Day Of Suffering - The Eternal Jihad
Chronique
Day Of Suffering The Eternal Jihad
Si certains d'entre vous connaissent le mouvement Straight Edge, tous ne connaissent pas sa déclinaison hyper radicale qui a pris forme à travers le mouvement Hardline. Initié au début des années 90 sous l'impulsion de Sean Muttaqi du groupe Vegan Reich, le mouvement s'est ensuite développé petit à petit au sein de la scène Hardcore avant de finalement battre de l'aile et de se détacher complètement de son affiliation avec l'univers de la musique. Si le mouvement Hardline reprend certaines bases du Straight Edge (pas d'alcool, pas de drogue, pas de sexe en dehors d'une relation suivie), il y inclut également d'autres principes comme le respect de la nature, de la vie humaine et animale. Par conséquent les hardliners ne consomment que des produits issus de l'agriculture biologique et surtout aucun produit d'origine animale. Un autre point important est finalement sa vision très conservatrice à propos du sexe, se rapprochant ainsi de certaines mouvances religieuses plutôt radicales au sujet de l'homosexualité et de l'avortement. Pourquoi est-ce que je vous parle de tout ça aujourd'hui? Et bien tout simplement parce que comme je l'ai évoqué un peu plus haut, le mouvement a été assez suivi dans la scène Hardcore. Et parmi les groupes qui ont adhéré à cette mouvance, on trouve les Américains de Day Of Suffering.
Formé en 1994 en Caroline du Nord sous le nom de Falling Down, Day Of Suffering n'a pas été actif très longtemps. En 1995 le groupe sort un premier 7" intitulé Life Before Machine avant de poursuivre deux ans plus tard avec son premier album intitulé The Eternal Jihad qui marquera les derniers jours du groupe puisque Day Of Suffering se séparera peu de temps après. D'abord paru sur le label de Kurt Schroeder, Catalyst Records, l'album a ensuite été réédité en 1998 par le label Allemand Lifeforce avec en bonus les quatre titres du 7".
Apparenté à la scène Hardcore, Day Of Suffering n'en conserve pourtant que peu d'éléments. La musique proposée par le groupe s'oriente davantage vers un mélange de Death Metal et de Thrash que de Hardcore au sens classique du terme. Et si à l'époque on pouvait parler de Deathcore sans risque de se faire rire au nez, je n'ose pas aujourd'hui définir la musique de Day Of Suffering de la sorte tellement le terme est devenu putassier. Pourtant c'est bien ce qu'il ressort à l'écoute de ce premier et unique album. Au-delà du message délivré par le groupe auquel on peut décider d'adhérer ou pas, The Eternal Jihad est un album véritablement situé à la croisée des chemins. Pourtant, cette ambivalence n'est dans un premier temps pas si évidente à relever. L'essentiel de The Eternal Jihad étant tout de même tourné vers un Thrash assez virulent qui n'est pas sans rappeler Slayer et Metallica. Le riffing très incisif, les leads sombres et menaçants ainsi que la batterie peu avare en double pédale ou en blasts marquent définitivement le côté Metal de Day Of Suffering. Et à ce petit jeu là, il faut bien reconnaitre que le groupe est d'une efficacité sans commune mesure. Pour s'en convaincre, pas besoin de parcourir l'album dans son intégralité, il suffit de survoler le premier morceau qui reflète déjà assez bien le disque dans sa globalité. Passé les quinze premières secondes extraites du célèbre discours de Malcom X, Day Of Suffering offre déjà une bonne idée de ce à quoi s'attendre. Que ce soit ces riffs menaçants (0:17, 0:45, 1:30), cette batterie qui ne cesse de cavaler (0:25, 1:40) ou ces changements de rythmes à vous déboîter la nuque (0:53, 2:13, 3:15), on retrouve l'essentiel de la recette du groupe de Wilmington. Une recette déployée sur l'ensemble des huit morceaux qui constituent cet album (les quatre issus du premier 7" étant un peu à part) avec des titres vraiment hyper efficaces comme le redoutable "Shades Of Red" et son intro bien brutale, "Engulfed In Darkness" et ses accélérations jouissives ou encore le très Thrash "Condemned To Fire" et ses leads maléfiques (0:32).
Et le Hardcore dans tout ça? Et bien comme je vous le disais, les influences sont tout de même moins perceptibles. Day Of Suffering faisant parti de ces groupes du milieu des années 90 ayant mélangé les genres en ajoutant surtout une bonne grosse dose de Metal à son Hardcore. Si on s'attache dans un premier temps aux paroles, il est alors très facile d'associer Day Of Suffering à la scène Hardcore et surtout à la mouvance hardline: "Shades Of Red" et ses paroles sur l'exploitation animale, "Elegy" qui traite de l'avortement, "Engulfed In Darkness" et "Visualize Industrial Collapse" de l'industrialisation à outrance... Musicalement, cela est déjà moins évident. Les seuls réminiscences sont selon moi le chant crié et haineux de John Chafin et les nombreux breaks qu'on peut retrouver tout au long de The Eternal Jihad. En fait, il faut se pencher sur les quatre titres supplémentaires proposés en guise de bonus sur cette réédition pour bien cerner et l'évolution et les influences Hardcore. Déjà la production y est moins enthousiasmante. On sent davantage le poids des années sur cet enregistrement que sur l'album pourtant enregistré seulement un an plus tard. Tout y est plus bancal, un peu moins efficace et surtout moins prononcé. Les riffs sont beaucoup moins tranchants, voir presque anecdotiques alors que rythmiquement on est plus sur du mid tempo que sur des rythmiques Thrash entêtantes. Et puis la voix est nettement moins agressive. Attention, ces quatre morceaux sont loin d'être mauvais mais on n'y retrouve pas le Day Of Suffering incisif et sinistre de The Eternal Jihad. On est donc ici plus proche d'un Edge Metal certes bien fichu mais pas non plus totalement convaincant.
Tout amateur de Hardcore à forte tendance metallique se soit donc impérativement de connaitre, voir même de posséder, cet album. Car si la scène Belge à pas mal œuvré à la fin des années 90 pour proposer une autre vision du Hardcore, plus froide, plus agressive et moins "posi", il ne faut pas oublier que les Etats-Unis ont également eu leur lot de groupes majeurs. Et Day Of Suffering est définitivement de ceux-là. The Eternal Jihad est un classique qui a marqué son temps mais qui ne doit pas être ignoré aujourd'hui. Un album intense et puissant qui a ravi et continue de ravir les plus chevelus de la scène Hardcore.
| AxGxB 30 Janvier 2012 - 3928 lectures |
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