La scène thrash allemande et moi, c'est un peu je t'aime moi non plus. Prenons les trois grands vétérans de la scène. Kreator: j'aime les débuts puis un album sur deux. Destruction: seuls les trois premières sorties sont dignes d'intérêt. Sodom: jamais accroché plus que ça. C'est pourquoi j'éprouve une certaine affection pour les combos teutons old-school de "seconde zone" qui n'ont jamais démérité malgré une certaine confidentialité comme Deathrow, Exumer, Darkness, Assassin ou... Necronomicon. Propriétaires des deux premiers albums des Allemands,
Necronomicon (1986) et
Apocalyptic Nightmare (1987), j'avais bien accroché à leur thrash rugueux malgré le côté Destruction du pauvre. Mais je n'ai pas été plus loin dans l'exploration de la discographie du groupe. Quand on m'a proposé de m'occuper du nouvel opus, je me suis dit que c'était l'occasion de voir ce que devenaient ces vieux machins, tout en restant convaincu que ça ne devait pas voler plus haut que les sorties récentes de leurs anciens maîtres Destruction. Quelle ne fut donc pas ma surprise dès la première écoute de ce
Invictus!
Car Necronomicon a bien évolué. Il faut dire qu'il s'en passe des choses en 25 ans et que le guitariste/chanteur Volker "Freddy" Fredrich reste le seul rescapé du line-up originel. Pas étonnant dès lors que le Necronomicon de 2012 n'ait plus grand chose à voir avec le Necronomicon de 1987 si ce n'est qu'il joue toujours du thrash metal. Mais un thrash metal désormais plus sage et policé (un peu trop peut-être d'ailleurs). En terme de production déjà, fort logiquement, puisque le quatuor s'est offert un son moderne puissant. Puis surtout en ce qui concerne la musique, le combo ayant intégré pas mal d'influences heavy dans son jeu, le rendant plus proche de la scène Bay Area, comme l'était devenu Destruction. Et en parlant de Destruction, Necronomicon ne sonne aujourd'hui plus du tout comme un clone. La transformation la plus flagrante est le chant de Freddy qui se fait plus "chanté" et ne singe plus celui de Schmier. Un bon chant aux intonations plus variées et personnelles et donc une évolution bien gérée de ce côté là. J'apprécie tout particulièrement les mélodies de voix de la très catchie "Thoughts Running Free". Les Teutons auraient par contre pu éviter les backing vocals pas vraiment convaincants qui parsèment l'opus ("Unconquered", "Face To The Wall", "Before The Curtain Falls"), certaines superpositions vocales maladroites ("Unleashed") ou les
Invictus risibles répétés sur la fin en fade out du titre d'ouverture "Invictus". Rien de bien encombrant toutefois.
Le jeu de guitare va dans le même sens que le chant plus soft et travaillé. Necronomicon nous offre ainsi tout un tas de bons riffs thrashy assez mélodiques qui rentrent facilement en tête ("Invictus", "Unleashed", "Unconquered", "Upon Black Wings"). L'aspect mélodique est complété par des solos de shredders savoureux au feeling certain ("Invictus", "Bloody Bastards", "Upon Black Wings", "Pandora's Box", "Before The Curtain Falls"...). Des leads aussi solides que les rythmiques puisqu'alternant les cavalcades thrash et les mid-tempos headbangants, les compositions s'avèrent des plus efficaces, avec tout que qu'il faut pour passer un bon moment même si je n'aurais pas été contre davantage d'accélérations. On peut scinder l'album en deux parties, en commençant par les six premiers morceaux, les plus bandants. Dommage que Necronomicon joue ses meilleures cartes dès le début car la suite, sans être mauvaise, prend du plomb dans l'aile, du coup. "Face To The Wall", malgré une intro d'arpèges agréable et de bonnes lignes de chant, peine à décoller par manque de parties de tchouka-tchouka et de riffs percutants. "Pandora's Box" confirme la baisse de régime qui va se poursuivre avec "Before The Curtain Falls", power-ballade à base d'acoustique et de violon pas franchement indispensable si ce n'est pour le solo somptueux. Quant aux deux derniers morceaux, c'est du réchauffé! "Possessed By Evil" est une nouvelle version, retravaillée et ré-enregistrée, d'un morceau de l'album éponyme de 1986. Une version correcte mais en-dessous de l'originale bien plus jouissive et sauvage. Et puis de toute façon, je déteste ce principe gerbant de ré-enregistrer des vieux titres.
Invictus se termine sur une interprétation acoustique de "Possessed Again", titre de l'album
Construction Of Evil en forme de comeback après plusieurs années d'absence. Plutôt sympathique et accrocheur mais on aurait préféré un vrai nouveau morceau. À noter pour les die-hard fans du groupe que la version digipack comprend quatre titres live enregistrés en Russie avec un bon son (un peu trop propre pour du live d'ailleurs): "Magic Forest", "Nightstalker", "Hills Of Dead" et "On Pain Of Death".
Cette deuxième partie d'album moins intéressante que la première ne doit cependant pas occulter sa qualité globale qui m'a agréablement surpris. Necronomicon reste clairement un second couteau, nous proposant un thrash metal très classique où les influences se font moins criantes et différentes mais toujours présentes (un "Bloody Bastards" virulent qui n'aurait pas dépareillé sur le
God Hates Us All de Slayer avec ses gueulements à la Araya, un break posé excellent à 3'51 sur "Unconquered" pompé sur Iron Maiden, etc.). Mais les armes blanches de premier choix auraient bien besoin d'être aiguisées et pour le coup, les Allemands se montrent ici bien plus affûtés que la plupart des fines lames habituelles. On appréciera surtout tous ces bons riffs et ces influences heavy qui animent l'opus, tout en regrettant que tous les morceaux ne soient pas du même tonneau que les six premiers. Sans quoi
Invictus aurait peut-être pu prétendre à une place dans le bilan thrash de fin d'année (oui j'y pense déjà!). Pas très dur en même temps vu le manque de concurrence ces derniers temps. Quoiqu'il en soit ne vous fiez pas à la pochette hideuse,
Invictus est un album de thrash fort sympathique qui nous prouve que ces anciens ont encore de beaux restes.
1 COMMENTAIRE(S)
04/02/2012 12:15
pourquoi pas celui-ci, la chronique est assez positive, alors pourquoi pas ?
Faut que j'y tombe dessus... Faut dire qu'entre Suicidal Angels, Asphyx, et quelques achats fait récemment, faut faire un tri. Mais pourquoi pas ?