Nasum, ou le Grind qui a la classe. La disco du groupe (4 albums) peut être décomposée en deux parties : les débuts « relentless grinding fury » d' « Inhale / Exhale » et « Human 2.0 » ; puis à partir d'
« Helvete » une amorce vers quelque chose de (légèrement) plus mélodique, ce que ne fait que confirmer « Shift », réussissant à mon sens bien mieux le challenge relevé par son prédécesseur.
Question format, Nasum est fidèle à lui-même : une tripotée de titres, aussi courts que nombreux (c'est fou pour du Grind…sic). En résulte un album ultra compact, pas vraiment une surprise si l'on suit le groupe depuis ses débuts. Mais compact ne signifie pas indigeste, et c'est là que Nasum a toujours su tiré son épingle du jeu : bien que suprêmement bourrin et sans compromis, le Grind à la Nasum a toujours cette petite étincelle de génie dans l'agencement des riffs et des morceaux qui rend un déferlement sonore de 37 minutes presque plus digeste qu'un seul titre rempli à craquer de riffs en tous sens. Et pour un amateur pas spécialement éclairé ni preneur du genre grindisant, qui préfère sa brutalité plus mortel (death) ou sombre (black), me faire aimer un album du début à la fin est un sacré exploit.
Je parlais de mélodies un peu plus tôt, risquant directement l'excommunication pour sacrilège auprès de la communauté grindisante : so what. Je n'invente pourtant pas la présence certes étonnante d'un court et relativement bon solo sur « The Engine of Death », une idée reprise dans une version plus chaotique (Slayer like) en guise d'intro de « Closer to the End ». Et quand la mélodie ne vient en lead, elle s'immisce dans le riffing de Mieszko ; il n'aura en effet échappé à personne que « The Deepest Hole » et « Fury » ont une sensibilité toute suédoise, qui ne détonne pourtant pas du reste (à base de blasts je précise pour ceux qui baillent au fond). Bon, évitons quand même de faire trop semblant d'être étonné, ce n'est pas comme si Nasum ne nous avait pas déjà fait le coup en 2000 avec le tubissime « Shadows » sur « Human 2.0 ».
Maintenant que la spécificité de 4-5 titres à tout péter a été clairement pointée du doigt, je peux confirmer que la vingtaine de titres restants a de quoi déchausser la mâchoire de bien des apprentis bruitistes. Que ce soit dans un format ultra court à la old Napalm Death (« Cornered », « No Paradise for the Damned ») ou tirant au-delà de la minute pour prolonger le plaisir (« Like Cattle »), Nasum sait toujours faire parler la poudre. Je remarque quand même avec délectation une présence presque incongrue de passages très entraînants, aux limites (attention je lâche une bombe) de la mosh part. Cela se distingue nettement sur des titres comme « Wrath » (qui eut les honneurs d'un clip d'ailleurs), « The Smallest Man » (et son mythique « You're such a WHOOOOORE » j'aime quand tu me parles crûment Mieszko !) ou bien l'entraînant « Fight Terror with Terror », au refrain particulièrement écrasant qui me ferait presque oublier de parler de ce break intimiste, où larsens et notes harmonisés sont laissées à planer plus haut que terre.. Quand je vous dis que Nasum est un groupe à part…
J'ai rédigé cette chronique au présent afin de ne pas tomber dans le pathos, on sait tous ce qui est arrivé quelques mois plus tard à Mieszko Talarczyk. Il n'est pas facile de se dire que « Shift » n'aura jamais eu de successeur, tant Nasum approchait ici du pinacle de son art, celui de rendre le Grind un peu plus ouvert vers le monde extérieur. A mon sens une incroyable réussite, donnant en rétrospective à
« Helvete » l'image d'un simple brouillon, « Shift » est l'album que je retiens en priorité de la disco de Nasum, et constitue un putain de plaisir à réécouter encore et encore. Une purge sonore dans tout ce qu'elle a de plus intelligemment édifiée.
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