Anachronism - Reflecting The Inside
Chronique
Anachronism Reflecting The Inside (EP)
Petit pays plutôt discret coincé entre la France, l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, la Suisse n’en finit pas de nous surprendre grâce à une scène particulièrement foisonnante et cela dans des genres pourtant bien différents. Si on retiendra ces derniers mois les noms de Bölzer, Algebra, Deathcult, Darkspace et Antiversum, il ne faut pas oublier qu’en matière de Brutal Death, la Suisse a toujours su revendiquer sa part du gâteau avec notamment quelques groupes tout à fait recommandables à commencer par les excellents Near Death Condition et Requiem.
Originaire de Lausanne, Anachronism vient gonfler cette liste avec la sortie il y a quelques semaines d’un EP intitulé Reflecting The Inside. Ce dernier fait suite à une démo parue en 2010 et un premier album (Senseless) sorti en 2012. Toujours autoproduit, ce EP se présente sous la forme d’un digipack extrêmement soigné et à l’artwork franchement réussi. On le doit au Français Remy Cuveillier qui a travaillé avec des groupes comme Coprocephalic, Corpus Mortale, Deformatory, Katalepsy, Mumakil ou encore les regrettés Viraemia.
Bien décidé à mettre en avant les progrès réalisés depuis sa dernière sortie en 2012, Anachronism a eu la générosité de me faire parvenir, en plus du digipack de Reflecting The Inside, un exemplaire de leur premier album. Une démarche suffisamment rare pour être soulignée et finalement plutôt bienvenue puisqu’en effet, une écoute de Senseless m’a suffi pour me rendre compte que le groupe n’est pas resté les deux pieds dans le même sabot et a depuis parcouru pas mal de chemin. Bien que je l’ai peu écouté, cela ne m’a pas empêché de très vite percevoir les faiblesses de ce premier album à commencer par une sorte de faux rythme, coincé entre de nombreuses séquences mid-tempo alambiquées (ce qui reste étrange pour du Brutal Death) et accélérations salvatrices beaucoup trop rares pour réussir à captiver sur la durée. A cela s’ajoute également des riffs volontaires mais ne figurant pas forcément parmi les plus marquants que le genre ait porté. Néanmoins, on sentait déjà à l’époque un certain potentiel dans les compositions d’Anachronism. Potentiel aujourd’hui confirmé grâce au convaincant et très prometteur Reflecting The Inside qui semble avoir fait table rase des quelques défauts évoqués ci-dessus.
Au-delà du line-up qui a subi quelques arrangements avec l’arrivé de Julien Waroux venu prendre la relève de Nicolas Riederer désormais occupé à tricoter en compagnie de Lisa Voisard, Anachronism a fait un sacré bond en avant qualitativement parlant. Premier élément de réjouissance, le niveau d’intensité largement revu à la hausse. Les Suisses ont ainsi troqué les passages mid-tempo dissonants de Senseless pour des séquences de blasts (et semi-blasts) bien plus jouissives. De fait, Reflecting The Inside gagne immédiatement en impact là où son prédécesseur pêchait par un manque d’attaque évident. On est peut-être loin des sommets que peuvent atteindre certains groupes en matière de BPM mais Anachronism a clairement revu sa copie afin d’apporter davantage de puissance et de brutalité à l’ensemble de ses compositions. Pour autant, les Suisses ne se contentent pas d’enchaîner les blasts à toute allure puisque ces derniers n’hésitent pas à rompre avec ces multiples assauts par des séquences mid-tempo nettement plus groovy (appuyées d’ailleurs par une basse bien présente) qui viennent ainsi apporter un soupçon de variété à ce Brutal Death moderne et compact.
Le deuxième élément de réjouissance concerne la qualité des riffs aujourd’hui bien plus efficaces, techniques et mémorables qu’auparavant. En dehors du fait que Lisa Voisard respire probablement davantage avec l’appui solide de Nicolas Riederer (elle n’est désormais plus seule à composer), le groupe a clairement élevé de plusieurs crans sa force de frappe. Le duo enchaine ainsi les riffs nerveux et saccadés avec pour seul objectif de tout démonter sur son passage. Quel que soit le rythme que s’imposent les deux guitaristes, le résultat est toujours particulièrement probant car il reste extrêmement lisible et aéré même lorsqu’il se fait plus dissonant. Lisa et Nicolas apportent ici un soin particulier à la nature mélodique de leurs riffs soit à travers de nombreuses fulgurances discrètes mais bien présentes soit à travers des leads plus prononcés comme par exemple sur "Memories" à 2:39 ou encore cette conclusion acoustique sur le dernier titre du EP ("Ephemeral Embrace"). Bref, ça joue et ça joue même très bien puisqu’on vient vraiment à regretter qu’il ne s’agisse là que d’un EP.
Dernière élément de réjouissance la production moderne et compact qui évite bien des écueils liés au style pratiqué ici. Ainsi, bien qu’elle soit moderne et toute en puissance, tous les instruments sonnent de manière relativement naturelle. La batterie n’a pas ce côté plastique absolument insupportable que pourtant bon nombres de groupes de Brutal Death se plaisent à avoir pour une raison qui encore aujourd’hui continue de m’échapper. Les guitares sont incisives et les riffs parfaitement compréhensibles, la basse fait des ravages par sa rondeur et sa présence dans le mixage qui fait vraiment plaisir à entendre (de beaux bass drops ici et là) alors que le growl (et les quelques pig squeals) ne prend pas trop de place en comparaison des autres instruments (les backing sont d’ailleurs légèrement en retrait). Bref, tout est très bien équilibré et permet ainsi à Reflecting The Inside de taper juste.
Malgré son patronyme, le Brutal Death d’Anachronism s’inscrit parfaitement dans l’ère du temps en évitant bien des pièges inhérents à la pratique du genre en 2015. Si certaines séquences ont peut-être tendances à saccader un peu trop à mon goût (et encore, je chipote), la musique du groupe suisse possède néanmoins tous les arguments pour convaincre les amateurs du genre et surtout se hisser très vite parmi ce qui se fait de mieux en la matière. Une belle progression pour Anachronism qui nous offre avec Reflecting The Inside un EP aussi efficace que frustrant tant il appel à en vouloir davantage. Ainsi lancés, on espère très sincèrement que les Suisses sauront réitérer l’exercice pour un nouvel album qu’on aimerait voir arriver dans un futur relativement proche. Quoi qu’il en soit, devant une scène en constante perte de vitesse, certains groupes comme Anachronism viennent nous rappeler que quelques-uns sont encore capables de porter bien haut l’étendard du Brutal Death sans céder aux pires immondices. Amateurs du genre, ne passez pas à côté de ces Suisses extrêmement prometteurs.
| AxGxB 7 Juillet 2015 - 944 lectures |
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