Lvcifyre - Svn Eater
Chronique
Lvcifyre Svn Eater
Les mines de charbon auraient-elles rouvertes en Angleterre? Cruciamentum, Grave Miasma, Sheol/Sathamel, שְׁאוֹל... on ne compte plus les formations de death metal fuligineux apparues ces dernières années. Comme un peu partout d'ailleurs. Difficile de suivre la cadence et du coup, j'étais totalement passé à côté du premier album de l'entité diabolique Lvcifyre, The Calling Depths, invoqué en 2011 chez Blood Harvest (LP) et Pulverised Records (CD). L'écoute du morceau éponyme du deuxième full-length Svn Eater mis en ligne il y a quelques semaines m'avait collé au mur et je regrettai amèrement de ne pas avoir connu le groupe plus tôt. Mais je me suis bien rattrapé depuis en me procurant The Calling Depths et en le faisant tourner maintes fois dans le discman (oui, j'ai encore un discman). Idem pour ce nouvel opus, tout juste sorti des fourneaux de Dark Descent Records.
Petite précision sur le line-up d'abord. Le duo T. Kaos (guitare/chant) et Menthor (batterie) de The Calling Depths s'est élargi, Lvcifyre se présentant ici sous la forme d'un quatuor avec l'adoubement à la basse de Cvltvs, auparavant simple membre de session, et le recrutement d'un nouveau disciple à la deuxième guitare, le bien-nommé Dictator (Sepulchral Temple, Necrosadist). Si Lvcifyre fait désormais figure de vrai groupe, son origine anglaise est elle quelque peu galvaudée puisque le combo n'est en fait constitué d'aucun Anglais mais de deux Polonais (cela explique beaucoup de choses!), un Chypriote et un Portugais. Un vrai plaidoyer pour l'espace Schengen! D'autant que Svn Eater est une tuerie de tous les instants!
J'aime quand les artworks illustrent avec brio l'ambiance dégagée par la musique. Rappelez-vous récemment de celui du dernier Chaos Inception par exemple. Le Finlandais Timo Ketola réussit sur Svn Eater un véritable tour de force. Non seulement s'agit-il sans doute déjà de la pochette de l'année mais surtout, elle n'aurait pu mieux décrire les sensations ressenties à l'écoute du disque. On s'imagine en effet sans peine dans ce paysage tourmenté et démoniaque, à la fois pris de frissons par le tonnerre grondant et les nuages noirs menaçants, et échaudé par la lave en fusion. Un décor infernal dominé par un temple obscur érigé à la gloire d'un puissant démon, peut-être même le Maître des Ténèbres en personne.
Voilà où nous emporte Lvcifyre sur son Svn Eater qui porte très bien son nom puisque, tel un trou noir, aucune lumière n'en ressort. The Calling Depths faisait déjà très fort, ce nouvel opus enfonce le clou. Avec toutefois quelques différences notables. Si le premier album était un hommage aussi flagrant que dévastateur au grand Morbid Angel en s'appuyant sur des blast-beats quasi continus et des riffs dark véloces, Svn Eater se fait à la fois plus varié et personnel. L'influence de la bande d'Azagthoth reste présente, il n'y a qu'à écouter "Fyre Made Flesh" pour s'en convaincre. Cependant Lvcifyre attire ici d'autres modèles plus evil et noirs, on pense entre autres à Incantation, notamment sur les séquences les plus lentes. Le long morceau d'introduction, "Night Sea Sorcery" contraste ainsi dès le début avec The Calling Depths en nous plongeant pendant neuf minutes dans une atmosphère ultra oppressante qui n'aurait pas fait tâche sur un album de funeral doom! Non, Lvcifyre ne fait plus que blaster. Dans un même ordre d'idée, l'excellente outro "Sinister Calling" (7'30!), quoique plus rapide dans l'ensemble, mise aussi tout sur l'atmosphère instaurée. Et ça marche! Pourquoi? Parce que si le rythme global de Svn Eater a clairement baissé par rapport à l'ultra radical The Calling Depths, cette nouvelle œuvre se montre plus intelligente en distillant savamment ses excès. Et rythmiques plus variées ne signifie pas manque de brutalité. Bien au contraire. J'ai même envie de dire qu'on la sent plus sur Svn Eater. Oui, il y a bien une intro interminable toute lente et des mid-tempos parfois sur tout un morceau ("Nekvomanteion" m'avait un peu déçu lors de sa diffusion d'ailleurs, il se fond en fait très bien) mais cela n'empêche pas Menthor (Enthroned, Necrosadist, Nightbringer) de blaster la plupart du temps. Lvcifyre reste un groupe de bourrins, qu'on se le dise. La preuve sur certains passages parmi les plus rapides jamais composés par le combo comme au début de "Liber Lilith" vers 0'31 après l'intro samplée qui sent le fauve, "In Fornication Waters" à 0'54 (avec un jeu de cymbales sur les blasts qui me fait penser à Temple) et surtout l'incroyable "Fiery Spheres Of Seven" et ses blasts inhumains, tornade obscure ultra jouissive. La soumission aux forces occultes est inéluctable après un tel carnage!
D'autant que la production donne au death metal de Lvcifyre la puissance indispensable à son entreprise de démolition et de conquête de la Terre par les démons souterrains. Sans sonner synthétique, la batterie (en particulier la caisse claire) claque magnifiquement bien pendant les blasts, un vrai régal. Le son de guitare est aussi exemplaire puisqu'il évite d'être trop propre tout en permettant à l'auditeur d'entendre ce qu'il se passe. On peut ainsi se délecter du riffing hors pair des Anglais d'adoption, parmi ce que j'ai entendu de plus sombre et evil, et souvent auréolé d'un feeling black metal approprié, en particulier sur les riffs blastés ("Calicem Obscvrvm", "Liber Lilith", "Sinister Calling"). Mais que ce soit quand ça bourre avec ce chaos démoniaque assourdissant ou quand ça ralentit et que l'on sent tout le poids de l'obscurité qui nous entoure, le groupe arrive à nous plonger dans une ambiance ultra immersive. J'en ai encore des frissons même après plus d'une vingtaine d'écoutes! Et pour une fois, les quelques samples utilisés ont vraiment leur utilité en accentuant encore cette impression jubilatoire de se retrouver au beau milieu du décor de la pochette. Seul celui en fin de "Fyre Made Flesh", à l'effet comique plus qu'occulte avec ces bruits de bouche ridicules, tombe à plat. À l'opposé des sons sortant de celle du frontman T. Kaos. Car sur Svn Eater, le chant joue un rôle prépondérant dans l'atmosphère et la puissance dégagée. Il s'agit d'un duo growl/shriek, rien d'original à première vue, mais au rendu saisissant. Et pas que grâce à la réverbération, légère ici, à la mode chez ce style de groupe pour se donner un genre occulte (tout comme le fait de remplacer les "u" par des "v" voire les "i" par des "y"!) Le growl caverneux de l'ex-Adorior rappelle celui légendaire de Karl Sanders (Nile) et vous fait vous sentir tout petit, tandis que les shrieks de gargouille possédée nous mettent en présence d'une créature diabolique des plus repoussantes. Merci à Mark of the Devil de Cultes des Ghoules pour sa contribution remarquée sur cinq morceaux. Enfin un guest qui apporte quelque chose!
Que reprocher dès lors à un Lvcifyre en état de grâce? Un léger côté répétitif qui peut se faire sentir sur 50 minutes? Des solos chaotiques inutiles pour la plupart (exceptée la lead de "Nekvomanteion" à 2'28, plus travaillée grâce à un vrai fil rouge mélodique)? Pas grand chose à part les deux points que je viens de citer. Des détails sans grande importance de toute façon, juste des pistes d'amélioration (il y en a toujours!). Car Svn Eater devrait coller une belle fessée à tous ceux qui apprécient leur death metal à la fois brutal et à ambiance, ceux qui bandent quand ça blaste à mort, ceux qui aiment se faire emporter par un ouragan de riffs dark et evil, ceux qui bavent dès qu'on évoque Morbid Angel, Incantation, Azarath, Behemoth ou même Portal dans ses élans les plus lisibles. Bref, vous devez l'avoir déjà compris, on tient avec Svn Eater la première grosse claque death metal de 2014!
| Keyser 2 Février 2014 - 5345 lectures |
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