Diabolical - Neogenesis
Chronique
Diabolical Neogenesis
Nous sommes en 1998. Bill Clinton se délecte de cigares dans son bureau ovale, Gérard Klein fait des ravages sur nos tubes cathodiques avec sa série "L'Instit", et le monde n'a plus que trois ans à patienter avant l'invention du télétransmetteur à infrarouge universel. Pendant ce temps-là, à Stockholm, le groupe Diabolical voit le jour. Les Suédois proposent sur leurs trois premiers albums une musique proche d'un At The Gates, plus technique et légèrement teinté de Black. Certes, nos amis n'ont pas inventé le fil à couper la bière (d'ailleurs on attend toujours), mais la qualité de leurs productions ne peut être mise en cause.
2013. Le groupe nous revient avec son dernier méfait, "Neogenesis". Ayant toujours été friand de la musique de Diabolical, c'est avec une certaine joie confiante que je place la galette dans mon lecteur CD dernier cri. Et là… Hein ?? Attends, attends… Une petite vérification sur Wikipediabolical… Oui, il s'agit bien du même groupe. Sauf que le combo a clairement revu ses ambitions à la hausse, et n'a pas hésité à bifurquer carrément de son style de base. Point de Death-Thrash-Melo-Blackounet ici. Non monsieur. Nous sommes désormais dans un gros Death teinté d'orchestrations de très bon aloi, le tout enrobé dans un concept-album aux thématiques ésotériques. Le groupe s'est au passage adjoint les services d'un quatuor de cordes et d'une chorale d'une dizaine de personnes.
Dès l'entame, le ton est donné. Ça tabasse sec, le tout est composé et exécuté avec une précision chirurgicale. Les vocaux Black des précédents albums laissent désormais la place à un grunt cavarneux à la tu-la-sens-ma-grosse-virilité. Les influences sont désormais plus à chercher du côté de la Pologne, l'album n'étant pas sans évoquer Behemoth et leurs "petits frères" de Hate. Les atmosphères sont toujours subtiles et pertinentes, passant de chœurs lyriques à des cordes arabisantes, sans jamais se départir de la noirceur omniprésente. Pour un groupe qui n'est pas coutumier du fait, Diabolical réussit l'exploit d'équilibrer parfaitement l'utilisation de ces éléments symphoniques, les distillant de part et autre, sans jamais provoquer l'écœurement. La base guitares-basse-batterie reste la force vitale primordiale de l'album, et ne s'efface jamais derrière une surenchère de cuivres ou de choristes. L'inspiration est avant tout à trouver au niveau des riffs, que les autres éléments viendront colorer, mais certainement pas cannibaliser. L'exercice n'est pourtant pas des plus simples, mais les Suédois s'en tirent avec brio.
Il paraît presque injuste de rentrer dans le titre-par-titre, tant l'album brille par sa cohérence et sa diversité, et mérite d'être appréhendé comme un tout. Mais bon, s'il fallait sortir quelques morceaux du lot, disons… "Into Oblivion", le titre d'ouverture, qui renvoie une bonne partie des groupes de Brutal-Death sur les bancs de l'école. "Oracle", aux ambiances orientales et aux riffs d'une efficacité ravageuse. Le plus lourd "Reincarnation of the Damned", d'une lenteur syncopée particulièrement savoureuse. Et le remarquable "Wolve's Choir", qui nous rappelle habilement que mélodie et brutalité forment souvent un très beau couple.
On pourra discuter de la légitimité pour un groupe de changer aussi radicalement son fusil d'épaule, mais cette discussion serait stérile. Diabolical fait ce qu'il souhaite faire, sans se poser de questions. Et au vu de la qualité de ce "Neogenesis", bien impudent serait celui qui porterait un jugement sur ce revirement. Difficile également de ne pas faire le parallèle avec les Grecs de Septicflesh, qui sortiront quelques mois plus tard leur "Titan" franchement raté, tombant dans le piège du "méga-sympho-cache-misère" qu'ils avaient soigneusement su éviter jusque là. Diabolical a-t-il la notoriété suffisante pour s'asseoir sur leur trône ? Peu probable. Mais musicalement, nul doute qu'il les dépasse désormais de la tête et des épaules.
Un petit mot sur l'objet en lui-même, superbe digipack au format livre, accompagné d'un recueil d'une centaine de pages suivant la trame conceptuelle de l'album. Pas de doute, Diabolical a posé ses douilles sur la table, et a tenu à proposer un album ambitieux, puissant et d'une incroyable finesse. Seront-ils capables de tenir la cadence à l'avenir ? Aucune idée. Et franchement, on s'en tape. Dégustons déjà cette offrande avec l'appétit qu'elle mérite.
| Diego 2 Novembre 2014 - 1420 lectures |
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