NOVEMBERS DOOM est typiquement un groupe que j’ai découvert au hasard il y a six ans : tu te promènes sur le net, en cherchant à ouvrir tes horizons Death Metal (que je venais de découvrir) et tu te rends compte que des mélanges existent. Ici, mêler le Doom et le Death Metal semble une entreprise audacieuse, farfelue auraient pu dire certains à leurs débuts en 1992. Le Death, école extrême qui blaste à tout va avec le Doom, cathédrale de musiques solennelles et lourdes ? Pari tenu, pari remporté !
Car après tant d’années d’existence, admettons-le : c’est un groupe qui a gagné ses titres de noblesse via ce concept solide. Sur leurs trois premiers disques, Novembers Doom a conjugué le gras traînant du Doom à un growl puissant, le tout porté par une instrumentation Heavy à souhait. Le Death se faisait par touches, sous une coupole de guitares saturées, de grognements caverneux et de riffs agressifs ; la lenteur du Doom faisait le reste en terme d’ambiance et de poésie.
Pour la suite, ils ont davantage embrassé le côté mélodique de leur musique. Ils ont ainsi produit des albums saisissants qui viennent piocher au plus profond des tripes, avec le côté lancinant bien Blues. « Lourd et désespéré » ai-je pu lire sur la chronique du
« Pale Haunt Departure ». Exactement, le tout sous une sensibilité forte.
Cependant, avec les années, Novembers Doom a perdu en râle pour aller vers une musique mélodique et progressive qui, parfois, m’évoquait les débuts d’
OPETH. Je me suis écarté des dernières productions qui m’ont parues plus sages, moins authentiques et moins chargées que les six premiers albums qui me suivent dans mon quotidien
Hamartia est le dernier bébé d’un groupe qui a pris un soin particulier à le défendre et à le marketer : on sentait sur leur Facebook qu’il faisait attention aux moindres détails et aux retours des internautes.
Soyons clairs d’entrée de jeu : il y a longtemps que leur touche Death Metal a été mise de côté et il est évident que cet album n’est pas un retour aux sources.
Hamartia s’inscrit dans la continuité mélodique amorcée auparavant. On aura ainsi, dans la globalité, de superbes parties acoustiques poignantes et porteuses de sens. C’est notamment sur « Ghost » que j’ai senti que ça contribuait à l’aspect traînant et mélancolique de l’ensemble.
L’instrumentation ira plus loin et n’hésitera pas à inclure des orchestrations comme dans le titre éponyme « Hamartia » : ce morceau de transition est un des meilleurs que j’ai pu entendre ces derniers temps pour articuler deux moments. Outre le combo piano et guitare sèche qui fait le café, cette orchestration porte bien le chant sous une dramaturgie palpable.
Venons-en alors à ce qui rend cet album si particulier : la voix de Paul Kuhr est fabuleuse. Si « Ever After » présente des envolées mélodiques via ce chant qui semble narrer une histoire, on restera surpris tout le long par le charme qui opère, notamment sur « Waves in the Red Cloth » ou le morceau final « Borderline ». Chaque titre est un exemple de beauté fragile et titille l’imaginaire – si bien que j’en avais oublié que le groupe était américain tant ça semblait emprunter au Metal mélodique scandinave.
Mais cette voix était celle qui, auparavant, grognait avec force et fracas. À ce propos, je suis partagé. Le growl peut parfois être d’une efficacité redoutable, comme lorsqu’il ponctue des temps forts sur « Plague Bird » ou lorsqu’il est porté par une batterie qui s’énerve en blasts sur « Devils Light ». Il y a également le morceau « Waves in the Red Cloth », bien foutu de bout en bout, qui met en avant un growl idéal.
Hormis ça, on sent que la touche Death Metal est en retrait, particulièrement dans le titre « Miasma ». Suite à une intro énervée et au calme parfaitement posé arrive cette voix féminine qui ajoute clairement une touche sensible. C’est ce morceau qui m’a fait me dire que, désormais, c’est la voix claire qui est clairement le facteur en plus dans Novembers Doom. Je trouve les notes dans ces moments vraiment prenantes et à propos, là où le growl me paraît un soupçon trop net, pas assez crade. J’ai le même sentiment avec « Zephyr » : le titre est franchement bon, on sent que les rythmiques sont bossées pour être diverses, que les guitaristes tentent des choses, mais le growl manque de profondeur. Malgré ça, au sein de ce « Zephyr » la progression reste cohérente et appréciable, et le solo est bien conduit et tombe au bon moment.
Ceci vaut pour l’ensemble du disque : entre mélodies, progressions et rythmiques bien fichues, on trouve des breaks par-ci par-là pour marquer les instants (« Ever After », « Devils Light), des instants mi-agressifs (sur la batterie en double pédale) mi-prog (sur le reste) et des différences de ton qui créent un ensemble uni et varié, le tout avec des solos qui frappent juste à chaque fois.
J’émettrais une réserve pour le « Apostasy » : dans la moyenne, ni bonne ni mauvaise, mais du déjà entendu. Après, ça, c’est personnel.
Pour le reste, la basse aurait peut-être mérité un soupçon de grave supplémentaire pour obtenir un son plus Doom. On comprendra ainsi le seul bémol que j’ai à déplorer : tout le pan mélodique et progressif est excellent là où la touche Doom / Death semble un cran en dessous de ce qu’on a pu avoir auparavant. Il faut ainsi prendre l’album dans cette nouvelle direction : Melodic Progressive Metal avec une influence Death Metal suédois, tant on sent des similitudes avec Opeth, Soen ou In The Silence.
Après ce voyage, on arrive au dernier titre, « Borderline », qui déborde du format habituel pour arriver à près de neuf minutes. L’exercice est remarquablement réussi, et on évite de très peu la redite avec aux couplets une musicalité extrêmement proche du morceau « For Every Leaf That Falls ». Heureusement, la voix apporte vraiment quelque chose de neuf.
Car ce disque dépeint une beauté dans la fatalité, sous une souffrance implacable. Une pureté qui s’échappe. Un écho que l’on oublie, entre harmonie et désespoir.
Quand Novembers Doom fait attention et prend le temps, ça donne un album classieux, élégant et d’une poésie sincère – ou d’une sincérité poétique. Le disque ne lasse pas, emporte dans un mouvement de contemplation et de déliquescence du temps – de chute. L’écriture ne tombe jamais dans les facilités, et on se plaît à écouter ces morceaux qui se déroulent calmement. Avec cette fluidité et cette maîtrise authentique, le groupe signe ici un retour sans prétention ni complaisance.
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