Bien sûr, je pourrais commencer comme d’habitude quand un album me marque plus que d’autres et y aller de comparaisons et sous-entendus élogieux, dire qu’après tout, une œuvre comme
Cosmosophy (Blut Aus Nord) ne pouvait rester seule très longtemps, que
Psychurgy montre de toute sa puissance que
Tellurique est un adjectif n’allant pas qu’à un album de Kill The Thrill, que Crown devrait gagner quelques Gatherers avec son premier longue-durée (et hop ! Un lien avec Killing Joke de fait !), que tout ce qu’aurait pu être le décevant
Elysian Magnetic Fields (Dirge) est ici pleinement développé ou encore que les Alsaciens évitent toutes désavantageuses confrontations avec de grands noms des musiques industrielles en soulignant le « God » de Godflesh… En résumé, je pourrais promouvoir et « vendre du rêve ».
Mais, pour une fois que la réalité dépasse l’imagination, je me contenterai d’appliquer ici une des leçons d’humilité que Crown transmet une heure durant (et il a le temps d’en donner beaucoup) en essayant de traduire sur le papier ce qui donne à ce disque une identité le plaçant « ailleurs ».
Psychurgy est, comme un découpage de son nom le suggère, psychique, chirurgical et liturgique : en développant ce qu’a
The One d’astucieux et rigoureux dans son mariage des contraires, le longue-durée avance sereinement par une alliance entre boite à rythme paisible et guitares abrasives sachant éteindre leur flamme pour signifier une exhalaison gazeuse proche de la new wave. Clairement, « Blood Runs » ou « Empress : Hierophant » possèdent leurs lots de riffs autoritaires, ils s’écoutent pourtant avec un sentiment de douleur et paix océanique mêlées, à la fois transgression et consolation. Avec une précision étonnante pour un disque écrit en deux semaines, le duo applique ses lignes linéaires dans lesquelles on se perd malgré tout, une errance au sein de déserts mystiques où tout n’est que descente et montée de dunes, décor unique, chemins labyrinthiques parcourus d’un besoin de se recueillir auprès d’on ne sait quelle force supérieure, à la manière d’Ahab et son
The Divinity Of Oceans. Même si les Alsaciens haussent le ton dans une fin plus frontale menée par Frederyk Rotter de Zatokrev (lors du morceau-titre ainsi que « Alpha : Omega », ce dernier étant introduit par un black metal étourdissant), ce n’est pas par le colossal qu’ils obligent à abdiquer mais une nudité omniprésente donnant à leurs compositions un caractère obsédant bien qu’immédiat (le tube « We Will Crush The Open Sky » par exemple).
Il y a de quoi s’égarer dans ses mélodies fonctionnant comme des symboles, se basant sur des traits primitifs pour élaborer leur mystère. Cependant,
Psychurgy épate également sur un plan plus formel : l’instrumentation et les structures des morceaux sont on-ne-peut-plus classiques mais permettent à Crown de construire des climax inattendus et à-propos (la montée finale de « Abyss »). Cette façon de composer, quelques fois remplacée par des interludes ou un « Telepath » se déroulant dans le calme (avec effets rendant la voix de Stéphane Azam robotique), sert cette impression de tranquillité et tension mélangées par ses cycles répétés contrastant avec une guitare plombant ses parties (le morceau-titre et son riff constamment rejoué finissant par devenir langoureux dans sa lourdeur). Ce qui montre que les Alsaciens, en usant de personnalité, arrivent également à se servir des codes propres aux musiques post à leur avantage bien que leur austérité devienne ici ou là trop basique (sur « Empress : Hierophant » essentiellement).
Bien sûr, je pourrais terminer comme d’habitude quand un album me touche plus que d’autres et y aller de mes confessions intimes, dire que je ne sors pas de ce disque facilement, qu’il côtoie trop souvent le sublime pour ne pas se sentir dérangé dans ses certitudes, qu’il rudoie, met hors de soi et soigne avec trop d’adresse pour ne pas donner envie d’employer des mots vides de sens pour qui s’est déclaré athée d’opinion, « grâce », « âme » et autres conneries. A la place, j’appuierai simplement que Crown, tout en étant un groupe résolument actuel, parvient avec
Psychurgy à se placer aux côtés d’autres qui réussirent avant lui à magnifier cette ambivalence entre mécanique et organique par une application à se situer, non pas au niveau des usines et leurs esclaves, mais près des cheminées où s’échappent les fumées blanches, ces vapeurs solides que regardent parfois les condamnés à la Terre en s’imaginant dans leur envol l’annonce d’un sacrement. Habemus Papam ?
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