Deafheaven - Sunbather
Chronique
Deafheaven Sunbather
Le désavantage des notes dans les chroniques, c’est qu’il n’y a aucun suspens. Du coup c’est bon, tout le monde a compris que j’ai trouvé ce second album excellent. Pourtant ce n’était vraiment pas gagné car j’avais été très mitigé par le premier essai des Californiens. Roads to Judah avait de très fortes qualités et s’imposait sans aucun doute comme un des plus beaux exemples de Post Black Metal, mais il avait tendance à trop empester l’opportunisme. Une brèche avait été creusée et ils avaient plonger dedans. Et l’on se posait la question de la sincérité de leur démarche, d’autant que leur attitude et leur look en faisaient des touristes du black metal. Ils avaient certes l’excuse du « post », il était surprenant de les voir débarquer en chemisettes à manches retroussées, les cheveux courts légèrement décoiffés comme si Jacques Dessange était passé par là, et un aspect trop propret pour être crédible... Le bobo BM était né et les fils à papa se rebellaient sans passer par la case corpse paint. Alors dans un sens c’était totalement black metal comme attitude, un grand coup de pied dans les préjugés, mais il subsistait encore des doutes sur leur démarche, et DEAFHEAVEN est ainsi devenu le plus grand représentant de la mouvance (également insulte) « hipster ». Ceux qui ont raté leurs performances comprendront mieux en vidéo en se rendant compte à quel point la musique est en décalage avec l’image.
Dans ce cas-là généralement, il y a deux réactions. Ceux qui diront : « Ouais, le look on s’en fout, la musique et rien que la musique importe !», et ceux qui clameront que « chaque élément est important dans l’univers d’un groupe, le visuel aussi, et parfois même surtout ! ». Et si ma réaction a été claire en 2011, Sunbather est parvenu à me faire changer d’avis, et pas qu’un peu. La démarche est pourtant toujours la même, jusque dans la pochette encore plus « osée » que précédemment avec un rose dégradé inédit dans notre monde musical. Mais le livret n’est pas en reste avec une ombre adolescente cachée par une explosion de confettis. Ah oui, pour l’instant ça ne respire pas vraiment la haine.
Alors quand on met le premier morceau on peut être surpris par l’agressivité instantanée en total décalage, jusqu’à la première salve de riffs mélodiques. Lorsque les guitares se mettent en avant, elles vibrent, tournoient et glissent sur la peau dans des nuances douces amères, tour à tour sucrées puis acides. Ce goût est ennivrant et se répand dans tout notre corps, nous empêchant de décrocher même lorsque les passages instrumentaux dépassent les 5 minutes (« Vertigo »). Je suis pourtant plutôt sévère envers l’exercice de style habituellement ! C’est parce que ces mélodies sont d’une saveur exceptionnelle et qu’elles ont le talent pour trouver directement notre interrupteur d’émotions, aussi bien caché soit-il au fond de notre carcasse. La mélancolie et la nostalgie explosent alors tels les confettis du livret et l’esprit est pris en otage. Des souvenirs profondément enfouis refont surface à chaque écoute, et l’on se surprend à retrouver des odeurs de son enfance. Personnellement, j’ai senti la lavande offerte à une fête des mères. J’ai senti l’odeur de l’essence des stations services au départ des vacances familiales. J’ai senti le parfum de la colle Cléopatra qui inondait la salle de l’école primaire...
Mais attention ! Cela a l’air bien benêt dit ainsi, et cela le serait si c’était le seul élément du groupe. La lassitude et impression de molesse s’installeraient du coup aussi vite que chez ALCEST et ses disciples, qui ont peu à peu perdu la rage, la haine et la déception pour se concentrer sur le rêve. Non, DEAFHEAVEN contient aussi beucoup de violence et ne cesse de nous hurler que tous ces « merveilleux souvenirs » sont bien du passé, et qu’ils étaient peut-être même une mauvaise interprétation de la triste réalité par notre esprit enfantin. Les illusions naïves ne sont plus que des images floues qui flottent et tentent de survivre dans notre mémoire malmenée, car finalement plus rien ne ramènera le « bon vieux temps ». C’est ce que semblent crier la batterie qui sait se déchainer avec une violence exemplaire ainsi que les vocaux gueulant. Ils ne sont jamais clairs mais au contraire torturés comme il se doit, provoquant un équilibre idéal avec les guitares sus-citées. C’est simple, cet album fait la nique à l’autre groupe américain indispensable du style : WOE.
Ce Sunbather est magnifique et même si la longueur des morceaux pourrait inquiéter, chacun d’entre eux est parfaitement maîtrisé. Leur durée est justifiée par l’évolution de chaque titre. Ils ne proposent pas le même riff répété inlassablement mais progressent bel et bien, passant d’un sentiment à un autre, d’un souvenir à l’autre. Ils sont entrecoupés d’intermèdes qui amène un espace de sérénité bienvenu, nous préparant pour la prochaine expérience, la prochaine excursion intérieure. Je suis enthousiaste car j’ai accroché comme je ne m’y attendais pas, à un point tel que j’ai même revu mon jugement de l’album précédent, ne me demandant plus si le look de nos personnages cachait je ne sais quoi, mais en me laissant emporter par ses déliceuses ambiances. C’est triste à dire, mais j’ai oublié durant une heure et 7 titres que j’étais un gros dur, et ai complètement sombré dans le spleen de DEAFHEAVEN...
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