[ A propos de cette chronique ] Le retour des « durs de France » accouchés dans la crasse en 2001 aura suscité beaucoup d’enthousiasme et également beaucoup de railleries dix ans (déjà !) après leur fondation. Alors que les vents faisandés de louanges et que les lauriers en carton pâtes se sont un peu estompés, éclipsés par des sorties plus intéressantes que celle dont il est question ici,
L’Ordure à l’état Pur méritait quand même que je me repenche dessus. Rappelez vous mai… certains criaient au génie pur ou lustraient les pompes de Famine en démontrant par la même la profondeur de leur gorge, comme on a pu le voir avec tous ces commentaires assez comiques sur le site/label/livre d’or/garage à bites/on ne sait trop quoi/ monté par le fondateur du groupe pour l’occasion, La Mesnie Herlequin… d’autres continuaient, depuis
La Sanie des Siècles - Panégyrique de la Dégénérescence, à considérer PESTE NOIRE avec mépris, avançant que le groupe a perdu tout son talent depuis ce disque. On s’en cogne, l’homme derrière le célébrissime combo d’Avignon et ses faire-valoir font fi de tout et continuent leur provocation à grands coups de vers tantôt pédants à en crever, tantôt franchement drôles et gras, tantôt vraiment lourdingues : n’étant convaincu ni par sa campagne de publicité « moderne » rondement menée, il faut bien l’admettre, ni par un disque que j’avais complètement dégueulé à sa sortie il y a quelques mois, je gageais que le recul me ferait apprécier différemment cette galette à la pochette et au livret fièrement tricolores, ainsi qu’aux esquisses ragoûtantes et très poilantes qu’elle contient.
Outre ces traits extra-musicaux qui font d’eux une entité encore plus unique avec cette Ordure, les craspecs de PESTE NOIRE dégainent leur arbalète en revenant « explobaiser la raie publique » à grand coup de paroles croustillantes et jouissives, de fist fucking vengeurs et de carreaux nationalistes puissants et burnés sur le papier. Oui, les français cèdent ici complètement à la folie qui a toujours habité leurs disques finalement…
L’Ordure à l’état Pur n’est rien de moins qu’un accomplissement, venu parachever une suite logique d’hymnes gouailleurs à la France avec un très grand F. J’ai toujours apprécié ce côté nationaliste, fédérateur de paroles exaltantes, chez PESTE NOIRE et ce malgré une façon de composer qui ne me parle absolument plus depuis quelques années, à l’image de
Ballade Cuntre lo Anemi Francor que je n’avais pas du tout aimé malgré ses passages brûlants (« A la Mortaille ! » ou la sympathique mais trop tronquée reprise du terrible hymne maurrassien « La France Bouge » en guise d’ambiance ravageuse). PESTE NOIRE me donne depuis quelques années l’impression d’un groupe qui ne peut plus bander, qui ne peut plus composer un riff prenant et pernicieux sans le gâcher avec une espèce de fanfaronnade inutile. Même punition, même motif pour
L’Ordure à l’état Pur : si les paroles, fort bien écrites, assez intenses ou même bien drôles par moments, me plaisent pas mal, la musique, elle, n’est vraiment pas au niveau. Alors oui, techniquement, les mecs sont parfaits : les guitares agrémentées de quelques solos bonnards, copulant avec une basse lourde et chaude et une batterie nickel chrome ne méritent aucun reproche. La production est impeccable, très professionnelle et met parfaitement en valeur les coups de bambous du toto au béret : absolument rien à redire là-dessus. En revanche, la voix de Famine, tout à fait atypique, peut devenir vite insupportable, et c’est le cas sur ce disque. Sa façon de vomir des textes tantôt amusants, tantôt touchants et tantôt complètement puérils est très pénible : ce timbre instable a de quoi déranger… cela aurait pu être efficace sur un album honnête, mais ici, c’est juste très lourd !
Ce disque, très inégal, a donc beaucoup trop de défauts et de faiblesses à mon goût. « Casse, Pêches, Fractures Et Traditions » attaque pas mal pourtant, mais s’essouffle bien trop rapidement pour avoir une quelconque portée, le passage « dansant » tombant comme un cheveu pelliculé à mort sur une soupe dégueulasse. C’est « Cochon Carotte Et Les Soeurs Crotte » qui coule le bouzin dès le début, on a là une grosse fiente (un gros foutage de gueule ?) qui semble devoir se concevoir comme du Black Metal qu’on pourrait s’infliger dans les bals populaires de campagne, au milieu des mal-baisées en talon haut et des crapauds morts d’amour en jogging Le Coq Sportif à la recherche de la première occasion pour tremper leur biscuit. Musicalement, c’est vraiment à chier… on retiendra quand même les tordants « SALOPE ! BEDAINE A FOUTRE ITINERANTE ! » qu’on gueulera à l’occasion avec trois grammes d’alcool dans le sang.
L’Ordure à l’état Pur, de toutes façons, c’est clairement l’album franchouillard et nombriliste qu’on écoute la main dans le slibard, cherchant les restes de sa virilité, une bouteille de piquette à un euro à la main et un tube de vaseline dans l’autre, tout en regardant « Secret Story » avec une grognasse pleine de cellulites, en regrettant ses jeunes années pleines de coups d’un soir excitants.
« J’avais rêvé du Nord », représente quand même le moment fort d’un disque beaucoup trop surestimé. Là, oui, sous fond de paroles exaltantes et touchantes (« Toi Métal Noir dont soudain, j’ai emprunté les ailes / D’immense corbeau boréal / Pour m’arracher bien loin, vers de plus nobles citadelles ! ») qui restent également assez comiques et pernicieuses (« Fortune a dicté qu’on m’asseye / A deux pas de Fos la septique… »), le morceau décolle et emporte l’auditeur lors de quelques moments puissants (« Entends-tu ce bruit sourd qui commence ? C’est l’appel du royaume de France ! ») vers une ambiance plus tragique et prenante mais des passages un peu longuets viennent rapidement rabattre l’atmosphère de ce morceau dans la médiocrité inhérente à cette Ordure. « J’avais rêvé du Nord », ou le verre de grand crû éventé au milieu d’un album indigeste par bien des points.
L’Ordure à l’état Pur, opus étouffé dans une pédanterie crachée au visage de tous, file vraiment la chiasse, une coulante insistante dont on mettra plusieurs jours à se débarrasser. Certes, quelques bon riffs viennent agrémenter cette sauce un peu daubée, notamment le passage central de « Sale Famine Von Valfoutre », mais le disque tire vraiment en longueur, élément fatal qui se combine à un manque criant de puissance et de niaque. Le fiel déversé par PESTE NOIRE via son Ordure n’a guère que quelques passages qui méritent l’attention des badauds qui poseront l’oreille dessus, car les avignonnais se perdent bien trop souvent dans un compost bordélique, éculé et franchement mauvais, à l’image du morceau « La Condi Hu », qui se paume à son commencement dans une ambiante larmoyante absolument ridicule, contrastant avec le ton général et traînant vraiment en longueur, ou du passage fantaisiste sur « Casse, Pêches, Fractures Et Traditions ». Bien des passages sont fades et ratés : trop souvent, Famine veut en mettre plein les mirettes avec ses riffs de guitare tirés par les cheveux et ses structures décousues, de même que ses passages acoustiques clairement soporifiques… et on se lassera aisément de toute cette mascarade. Finalement,
L’Ordure à l’état Pur, c’est comme quand on se mate un nanar avec des potes, on rigole bien, mais on regarde l’heure en espérant vite passer à autre chose parce-qu’on se fait quand même bien chier. Cet opus a tout du pet de drosophile dans le vent qu’on aura tôt fait de ranger pour ne le ressortir que très rarement, par exemple pour les fêtes de village, pour espérer serrer quelques pouffiasses, ou pour les apéros pinard sauciSSon qui tourneraient vite au biturage en règle.
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