"I walk through the night for a long time
I walk until the houses disappear"
La marche décrite dans le titre "Dawn" s'applique également au parcours d'Abraham. Que de chemin parcouru depuis
"An Eye on the Universe", premier essai des barbus helvètes, dévoilant à la face du monde un Sludge atmosphérique coupé aux influences Post-Hardcore, un disque bâtard mais un peu trop superficiel pour être réellement convaincant - "David Burzum" et "Renzo Tornado Especial", rien que ces noms, bon Dieu. Malgré un bon sens de l'écriture et des paroles inspirées, Abraham peinait à dessiner un univers et à y emmener l'auditeur exigeant, se contentant de la surface au lieu de se concentrer sur le fond. "An Eye of the Universe" ne m'avait pas réellement convaincu, tout comme mon confrère Ikéa, qui s'est chargé de le chroniquer.
On ne pourra qu'être d'autant plus surpris de la tournure qu'a pris le combo Suisse, s'orientant vers quelque chose de beaucoup plus profond, froid et massif, articulant ses morceaux autour d'une thématique biblique apportant beaucoup à l'atmosphère de l'ensemble. Sorti un an après
"An Eye on the Universe", toujours chez Pelagic Records (The Ocean, The Old Wind, pour ne citer qu'eux), "The Serpent, The Prophet & The Whore" est un disque exigeant, dense et diablement prenant.
Chaque instrument y est à sa place, la rythmique se fait sèche, toute en patterns pesants et poisseux, s'autorisant quelques envolées véloces en blast-beats patauds ("Start with a Heartbeat"), transcendés par le son organique de la batterie : un son qui fait du bien à l'heure ou chaque caisse claire, chaque grosse caisse dans l'univers de la musique extrême possède la même résonance, le même son aseptisé. La basse vrombit, les guitares s'épandent dans les arpèges malsains et le riffing en bloc, et les claviers brillent par une sobriété bienvenue, tantôt bruitistes ("This is not a Dead Man, Yet"), tantôt plus "mélodiques" ("Dawn", dont certaines notes me rappellent le thème principal du film "The Thing" de John Carpenter). Tous les ingrédients sont réunis et en osmose parfaite, apportant à Abraham ce qui lui manquait cruellement sur son premier jet : de l'émotion, tant à jouer qu'à transmettre à l'auditeur.
Les deux voix se complètent d'ailleurs remarquablement bien, entre la voix grave d'ours écorché vif et le chant un peu plus Hardcore et "forcé". Schlagmeister et Renzo viennent personnifier le désespoir qui suinte de chaque note de "The Serpent, The Prophet & The Whore" à travers leurs organes respectifs (sans aucun mauvais jeu de mot). Ne se cantonnant pas au seul registre brutal, Abraham propose également quelques envolées atmosphériques entre l'épique et la tristesse, en témoigne le titre "Man the Serpent" et ces quelques chants clairs, reprenant en choeur le refrain sur une rythmique plombée. Contemplatif, mais toujours méchant, le paroxysme de l'art d'Abraham étant atteint sur "Carcasses", 8 minutes 28 qui traînent l'auditeur sur le sol, des huit premiers coups d'introduction jusqu'à cette rythmique finale écrasante, sans aucun chant, ou la basse suit la grosse caisse dans un schéma répétitif qui, pourtant, réussit à ne pas être abrutissant.
Abraham évite les longueurs agaçantes qui handicapaient
"An Eye on the Universe". Du moins, elles sont toujours présentes mais servent l'atmosphère de l'opus - même si un titre comme "This is not a Dead Man, Yet", malgré son final, finit par lasser. "The Serpent, The Prophet & The Whore" est plus cohérent, se disperse moins que son prédecesseur, et se termine en apothéose sur "Dawn", dont les leads en tremolo-picking et les voix complètement possédées servent une atmosphère de désolation qui finit d'achever l'auditeur.
Honnêtement, je n'aurais jamais pensé qu'il fut possible pour Abraham de rattraper son premier jet, efficace mais dispensable, avec un disque de la trempe de "The Serpent, the Prophet & the Whore". Plus sérieux, plus homogène, à la croisée de groupes comme Isis, Neurosis ou encore Cult of Luna, le groupe a réussi à mettre au monde un album fantastique, tantôt épique, tantôt plombé, avec ce qui faisait défaut à
"An Eye on the Universe" : une ambiance, une atmosphère. Il n'en faut pas plus pour hisser Abraham en tant que groupe à écouter, pour tous les amateurs des groupes cités plus haut.
"And what you'll see will make you speak:
"I won't be able, I am too weak"
And that is the truth, that's how you are."
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