Mystic Forest - In the End...
Chronique
Mystic Forest In the End...
Chacun d’entre nous a ses groupes fétiches et ses petites manies de fan. En ce qui me concerne, MYSTIC FOREST est l’une des formations qui a changé ma « vie d’auditeur ». Mon premier contact avec la musique de Stefan s’est fait en 1999 lorsque je m’amusais à passer mes dimanches au Virgin des Champs-Elysées. On pouvait y écouter la première minute des albums en passant le code barre sur une borne. Une minute, juste une minute ! Pour un album de metal, c’est ridicule, insuffisant pour se faire une réelle idée et c’était encore l’intro d’un morceau qu’on passait à la piste suivante... Mais vu que je n’avais pas encore accès à Internet, cela pouvait permettre de faire des découvertes. Pourtant ce n’est pas cet album qui m’a rendu accro !
Car finalement, c’est l’album suivant qui m’a rendu dingue de MYSTIC FOREST et au black français en général. Dans les années 90 seul SETH avait réussi à me convaincre que la langue de Molière pouvait convenir à ce genre musical mais tout s’est accéléré en 2000 et 2001 avec ANOREXIA NERVOSA, BELENOS, CRYSTALIUM et MYSTIC FOREST. Tous ces groupes avaient une forte personnalité et ne sont toujours pas oubliés plus de 10 ans plus tard. MYSTIC FOREST est pourtant celui qui revient le moins dans les discussions sur les forums français bien qu’à l’étranger quelques groupes avouent une influence des trois albums Welcome Back in the Forest, Waltz in the Midst of Trees et Romances. Les Japonais surtout restent friands de ce black envoûtant parvenant à mêler désespoir, magie, féérie désabusée et mélancolie poétique, et ils se ruent sur les quelques copies pourtant aisément trouvables en Europe... Il faut dire que la musique de Stefan chatouille les points sensibles des Nippons avec ses apports de piano, de musique classique et de vocaux féminins. D’ailleurs Stefan ne cache pas son attirance pour leur scène. Il apprécie MOI DIX MOIS et a même utilisé des vocaux en japonais pour son autre projet THE SKADEN (You Will Hope I Had Died, 2009).
Et à part les Japonais, Sakrifiss aussi fait partie des fans traumatisés à jamais par la plupart des titres sortis jusqu’à lors. J’ai d’ailleurs poussé le vice jusqu'à contacter Stefan pour lui demander de me signer mes exemplaires comme une groupie intenable. C’était vers 2006, et je ne m’attendais pas à devoir attendre autant d’années - 8 ans - pour avoir une suite à Romance ! L’homme était effectivement optimiste et assurait que l’album était prêt, me proposant même d’en écouter des tronçons ou des versions incomplètes, propositions que je devais refuser, préférant avoir des versions définitives. Il n’était pas avare en informations et m’informait de l’évolution des choses. Et sans oser le lui dire, je m’inquiétais de plus en plus de ne plus retrouver le MYSTIC FOREST que j’aimais. Non seulement les vocaux féminins ne seraient pas présents, mais ce ne serait pas lui non-plus au micro. Il avait déniché une « perle rare » en la personne de Raypissed, le maniaque américain alors chanteur de VINTAGE FLESH. Une fois écouté leur album The Eyes That Glared At My Agonies (2009), je commençais à faire mon deuil. L’homme était très bon, mais n’avait absolument rien à voir avec les atmosphères de mon groupe chéri. Quoi qu’il en soit l’album In the End était encore retardé, et c’est une compile des premiers travaux qui sortait chez Postchrist, ne faisant qu’alourdir l’envie de nouveauté. Plus tard il fut annoncé chez le label de Noktu (CELESTIA) qui décidait de le sortir sur la division Deus Ex Machina plutôt que sur Drakkar. La raison est à trouver dans un de ses commentaire sur Postchrist en octobre 2011 :
« MF sortira sur notre Division Deus Ex Machina. L'album est pour moi trop avant-gardiste, surtout au niveau des vocaux, pour pouvoir sortir sur un label comme Apparitia Recordings qui sort surtout du Black typé Français avec un gros "F" majuscule. (...) Mais bon, ça veut pas dire que l'album est mauvais, disons qu'il plaira surtout a des auditeurs matures je pense car il sort complétement des sentiers battus. »
Pas de quoi me rassurer encore car ne retrouvais rien du groupe dans cette description !
Et quelques mois après, me voilà enfin avec l’objet tant attendu entre les mains ! 8 ans après Romance, je vais enfin avoir la réponse à tous ces mystères. Je viens de le recevoir cet après-midi à 15h. Nous sommes le 27 août 2012, il est maintenant 22h52 et je ne l’ai pas encore écouté. Il est devant moi, et je n’ai fait que le regarder. Je ne grillerai pas les étapes, jai d’abord voulu le humer, l’observer et découvrir son livret. Première impression ? Le visuel est moyen et le packaging mauvais. Je connaissais déjà la pochette, mais je ne vois pas vraiment d’esthétique dans cette femme en culotte à côté d’arbres aussi nus et difficiles à distinguer. Je me rassure en y trouvant tout de même la thématique propre au projet, et puis même si le logo a évolué on retrouve notre petit personnage devant, comme c’était le cas aussi pour les EIKENSKADEN. Bon, restons optimiste, les albums précédents n’avaient pas non plus la palme du meilleur design alors cela ne veut rien dire. Par contre gros carton rouge pour ce digisleeve carton (pâte) souple duquel tombe incessament le livret. On se retrouve obligé à glisser ce livret dans la même ouverture que celle réservée au CD au risque d’abîmer le digisleeve ou, pire, de rayer la galette... On est loin de l’édition en bois scellée à la cire de Waltz in the Midst of Trees... Le livret rattrape ça. Formé de 12 pages, il contient les paroles écrites en blanc sur un fond noir charbon. Quelques photos laisse deviner les silhouettes de Stefan et du nouveau chanteur songeurs voire perdus... Comme on s’y attendait les textes sont bien en anglais. Il y a 8 morceaux. On y confirme que le leader a écrit toutes les musiques et fait tous les arrangements, et que c’est bien Raypissed qui s’est occupé des paroles, de leur écriture et de leur interprétation. On apprend que la musique a été imaginée et enregistrée entre 2003 et 2008, ce qui est une lueur d’espoir pour ceux qui espèrent des ambiances proches de Romance ! Les derniers ajustements concernant les vocaux ont été faits en juin 2011, et c’est donc en août de l’année suivante qu’il est sorti...
Voilà... il est 23h17, et je vais enfin appuyer sur PLAY... Je poursuivrais cette chro plus tard..................................................
Il est 22h58. Putain cet album ne fait que 10 minutes ! Non ? Je recompte... 10, 20, 30... Ouh là ! 40 minutes sont passées ? Merde, le temps a filé à la vitesse grand V et surtout, surtout...
Monstrueux ! Majestueux ! Différent et semblable à la fois ! Les doutes se sont envolés et tout ce qui me vient à l’esprit à brûle pourpoint c’est que d’un côté on a des génies qui se dessèchent au fil des ans, incapables d’avancer et de proposer quelque chose d’aussi fort que dans le passé parce qu’ils se répètent trop ou veulent innover, et que de l’autre on a Stefan Kozak, un génie qui suit une ligne directrice claire, qui ne se trahit pas, mais avance, fait des expériences et vient nous retourner les oreilles, les tripes, le cerveau !
Je stoppe, je dois y retourner, réécouter les précédents aussi, comparer, savourer, mourir !
28 août 2012, 9h du matin... Je l’ai réécouté hier soir, mais ce matin j’ai peur de le remettre... Et si je m’était trompé ? Et si la musique n’avait pas le même impact le matin ? Et si j’avais juste apprécier par nostalgie ?
30 août 2012, 00h41
Je l’ai remis finalement après mes doutes matinaux, et je l’ai écouté, encore et encore. J’ai retrouvé ma tête froide, et je vais essayer de faire partager mon enthousiasme.
D’un bout à l’autre la musique est du MYSTIC FOREST tout craché, agressive et entrainante, et toujours enveloppée dans des claviers / piano délicieux, qui ouvrent des fenêtres spirituelles généralement closes. Il n’y a aucun moment de répit et surtout aucun ajout inutile. On pourrait se dire qu’après 8 ans d’absence on aurait aimé trouver 60 minutes au moins de musique, mais finalement c’est une durée idéale, qui empêche toute lassitude de s’installer.
Le premier titre, « In the End » tape tout de suite puissamment là où ça fait mal. Les sons lâchés par les guitares sont si proches de ce qu’on espérait qu’on en a des larmes de joie ! C’est une suite logique et évidente qui vient célébrer le retour du chef. La batterie est peut-être programmée, cela ne gâche rien, au contraire, elle fuse, elle entraine tout, elle tourbillonne ! Les claviers sont bien entendu au rendez-vous et ne font pas Pouet Pouet. Ils ne se la jouent pas prétentieusement orchestral. Ils apportent comme à l’accoutumée une mélancolie triste et rassurante. Sentiments contradictoires ? Oui, et c’est la force de MYSTIC FOREST depuis toujours. Les sentiments s’entremêlent se télescopent, se subliment. Quel plaisir au final de retrouver tous les éléments familiers ! Sur « Deviation », c’est en l’occurence l’espèce d’accordéon si original ! On découvre sur le même titre un nouvel essai, cette flûte déjà employée chez THE SKADEN qui vient s’ajouter à l’ensemble pour un résultat magique. Le final instrumental de plus d’une minute est fort, très chargé en émotions.
Si les apports musicaux ne sont pas trop nombreux, le chant est l’évolution la plus notable. Raypissed a bien le micro en main et il nous fait un putain de travail. Alors que j’étais sceptique sur le mélange avec le black néo classique évolué de MYSTIC FOREST, il s’en sort très bien le bougre ! Il nous la joue tour à tour terrifiant, terrifié voire, théâtral (particulièrement sur le dernier « Have you seen the Waverly Child »). Il sait avoir des accents à la BAL-SAGOTH, à la DEINONYCHUS ou encore aux plus jeunes A FOREST OF STARS. En tout cas, il tente, il joue, il en impose ! Ses vocaux sont de plus doublés par d’autres, hurlés en fond, que je soupçonne appartenir à Stefan tant la texture en est proche. Il en dégage une impression de folie inarrêtable, renforcée par l’enchainement entre les morceaux. Il n’y a pas de blanc, ni de fadeout, mais des titres collés les uns aux autres de la plus naturelle des façons qui soient ! Les seules choses que je regrette, ce sont les paroles en anglais. Le français correspondait tellement à la personnalité du groupe... tout comme les vocaux féminins, qui apportaient de la légèreté... Le dernier titre intègre bien des choeurs féminins et me rappelle férocement AL-KAMAR (en réussi !), mais j'aurais aimé un peu plus de ce genre d'artifice et c'est ce qui me fait baisser légèrement la note. 9/10, alors que les anciens travaux méritent la note maximale, même écoutés 10 ans après !
Encore une fois, MYSTIC FOREST impose son style et nous fait sombrer avec lui dans un monde terrifiant et envoûtant à la fois. Sa musique est une euthanasie salvatrice, une souffrance sucrée, une chute sans fin sur des airs souriants...
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