Il est tentant de promulguer
Admission comme le disque où Torche s’épanouit et s’émancipe. Cette pochette signée Richard Vergez, ainsi qu’une campagne promotionnelle proclamant ce disque comme « un nouveau chapitre » marquant, entre autres, un changement de poste et l’arrivée d’un nouveau membre après le départ d’Andrew Elstner (Jon Nuñez s’occupant désormais de la guitare, tandis que Eric Hernandez de Wrong prend sa place à la basse), donnent envie d’acclamer la formation comme étant enfin arrivée à maturité. Cette bonne blague : cela fait un moment que la bande de Miami a atteint un certain pic dans son style particulier, au moins depuis l’explosion
Harmonicraft ! Aussi accrocheuse qu’originale dès ses débuts, elle n’a fait que tracer sa propre route, donnant à chaque nouvelle œuvre une sensation assez différente de la précédente rencontre pour alimenter l’envie de tracer un bout de route en sa compagnie.
Et
Admission ne change rien à cela. Comment résister à ce disque, contenant à la fois tout ce que j’aime chez ce groupe tout en allant un peu plus loin dans cette mélancolie réconfortante décelable sur
Restarter ? Finies les années lycée, Torche vieillit et se fait toujours plus contemplatif, tout en gardant cet amour pour le jouissif qui le caractérise (cf. l’exutoire « From Here » ou encore ce batteur autoritaire le long de ces nouvelles trente-six minutes). Poussant davantage son appropriation des années 90, il offre à l’amateur des titres frôlant noise-rock et post-hardcore bataillant de leurs meilleures acrobaties en skateboard (« Slide », « On the Wire ») jusqu’à s’écrouler, épuisé mais heureux, dans le shoegaze le plus tendre (le morceau-titre, « Times Missing »). Menées par le chant vaporeux de Steve Brooks, ces onze compositions mélangent l’énergie sauvage des créateurs de
Meanderthal (Hé ! On ne s’invente pas bourgeois du jour au lendemain) avec une finesse que seule l’expérience apporte.
Ce qui, paradoxalement, fait que j’ai du mal à m’enthousiasmer pour ce longue-durée autant que durant
Harmonicraft et
Restarter. Ne vous y trompez pas, Torche reste pour moi, dans cette case rare des formations parvenant à allier fond et forme, classe et profondeur, accroche et sentiments, un élément de choix, jusqu’à me pousser à militer pour lui auprès de chaque personne ayant le malheur de ne pas encore écouter les Ricains. Seulement, du haut de sa montagne personnelle, il ne semble ni vouloir redescendre (ouf, voilà qui serait bien pire !), ni chercher d’autres hauteurs à gravir, préférant contraster ses dessins sans y tracer de nouvelles lignes. Cela marchait (et marche toujours) lors de
Restarter et sa tristesse avançant masquée ; cela marche un peu moins sur
Admission et ses charges aussi directes et travaillées que peu surprenantes pour le fanatique de longue date. Loin d’être une caricature d’elle-même, la troupe n’en reste pas moins ici aussi qualitative que circonscrite à son domaine d’expertise.
Ceci posé, il n’y a rien à redire et tout à prendre au sein de cette succession de grands moments qu’est
Admission. Loin de mettre une moue sur notre visage, Torche fait toujours s’extasier en sa compagnie lors de la surprenante salve « Extremes of Consciousness » par exemple. Plus des questionnements que de réels défauts en somme, les Floridiens ayant atteint ce niveau où il n’y a certes rien à critiquer, mais où le fait qu’ils fassent se poser quelques questions est déjà en soi un peu de trop. Peut-être que le titre final, « Changes Come », est-il annonciateur d’accomplissements futurs ? Pourquoi ne pas rêver, notamment à voir se réaliser pleinement cette étrange sensation d’avoir ici le frère optimiste de Helmet et 16 ? En attendant,
Admission sera un ami de choix pour vous faire vivre un été digne de ce nom, et c’est déjà plus que ce que l’on mérite ! Admis, haut la main.
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