Swallowed - Lunarterial
Chronique
Swallowed Lunarterial
Resté tapi dans l’ombre depuis sa formation en 2007, et cela malgré deux démo et un excellent EP sortis à l’époque sur Detest Records, il n’est cependant pas étonnant de voir apparaître depuis maintenant quelques semaines le nom de Swallowed dans les milieux autorisés. En effet, ce jeune groupe finlandais originaire d’Helsinki vient de sortir son premier album sur Dark Descent Records, label particulièrement plébiscité surtout en cette période de bilans de fin d’année (Horrendous, Emptiness, Thantifaxath, Lvcifyre, Phobocosm...). Une plongée sous les projecteurs qui devrait attirer bon nombre de regards sur le Death/Doom totalement halluciné de ce jeune groupe scandinave.
Il faut dire que celui-ci en a parcouru du chemin depuis la sortie de Putrefaction, première démo parue en 2007 sur laquelle Swallowed s’adonnait alors à un Death Metal old school primitif et plutôt scolaire (avec en prime la reprise de Nihilist qui va bien). Le groupe, qui évolue sous la forme d’un duo, semble désormais bien éloigné de cette affiliation souvent trop réductrice, préférant les voies obscures d’un Death / Doom à la personnalité particulièrement affirmée.
Aussi, il faudra vous armer de patience et de détermination pour arriver au bout de ces cinquante-cinq minutes particulièrement éprouvantes. D’autant que plusieurs écoutes attentives vous seront probablement nécessaires pour espérer toucher du bout du doigt le propos de Swallowed qui, derrière quelques artifices biens connus de tous, s’adonne à une musique presque ésotérique (l’artwork, la typographie utilisée, les quelques sigles qui ponctuent le livret...) et surtout à la croisée des genres. L’artwork laissait déjà entrevoir un groupe à l’univers indescriptible, à la fois étrange et menaçant et surtout bien plus personnel que la moyenne. La musique vient très rapidement confirmer cette première impression en offrant à l’auditeur une sorte de mélange insaisissable entre Black Metal cosmique et abrasif, Death Metal old school (le spectre de Chris Reifert et sa bande n’est jamais bien loin) et enfin une sorte de Funeral Doom aliéné, voir presque psyché pour l’épaisseur, la noirceur et la dissonance d’une majorité de séquences de ce Lunarterial.
D’une manière générale, le tempo de ce premier album est donc plutôt lent, celui-ci étant construit sur une succession de riffs rampants et aliénants qui font que les morceaux s’étirent naturellement sur des formats peu orthodoxes. Car malgré une courte introduction et un excellent "Arterial Mists Of Doom" de tout juste quatre minutes, le reste oscille allègrement entre six et vingt-six minutes pour cette pièce monstrueuse en six actes qu’est "Libations". Mais finalement, cela laisse encore un peu plus de temps à Swallowed pour instaurer ce climat obscur et complètement halluciné qui accompagne chaque seconde de Lunarterial. Ces longs passages processionnaires sont toutefois contrebalancés par des accès de démence pure durant lesquelles les Finlandais vont relâcher toute la pression et donner alors libre court à leurs pulsions les plus sauvages ("Reverence Through Darkness" à 1:25, "Arterial Mists Of Doom" à 1:26, 1:40 et surtout 1:55 et 2:49, "Black Aura" à 3:41, 5:28, "Libations" à 6:01 ainsi que les dernières minutes complètement décomplexées). Il n’y a en effet rien de très rationnel à ces déflagrations, tout semble follement organique et compulsif à l’image de ces riffs ultra dissonants ou de ces parties de batteries complétement épileptiques qui ne semblent aller nulle part et qui pourtant poursuivent le même but, rendre l’auditeur complètement fou à s’en arracher les yeux.
D’ailleurs, cette chronique de Swallowed ne serait pas complète s’il n’était pas fait mention du chant totalement possédé de Ville Kojonen. Rares sont aujourd’hui les voix à retranscrire avec autant de fidélité cette vision de la démence et de l’aliénation mentale. Comme possédé, le jeune finlandais s’acquitte d’une prestation absolument remarquable qui n’est pas sans me rappeler le chant encore plus halluciné d’un certain Mark Of The Devil (Cultes Des Ghoules). Un chant arraché et abrasif sorti des tripes auquel vient se mêler, en plus d’un effet de réverb, d’autres voix en échos (cris lointains, plaintes schizophrènes, voix susurrée...). Ville Kojonen porte ainsi sur ses épaules presque tout le travail d’ambiance de Lunarterial. Une atmosphère à la fois cosmique (ces riffs dissonants, ces notes ponctuelles en résonnance, ces constructions rythmiques improbables...) mais toujours foncièrement sinistre et inquiétante (la voix terrifiante de Ville Kojonen, le growl typé Death Metal soulignant de son "gras" quelques courts passages, les riffs morbides en forme de procession funéraire, cette tension constante mêlée à cette impression que quelque chose de noir et malfaisant couve, tapi dans l’ombre comme Swallowed l’a si bien fait durant plusieurs années...).
Il y a des disques qui demandent de l’engagement et dont on ne ressort jamais indemne. Lunarterial est bel et bien de ceux-là. Le voyage que propose ici Swallowed n’a rien d’une partie de plaisir et laissera des marques aussi profondes que n’importe quelle cicatrice sur votre corps. Une mise à mal du corps mais aussi et surtout de l’esprit à travers des compositions exigeantes d’une rare intensité. Un disque définitivement à part et qui surtout ne se donnera pleinement qu’à ceux qui feront l’effort de le mériter. Ainsi, tous ceux pour qui la musique n’est pas toujours quelque chose d’immédiat et bas du front, devraient se donner la peine de plonger tête la première dans cet abîme inquiétant aux effets irréversibles.
| AxGxB 19 Décembre 2014 - 1586 lectures |
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