Alors comme ça on se plaint du manque de bons albums thrash et on ne s'occupe même pas de ceux qui valent le coup ?! J'avoue, je n'ai pas assuré sur ce coup. Sorti en septembre 2018 sur Indie Recordings, ce deuxième opus de Tantara aurait en effet mérité quelques lignes rédigées à temps pour une éventuelle place dans le bilan de fin d'année. Il ne s'agit pourtant pas d'une découverte tardive,
Sum of Forces tournant régulièrement depuis de nombreux mois chez moi. Et j'avais bien entouré le nom des Norvégiens à la publication de leur premier longue-durée
Based on Evil, prometteur en diable. C'était en 2012, déjà via Indie Recordings. Du coup on va dire qu'ils n'avaient qu'à se rappeler plus tôt à mon bon souvenir et que de toute façon, chroniquer un album presque un an après sa parution permet d'avoir un meilleur recul dessus. C'est bon, je suis pardonné ?
Ce
Sum of Forces sort donc plus de six ans après son prédécesseur. Un intervalle de temps assez long dont j'ignore les raisons. Les Scandinaves n'ont en tout cas pas trop subi de changements de line-up puisque seul le bassiste a changé. L'un des guitaristes avait également quitté la formation mais a fini par revenir. Pas non plus de bouleversement stylistique, Tantara continue d'offrir sa vision du thrash présentée sur
Based on Evil avec néanmoins quelques retouches. Première chose importante qui m'a tout de suite plu chez le combo : si Tantara vient de Norvège, il pratique un genre de thrash peu commun pour son pays d'origine. Déjà, pas de black metal, c'est pas mal. Pas non plus de black/thrash à la Aura Noir, de blackened thrash à la Condor, d'alcohol-fueled old-school thrash metal à la Deathhammer ou de thrash/death à la Nekromantheon. Non, ces jeunes pousses (quoique plus si jeunes six ans après) vont chercher leurs influences de l'autre côté de l'Atlantique, à San Francisco plus précisément. Eh oui, Tantara joue du thrash comme on en faisait dans la Bay Area dans la deuxième moitié des années 1980. Ça n'a pas changé sur
Sum of Forces qui garde Metallica, Heathen, Exodus, Vio-Lence, Death Angel et consorts comme références. Et ça me va très bien. D'autant que le quatuor de Vestfold a amélioré l'efficacité de ses compos en réduisant leur durée.
Based on Evil affichait presque une heure au compteur pour huit pistes de sept minutes en moyenne. Parfois un peu long même si le groupe avait le talent pour captiver son auditoire. Là on passe à six titres seulement de cinq minutes en moyenne si on met de côté l'instrumental final "White Noise" qui dépasse les dix minutes. Ceux qui préfèrent les longs titres à tiroirs avec quelques influences progressives risquent peut-être d'être déçus. Personnellement les morceaux plus simples et directs de ce
Sum of Forces me satisfont tout autant voire davantage. Le disque reste en plus varié et intéressant grâce à une qualité d'écriture au-dessus de la moyenne. Les morceaux s'avèrent bien structurés et accrocheurs proposant un riffing thrash classique mais de grande qualité sur des rythmes changeants entre parties de tchouka-tchouka enlevées et mid-tempos plus groovy et headbangants. La rythmique est franchement costaud, ça riffe sévère ! Point bonus, la basse joue des coudes pour occuper une bonne place dans l'espace sonore. Le groupe ne démérite pas non plus rayon leads avec tout un tas de solos remarquables comme sur le très efficace morceau d'ouverture "Punish the Punisher" (3'21), "Death Always Win" (2'22 et 3'42), "Aftermath" à 3'30 ou encore le morceau-titre "Sum of Forces" qui gazouille gaiement dès l'intro comme à la grande époque. Sur dix minutes, "White Noise" nous offre lui un beau récital entre belles notes acoustiques, enchaînement de riffs et de solos, variation de rythmiques, le tout entouré d'une ambiance assez sombre voire triste (6'30). Un peu leur "The Call of Ktulu", toute proportion gardée. On aurait toutefois pu espérer un final sur une grosse accélération jouissive au lieu d'un tempo plus alourdi et une conclusion sur de l'acoustique vite expédié. En cela le morceau s'avère un poil frustrant mais sinon, ça reste du haut niveau. Tout ceci démontre en tout cas chez Tantara un feeling mélodique développé et un toucher, une technique exemplaire. Ça sweepe même de temps en temps ! Par contre la mélodie en lead là vers 2'40 sur "Death Always Win", Accept pourrait vous faire un procès !
L'autre changement, le plus significatif et qui pourrait faire gagner au groupe davantage d'adeptes : le chant. Timbre éraillé agaçant et maladroit, il s'agissait clairement du point faible de
Based on Evil même s'il lui apportait une certaine personnalité que ne lui conférait pas la musique. Le guitariste Fredrik Bjerkø a revu sa copie et propose désormais une tonalité plus catchie, mi-criée mi-chantée avec de vraies mélodies vocales (le refrain de "Sum of Forces" se plaçant comme le plus réussi à ce niveau). Certains passages restent un peu bancals, certains n'accrocheront sans doute toujours pas mais chez moi le charme a opéré. L'efficacité s'en trouve décuplée, avec en bonus quelques chœurs de tough-guy à la Exodus qui passent toujours bien. Au pire, pour ceux qui n'aiment pas, sachez que les longs passages sans vocaux ne sont pas rares, les instruments se faisant suffisamment intéressant pour s'en passer.
Tantara confirme donc son potentiel sur ce
Sum of Forces très plaisant. Les Norvégiens ont même progressé en ayant su gommer quelques défauts comme le chant plus maîtrisé et désormais moins clivant même si le timbre ne plaira pas à tout le monde. Les morceaux raccourcis et plus directs que sur le premier album prometteur
Based on Evil n'enlèvent rien à la qualité d'écriture et à la technique aiguisée des musiciens. Voilà un album de thrash à la Bay Area au riffing et au feeling mélodique exemplaires, varié, catchy et efficace, offrant une belle balance entre tchouka-tchouka pour le pit et groove pour faire bouger les têtes. La basse nous fait en plus le plaisir de se montrer souvent, ce qui ne gâte rien. Seul "Sleepwalker", piste mid-tempo plus centrée sur une ambiance inquiétante, se montre plus dispensable car trop mollassonne pour du thrash. Ces gars-là mériteraient ainsi davantage de popularité et de reconnaissance, tout autant que d'autres formations plus connues mais certainement pas plus talentueuses comme Evile, Warbringer, Crisix, Havoc, Angelus Apatrida et compagnie. En espérant que Tantara ne mette pas six ans à sortir la suite !
1 COMMENTAIRE(S)
06/08/2019 14:46