventions humaines faites d'essais, de trébuchements et d'élévations à travers la construction d'une tour, rapprochée de l'image de la mère. La musique se fait le corps de cet édifice démantelé, recréé et finalement détruit (pour ce dernier point, il faudra cependant attendre l'EP
SGNL>05 qui se veut la suite et fin du récit de
Celestial) : les guitares sont lourdes et jouées à ras du sol, le mammouth s'écrasant de tout son poids dès le morceau éponyme (et je ne vous parle pas de la fin de « Deconstructing Tower », où il appelle ses camarades à la rescousse pour t'enfoncer), la batterie préfère le tom savamment frappé à une rythmique développée (« Glisten » et sa légère accélération si bien amenée qu'elle fait passer un mid-tempo pour un tsunami) et Aaron Turner s'égosille comme il ne le fera plus par la suite, d'une manière particulière, tellement poussive qu'elle en devient écorchée. Ajoutez à cela une signature sur le label Neurot Recordings et vous comprendrez pourquoi on les a affublés à leur commencement du doux sobriquet de « Neurisis » !
Et pourtant, ce cloisonnement est bien réducteur, surtout que cela revient à passer sous silence les quelques réminiscences Godfleshiennes que l'on peut rencontrer au détour d'une rythmique martiale ou d'un collage de son brumeux et lancinant. Si le désert esseulé pourra rappeler l' « autre » groupe « culte » (vive les guillemets), le goût déjà prononcé pour les microclimats et les épanchements de notes fera bouger la tête de gauche à droite et vice versa pour dire « non » ! Non, car il y a « Collapse And Crush » d'une force mélancolique qu'un bon écolier ne peut sortir, même avec toute l'envie de copier le maître. Non, car la fin de « Gentle Time » est un mariage parfait entre deux guitares, l'une à la puissance, l'autre à la lead montante, pour un résultat fiévreux qui fait remonter les épaules et vibrer les narines après les parpaings que tu t'es enquillé comme on court un cent mètre. Et encore non, car l'intelligence de la tracklist fait suer pour mieux respirer, le temps de courtes plages ambiants intitulées « SGNL », et l'agencement des compositions, à première vue casse gueule avec ses sables mouvants et ses tornades (comme le démarrage de « Deconstructing Tower », une vraie machine à laver après la chape de plomb de « Swarm Reigns »), permet de maintenir l'attention durant ce déluge qui pourrait devenir vite fatiguant. Enfin, il y a ces imperfections, ce grain sale de la production, ce côté « on se cherche encore mais quelque part on a déjà trouvé » et un sentiment d'urgence naissant de cette subtile sauvagerie qui laissent penser que le petit est déjà grand.
Je n'aimerais pas découvrir Isis maintenant, alors que tout le monde les a pompés jusqu'à la moelle. Je n'aurais sans doute pas su voir l'originalité de cette œuvre qui a maintenant des allures de manifeste. Avec
Celestial, le groupe parle d'une tour et interprète à sa façon ce thème. Mais ce qu'il ne prévoyait pas, c'est que ce chaos ambiancé allait devenir le point d'attraction de toute une scène. En fait la tour, celle qui éclaire et montre la voie comme un phare, c'est lui.
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