Qui n'a jamais comparé un groupe avec un cocktail, un alcool ou bien même un plat ? Non !? Pourtant cela devient de plus en plus récurrent, certains restaurants ou bars allant même jusqu'à baptiser leurs créations d'un titre metal ˗ ultra connu ˗ ou d'un groupe dont on aura détourné le nom (Rye On Fire, par exemple). Il faut dire que des styles se prêtent particulièrement à ce jeu comme le thrash/crossover ou bien le doom fiévreux et dépravé, pourtant d'autres se glisseront dans la brèche de façon subreptice. Cela a donc été le cas avec ce dernier album des Anglais de Fen, dont les nombreuses écoutes ont suscité cette exclamation : « Mais c'est du vin rosé ! ».
Car
Carrion Skies illustre à merveille ce breuvage : frais, léger et aux effluves sucrés, il est à sortir en toutes occasions quelles que soient les personnes présentes. Même les plus réfractaires au black ˗ voire aux musiques dites extrêmes ˗ se radouciront grâce à de grosses influences post-rock et shoegaze. Cependant en ratissant large la formation a aussi égaré ˗ au fil des sorties ˗ bon nombre de ces premiers fans trop écœurés par ses arômes toujours plus suaves et « tout venant ». Reste maintenant à décortiquer l'objet avec une analyse qui se fera en trois points.
L'aspect visuel
Réalisé par Grungyn ˗ bassiste du groupe ˗ l'artwork tant curieux que brumeux rappelle celui d'
Epoch avec ces couleurs sombres et bleutées, la touche « moderne » en moins. Cependant pas de changement notable la nature est toujours présente (si, si en arrière plan), et des formes ˗ pareilles à des doigts ˗ surgissant de la terre, tiennent en leur sein le nom du groupe écrit en lettres de feu. De quoi susciter un grand intérêt et redonner espoir à tous les déçus de la mauvaise cuvée 2013
Dustwalker ˗ l'opus précédent ayant posé les prémices ˗ se noyant dans des ambiances post-rock avec des titres à rallonge sans âme ni envergure. Un vin mielleux au possible de type « Fruits and Vine » ˗ pendant des bières aromatisées ˗ élaboré pour plaire aux gens n'aimant pas l'alcool et/ou ayant mauvais goût.
Mais pas de tromperie ou de mauvais ressenti, Fen pioche un peu plus dans ces premières œuvres, proposant ainsi un mélange plus digeste. La formation retrouve des couleurs sur
Carrion Skies grâce à des morceaux ˗ toujours aussi longs ˗ aux nombreuses nuances et éclats, se délestant quelque peu de leur côté bien trop lisse et terne.
L'aspect olfactif
Vous sentez, à l'écoute de ce
Carrion Skies, un net regain d'intensité ainsi qu'un côté tant boisé que païen renforcé et mis en lumière, notamment par des passages atmosphériques très oniriques. Les Anglais ont appris de leurs erreurs, revenant avec un album plus incisif grâce aux passages violents ˗ mais pas trop ˗ nombreux, mieux maîtrisé et dégageant un caractère affirmé, les deux premiers morceaux ˗ « Our Names Written in Embers Part 1 (Beacons of War) » et « Our Names Written in Embers Part 2 (Beacons of Sorrow) » ˗ étant de parfaits exemples.
Toutefois si Fen essaie de retrouver son parfum d’antan en y mettant les formes avec une excellente production, des passages accrocheurs efficaces, les vocaux très variés de The Watcher (De Arma) ou encore la batterie ultra carrée de Derwydd (Indescinence) l'odeur s'évapore. L'ensemble reste assez léger et doux, malgré une noirceur sous-jacente, manquant toujours de force et de personnalité propre.
L'aspect gustatif
Par ce mélange passé/modernité,
Carrion Skies renvoie énormément aux derniers opus d'Enslaved, le côté épique et travaillé faisant ici défaut. Car si les premières gorgées sont des plus agréables, avec de nombreux arômes explosant en bouche, votre enthousiasme va vite retomber après plusieurs verres. En effet, cette œuvre de Fen est joliment faite proposant des passages aériens prenants et des montées en puissance bien senties mais qui sont accolés à des riffs convenus ˗ comme sur « Sentinels », à partir de 4:37 ˗ ainsi que des séquences traînant en longueur. Un tout qui manque d'équilibre et dont un sentiment de « déjà entendu » ne cessera de croître au fil des écoutes, le spectre Agalloch ˗ avec son moins bon album
The Serpent & The Sphere ˗ étant bien trop présent.
Encore une fois : « Les goûts et les couleurs ». Car difficile de nier l'évidence, malgré de bonnes choses ˗ notamment les deux premiers morceaux et « Sentinels » ˗ le blackgaze de Fen ne prend pas ou du moins ne touche pas. Pourtant les Anglais reviennent bien après un mauvais
Dustwalker, paru l'année précédente, proposant un bon petit rosé de pays. Mais celui-ci n'a pas de saveurs assez particulières et puissantes afin de véritablement se démarquer de la masse.
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